- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Comment le Fonds au profit des victimes va dépenser 1 million d’euros pour des réparations collectives au Congo

Le Fonds au profit des victimes (FPV ou Fonds) a décrit la manière dont il utilisera le million d’euros (1,06 million de dollars US) qu’il a affecté aux réparations collectives accordées aux victimes des crimes de Thomas Lubanga dans le district de l’Ituri, situé en République démocratique du Congo. Le Fonds reconnaît toutefois que les ressources financières disponibles sont insuffisantes pour répondre aux besoins en réparations du programme qui s’étale sur trois ans.

Lubanga, l’ancien chef de l’Union des patriotes congolais (UPC) a été condamné en 2012 pour le recrutement, la conscription et l’utilisation d’enfants de moins de 15 ans dans un conflit armé. Hormis sa peine de prison de 14 ans, M. Lubanga doit verser des réparations aux victimes de ses crimes. Toutefois, le FPV finance les réparations car la Cour a conclu que M. Lubanga était indigent. Il pourrait néanmoins être contraint de verser des réparations additionnelles qui n’ont pas encore été déterminées par la Cour.

En octobre dernier, à la suite des audiences sur les réparations [1] auxquelles assistaient l’accusation, la défense, les avocats des victimes et certaines organisations non gouvernementales, les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont approuvé le plan du FPV pour accorder des réparations collectives. Le FPV a été créé en vertu de la loi fondatrice de la CPI pour encourager la justice réparatrice en apportant une aide aux victimes des crimes relevant de la juridiction de la Cour et pour compléter l’attribution de réparations lorsque les personnes condamnées n’ont pas les moyens de payer.

Dans une mise à jour [2] du 13 février 2017 adressée aux juges, le Fonds explique qu’il doit attribuer 100 000 € à des services sous contrat pour aider à l’identification des victimes et à évaluer leurs dommages ainsi que 170 000 € pour mettre en œuvre les réparations symboliques. Le montant restant de 730 000 € financera des composantes de services pour le programme de réparations, attribuées comme suit : réadaptation psychologique (292 000 €), rééducation physique (146 000 €) et mesures socio-économiques (292 000 €).

Concernant les réparations symboliques, le FPV construira trois centres de commémoration qui accueilleront des activités interactives symboliques. Le Fonds a déclaré que les bâtiments pourront être utilisés pour des expositions de peintures et d’œuvres créées par d’anciens enfants soldats qui représenteront le passé, le présent et leurs espoirs pour l’avenir. Ils pourront également accueillir des manifestations musicales, de danse, de théâtre et culturelles ou être un lieu de dialogue communautaire sur les crimes et les moyens de parvenir à une réconciliation.

Il y aura des initiatives commémoratives itinérantes dans cinq autres communautés pour élargir la sensibilisation aux crimes et aux dommages qui en résultent et pour promouvoir la réinsertion, la réconciliation et la commémoration.

Une des composantes des mesures basées sur les services travaillera à améliorer la santé mentale des anciens enfants soldats et de leurs familles (qui sont des victimes indirectes) par le biais de services de consultation psychologique et d’engagement communautaire.

Le Fonds vise également à améliorer la santé physique et la mobilité des victimes par le biais de traitements et de rééducations physiques. Des experts et des médecins mèneront des évaluations médicales afin d’identifier les victimes vivant avec des traumatismes physiques et qui ont besoin d’un traitement médical. Des ententes seront ensuite conclues avec des cliniques, des laboratoires et des hôpitaux existants de la région pour qu’ils fournissent des traitements médicaux aux victimes.

Une troisième composante visera à réparer les dommages socio-économiques causés aux enfants soldats de l’UPC et aux victimes indirectes. Elle aidera les victimes à « améliorer leurs moyens de subsistance durables » ou à « obtenir des compétences procurant des débouchés pour atténuer et soulager les dommages causés aux victimes du fait d’avoir été recrutés, enrôlés et utilisés en tant qu’enfants soldats ». Les activités envisagées comprennent la formation professionnelle, la formation aux techniques agricoles améliorées et la mise en place de projets sur les moyens d’existence tels que les associations de villages d’épargne et de crédit.

Selon le Fonds, chaque victime participante sera interviewée pour discuter et évaluer leur intérêt sur les moyens d’existence familiaux et individuel, que ce soit au niveau professionnel, éducatif ou agricole.

La mise en œuvre du plan de réparations débute cinq ans après la condamnation de M. Lubanga. Depuis août 2012, lorsque les juges ont émis leur ordonnance initiale sur les réparations, l’accusation, les avocats des victimes et la défense ont déposé plusieurs appels de la décision, remettant en cause et demandant des éclaircissements sur de nombreux aspects de cette décision, notamment sur sa mise en œuvre. En 2015, la Chambre d’appel a émis une ordonnance de réparation modifiée [3], chargeant le FPV de la conception et de la mise en œuvre du programme de réparation. Néanmoins, le processus d’identification des victimes et d’évaluation des dommages subis est toujours en cours et a fait l’objet de critiques [4] de la part des membres des collectivités.

Les juges n’ont pas encore déterminé la responsabilité monétaire de M. Lubanga pour les réparations.