- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Les juges de la CPI confirment que la responsabilité financière de M. Lubanga est fixée à 10 millions de dollars US

Le montant de la responsabilité de Thomas Lubanga pour les réparations à verser aux victimes de ses crimes a été confirmé par la Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) à 10 millions de dollars US. L’ancien chef rebelle congolais conteste le montant annoncé en décembre 2017, affirmant qu’il était excessif et que la gravité de ses crimes et le nombre de ses victimes avaient été exagérés.

Dans leur décision [1] d’hier, les juges de la Chambre d’appel ont rejeté l’ensemble des motifs d’appel de M. Lubanga bien que le calcul du montant des réparations par la Chambre de première instance « manquait de clarté ». Ils ont ajouté que, toutefois, les considérations sur lesquelles la Chambre de première instance semble s’être appuyée étaient pertinentes et que la Chambre avait fait des efforts pour obtenir des estimations des coûts de réparation qui étaient aussi précises que possible avant de fixer le montant de 10 millions de dollars US.

Dans son appel [2], M. Lubanga a remis en cause la formule utilisée dans la détermination de l’octroi de réparations. Il a soutenu que la Chambre de première instance avait fixé les réparations prononcées à son encontre en se basant sur les préjudices individuels cumulés, sans évaluer le coût réel des réparations ordonnées. De plus, M. Lubanga a remis en cause le nombre de victimes admissibles pouvant bénéficier de réparations.

Dans l’ordonnance accordant réparations [3], les juges ont déterminé que 425 des 473 victimes potentiellement admissibles de l’échantillon qu’ils avaient examiné étaient très probablement des victimes directes ou indirectes des crimes de M. Lubanga. Les réparations prononcées à l’encontre de M. Lubanga comprennent ainsi sa responsabilité par rapport aux 425 victimes reconnues (3,4 millions de dollars US) plus 6,6 millions de dollars US pour répondre aux besoins de victimes additionnelles qui doivent encore être identifiées.

La défense a contesté la décision d’octroyer des réparations à ces 425 victimes ou à un nombre indéterminé d’autres victimes qui n’était pas identifié lorsque l’ordonnance de réparation a été prononcée. Dans sa décision, la Chambre d’appel a décidé qu’il n’était pas déraisonnable de la part de la Chambre de première instance de s’appuyer sur les listes d’anciens combattants démobilisés pour démontrer que le nombre de victimes affectées par les crimes de M. Lubanga était « bien plus important » que les 425 victimes de l’échantillon.

Selon les juges d’appel, il serait erroné de supposer que le nombre de victimes puisse être établi uniquement sur les demandes de réparations individuelles reçues par la Cour. Ils ont ajouté qu’il ne serait pas souhaitable que les juges de première instance soient limités dans leur détermination simplement parce que toutes les victimes n’avaient pas fait de demande de réparations. Selon la décision, en effectuant cette détermination, la Chambre de première instance devrait « prendre en compte l’étendue des dommages telle qu’elle est en réalité, en se basant sur les crimes pour lesquels la personne condamnée a été déclarée coupable ».

Le montant de 10 millions de dollars US est le montant le plus élevé pour lequel une personne condamnée est tenue responsable par les juges de la CPI. La responsabilité de Germain Katanga a été fixée à 1 million de dollars US [4]. Le citoyen malien Ahmad al-Faqi al-Mahdi [5], qui a été condamné pour avoir attaqué des monuments historiques et religieux, s’est vu attribuer une responsabilité de réparation [6] de 2,7 millions d’euros (soit 3,18 millions de dollars US).

Étant donné que M. Katanga, M. Lubanga et M. al-Mahdi ont été déclarés indigents, le FPV s’est employé à trouver d’autres sources de financement pour contribuer aux réparations. Dans l’affaire Lubanga, il a défini un programme de 1,06 million de dollars US sur trois ans pour les réparations collectives versées aux victimes. Dans l’affaire Katanga, il a fourni des fonds pour des réparations qui comprennent une indemnisation individuelle symbolique [7]de 250 dollars US par victime et une indemnisation collective sous la forme d’aide au logement, d’aide à l’éducation, d’activités génératrices de revenus et d’appui psychologique.

Dans son appel, M. Lubanga a soutenu que l’attribution de 10 millions de dollars US ne reflétait pas sa responsabilité pénale et qu’il était erroné que les réparations excèdent les 6 millions de dollars US que les avocats des victimes demandent.

Dans cette décision, les juges de la Chambre d’appel ont décidé que la Chambre de première instance peut imposer l’octroi de réparations sans se limiter aux demandes qu’elle a reçu. Ils ont indiqué que dans une affaire dans laquelle la Chambre de première instance choisit de ne pas octroyer des réparations uniquement sur des demandes et impose des réparations collectives, comme dans le procès Lubanga, l’octroi de réparations ne peut se limiter aux demandes soumises.

Les juges ont cité l’article 75(3) du statut de Rome de la Cour qui stipule qu’une Chambre de première instance « peut solliciter, et prendre en considération les représentations de la personne condamnée, des victimes, des autres personnes intéressées ou des États intéressés, et les observations formulées au nom de ces personnes ou de ces États ». Ils ont déclaré que cela illustrait le fait qu’une chambre de première instance n’est pas strictement liée à ces représentations lors de la détermination des réparations.

M. Lubanga a également soutenu que la Chambre de première instance avait fait une erreur en le déclarant responsable de la totalité des préjudices des victimes, ignorant les autres coauteurs de ces préjudices et en ne prenant pas en compte sa participation limitée dans la commission des crimes. Selon lui, chaque coauteur doit supporter sa part de responsabilité basée sur sa contribution à la commission des crimes.

Cependant, la Chambre d’appel a partagé l’avis de la Chambre de première instance selon lequel l’octroi de réparations reflétait sa responsabilité pénale individuelle établie à partir de sa condamnation.