Rapports du proces

3 Mars 2015

La Chambre d’appel de la CPI émet sa première décision sur les réparations

Par admin

Le 3 mars 2015, la Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) a émis sa toute première décision sur les réparations. La Chambre de première instance I a émis sa décision établissant les principes et procédures à appliquer aux réparations dans l’affaire Thomas Lubanga en août 2012. Tant la défense que les victimes ont fait appel de la décision de la Chambre de première instance.

En mars 2012, M. Lubanga est devenu la première personne à être condamnée par la CPI pour l’enrôlement, la conscription et l’utilisation d’enfants soldats de moins de 15 ans pour participer activement à des hostilités. Les crimes se sont produits en 2002 et 2003 dans l’est de la République démocratique du Congo. M. Lubanga a été condamné à un total de 14 ans de prison et sa condamnation et sa peine ont été confirmées en appel.

La CPI est le premier tribunal pénal international qui permet aux victimes de faire des demandes de réparations pour les préjudices subis découlant des crimes. Ces réparations peuvent comprendre des restitutions, des indemnisations et des réadaptations. Les victimes peuvent également recevoir certains types de réparations dans les procédures devant les Chambres Extraordinaires au sein des Tribunaux Cambodgiens.

De plus, un Fonds au profit des victimes (Fonds) a été établi par les États parties de la CPI. Les responsabilités du Fonds comprennent la mise en œuvre des indemnités de réparation et la fourniture d’assistance physique et psychosociale ainsi que le soutien matériel des victimes des crimes relevant de la compétence de la Cour sans que cela soit nécessairement en relation avec une affaire ou une condamnation. Le Fonds fonctionne selon ses propres règles.

La décision d’appel du 3 mars examine si la décision de la Chambre de première instance pouvait être considérée comme une ordonnance de réparation. Elle conclut que bien que la décision de la Chambre de première instance comprend les éléments clés d’une ordonnance de réparation, elle nécessite d’être modifiée pour qu’elle puisse être considérée comme telle. La Chambre d’appel a conclu qu’une ordonnance de réparation, conformément à l’article 75 du Statut de Rome doit contenir au moins cinq éléments essentiels. Ces éléments sont présentés ci-dessous.

Premièrement, l’ordonnance doit être adressée à l’encontre de la personne condamnée. La décision de la Chambre de première instance avait initialement adressé l’ordonnance au Fonds. La Chambre d’appel a jugé que même lorsque la personne condamnée était indigente, l’ordonnance devait être adressée à son encontre.

Deuxièmement, l’ordonnance doit établir et informer la personne condamnée de sa responsabilité par rapport aux réparations accordées dans l’ordonnance. La Chambre d’appel a précisé que même lorsque le Fonds avançait les fonds du fait de l’indigence de la personne condamnée, cette dernière demeurait redevable et devait rembourser le Fonds.

Troisièmement, l’ordonnance doit spécifier et fournir les motifs pour le type de réparations ordonnées. Les réparations peuvent être collectives, individuelles ou les deux à la fois. À cet égard, la Chambre d’appel a rappelé que les représentants légaux des victimes avaient contesté la décision de la Chambre de première instance par rapport à l’attribution de réparations collectives. Ils ont soutenu que, en particulier, la Chambre de première instance aurait dû prendre en compte la demande individuelle de réparations déposée par les victimes. La Chambre d’appel a estimé qu’il n’était pas nécessaire pour la Chambre de première instance qu’il en soit ainsi et que sa décision d’accorder des réparations collectives devrait être interprétée comme une décision de rejeter l’attribution de réparations individuelles. La Chambre d’appel a cependant indiqué que le Fonds devrait consulter les victimes individuelles qui participaient au procès ainsi que les autres victimes qui ont déposé des demandes de réparations pour obtenir des réparations collectives.

Quatrièmement, l’ordonnance doit définir le préjudice causé aux victimes directes et indirectes en conséquence des crimes pour lesquels la personne a été reconnue coupable ainsi que les modalités des réparations que la Chambre de première instance considère appropriées en se basant sur les circonstances de l’affaire. La Chambre de première instance a privilégié une approche plus large par rapport aux victimes qui pourraient être sélectionnées pour des réparations et aux types de préjudices qui pourraient être pris en compte. La Chambre d’appel a jugé que seules les victimes qui avaient subies des préjudices directs ou indirects du fait des crimes pour lesquels la personne a été condamnée pouvaient recevoir des réparations. Les préjudices indirects comprennent ceux subis par les membres de famille et par les personnes qui sont intervenues pour aider les victimes ou pour empêcher les crimes.

Pour terminer, l’ordonnance doit identifier les victimes qui peuvent bénéficier d’ordonnances accordant réparation ou définir les critères d’éligibilité en se basant sur la causalité qui existe entre les préjudices subis par les victimes et les crimes pour lesquels la personne a été condamnée. À cet égard, la Chambre d’appel a estimé que la Chambre de première instance avait fait une erreur en déléguant la responsabilité sur l’éligibilité des victimes au Fonds au profit des victimes. La Chambre d’appel a également précisé que, en se basant sur sa décision, il devait y avoir un lien entre les réparations et les crimes pour lesquels une personne a été condamnée. Par conséquent, il n’a pas été possible pour la Cour d’accorder des réparations pour des crimes sexuels et sexistes subis par les victimes dans cette affaire. En effet, ces crimes n’ont pas fait l’objet de poursuites de la part de l’accusation et, par conséquent, n’ont pas fait partie des crimes pour lesquels M. Lubanga a été condamné. La Chambre d’appel a toutefois fait remarquer que le Fonds pouvait utiliser son mandat d’assistance discrétionnaire pour apporter son aide aux victimes de violence sexuelle et sexiste.

La Chambre d’appel a modifié la décision de la Chambre de première instance en se basant sur les cinq conditions nécessaires. Une ordonnance modifiée a été jointe à la décision. La Chambre d’appel a ordonné au Fonds au profit des victimes de présenter un projet de plan de mise en œuvre des réparations collectives à la Chambre de première instance nouvellement constituée dans les six mois suivant l’émission de la décision.

Cet article est écrit par Mariana Pena.