- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Les avocats souhaitent que le juge président soit exclu du réexamen de la peine de M. Lubanga

Les avocats de M. Lubanga cherchent à récuser la juge Silvia Fernández de Gurmendi de la présidence de la future commission réexaminant la peine de prison imposée à M. Lubanga par la Cour pénale internationale (CPI) en raison de « circonstances qui jettent manifestement un doute sur son impartialité ». Cependant, l’accusation demande que la requête de la défense soit rejetée étant donné « qu’un observateur raisonnable et bien informé » ne trouverait pas la juge partiale.

Dans une demande [1] du 29 juin 2015 adressée à la Présidence de la Cour, l’avocat de la défense Catherine Mabille a déclaré que la juge Fernández avait été chef de cabinet de l’ancien procureur de la CPI Luis Moreno-Ocampo pendant la période comprise entre la requête du mandat d’arrêt à l’encontre de M. Lubanga et l’audience de confirmation des charges. À l’époque, la juge était la directrice de la Division de la compétence, de la complémentarité et de la coopération du Bureau du Procureur (BdP).

Mme Mabille a indiqué que, à ce poste, on pouvait supposer que la juge Fernández avait participé en personne aux enquêtes concernant M. Lubanga, rédigeant la requête pour son arrestation et élaborant les charges soumises à la chambre préliminaire pour examen. Elle a précisé que deux anciens enquêteurs de l’accusation ayant témoigné au procès Lubanga ont confirmé qu’un comité exécutif établi au sein du BdP, dont la juge Fernández était un membre, était régulièrement consulté au sujet de la conduite des enquêtes et que le comité dirigeait ces enquêtes.

Toutefois, dans une réponse [2] du 3 juillet, le procureur Fatou Bensouda a précisé que l’implication de la juge Fernández dans l’affaire Lubanga en tant que membre du BdP entre 2003 et 2006 était « sporadique et générale par nature ». Elle a ajouté que la juge n’était « jamais directement responsable » des enquêtes et des poursuites engagées à l’encontre de M. Lubanga.

L’article 41(2)(a) du traité fondateur de la Cour, le Statut de Rome, prévoit qu’un juge ne peut participer au règlement d’aucune affaire dans laquelle son impartialité pourrait raisonnablement être mise en doute pour un motif quelconque. Il énonce qu’un « juge est récusé pour une affaire conformément au présent paragraphe notamment s’il est intervenu auparavant, à quelque titre que ce soit, dans cette affaire devant la Cour ou dans une affaire pénale connexe au niveau national dans laquelle la personne faisant l’objet de l’enquête ou des poursuites était impliquée ».

La défense a cité l’article susmentionné, ainsi que l’article 4(2) du Code d’éthique judiciaire, qui prévoit que les juges doivent éviter tout conflit d’intérêt ou être placé dans une situation qui pourrait raisonnablement être perçue comme donnant lieu à un conflit d’intérêts.

Selon Me Bensouda, l’article 41(2)(a) ne devrait pas être interprété comme incluant toutes les procédures qui se tiennent devant la Cour concernant un accusé ou une personne condamnée. Elle a cité la spécificité et l’objectif limité de la procédure concernant la libération anticipée qui demande aux juges de réaliser une évaluation spécifique et différente de la détermination de la culpabilité d’une personne accusée.

« L’évaluation effectuée par la commission n’aura pas de rapport avec le fond de l’affaire, qui a déjà été jugée. La commission sera plutôt appelée à se prononcer sur des événements distincts qui se sont produits après la condamnation », a déclaré le procureur.

Le mois dernier, la Cour a nommé [3] les juges Fernández (juge président), Howard Morrison et Piotr Hofmański à une Chambre d’appel afin de conduire un examen pour déterminer si la peine de prison de 14 ans prononcée à l’encontre de M. Lubanga en 2012 pour l’utilisation d’enfants soldats dans un conflit armé pouvait être réduite. L’article 110(3) du Statut de Rome stipule que lorsqu’une personne condamnée a purgé les deux tiers de sa peine, la Cour « réexamine la peine pour déterminer s’il y a lieu de la réduire ».

Les juges ont décidé que le réexamen se tiendrait le 16 juillet, date avant laquelle l’accusation, la défense et les avocats des victimes doivent déposer leurs observations sur les critères du réexamen. On ignore si cet examen débutera la semaine prochaine avant que la Présidence de la Cour ne statue sur la demande de récusation de la juge Fernández.

Ce n’est pas la première fois que les avocats de M. Lubanga demande la récusation d’un juge. En 2013, la défense avait demandé à la Présidence de la Cour de récuser le juge Sang-Hyun Song de l’audience qui avait examiné l’appel de sa condamnation et de sa peine. La demande a été rejetée [4].