- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Les juges d’appel confirment la condamnation et la peine de M. Lubanga prononcées devant la CPI

Les juges d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) ont confirmé la condamnation du chef d’opposition congolais Thomas Lubanga qui, en mars 2012, est devenu la première personne à être condamnée par la Cour.

Les juges, qui ont rendu leur décision cet après-midi, ont également confirmé la peine de prison de 14 ans que les juges de première instance avaient prononcée à l’encontre de M. Lubanga.

L’accusation a demandé aux juges d’augmenter la peine, qualifiant les 14 ans d ‘être « manifestement disproportionnés » par rapport aux crimes pour lesquels il avait été condamné. M. Lubanga a demandé aux juges d’appel de réduire sa peine.

Dans une décision lue par le juge Erkki Kourula, la majorité des juges a rejeté l’ensemble des sept motifs d’appel de M. Lubanga. La juge Anita Ušacka a exprimé une opinion dissidente tandis que le juge Sang-Hyun Song a fait part d’une opinion partiellement dissidente.

L’ancien chef de l’Union des patriotes congolais (UPC) a été condamné pour la conscription, l’enrôlement et l’utilisation d’enfants de moins de 15 ans dans un conflit armé. Les crimes ont été commis en 2002 et 2003 lors d’un conflit ethnique qui opposait principalement le groupe ethnique Hema contre les Lendu et les Ngiti dans la province de l’Ituri, en République démocratique du Congo.

Dans son opinion dissidente, la juge Ušacka a déclaré qu’elle n’aurait pas condamné M. Lubanga pour ces crimes sur la base des éléments de preuve sur lesquelles la Chambre de première instance s’était appuyée. Elle a souligné le fait que les juges avaient conclu que les neuf témoins présentés par l’accusation en tant qu’anciens enfants soldats de l’UPC avaient menti sur leurs identités, leurs âges et sur leur enrôlement dans le groupe.

La juge a indiqué que, pendant cinq ans, le procès s’était déroulé en partant du principe que ces neuf personnes constituaient la base matérielle du procès. Cela a privé l’accusé d’une « occasion significative de contester les preuves pendant le procès ».

Par conséquent, la juge Ušacka a déclaré que les conclusions des juges de première instance présentaient le même degré d’imprécision et que les éléments de preuve sur lesquels les juges s’étaient appuyés pour le condamner n’étaient pas « suffisants pour atteindre le seuil du doute raisonnable ».

La juge a également souligné que déterminer l’âge d’une personne sur la base de son aspect physique était complexe et sujet à erreur. Elle a déclaré que les juges de première instance s’appuyaient sur les estimations d’âge données par les témoins ordinaires, leur propre évaluation étant basée sur des vidéos montrant de jeunes soldats de l’UPC et une note interne du groupe faisant référence à une démobilisation d’enfants âgés de 10 à 15 ou 16 ans.

Selon le juge Ušacka, les témoins ordinaires n’ont pas souvent mentionné comment ils savaient que les enfants avaient moins de 15 ans. Quant à la vidéo, elle a déclaré que les enfants présentés n’étaient que partiellement visibles et que leurs tailles étaient incertaines mais que les juges de première instance avaient déterminé que les « images parlaient d’elles-mêmes ».

Elle a ajouté que la personne la plus visible dans la vidéo avait été retrouvée par la défense et appelée à témoigner à la phase d’appel pendant laquelle cet homme a affirmé, qu’à l’époque de l’enregistrement de la vidéo, il avait entre 19 et 20 ans. Une autre personne filmée dans la vidéo a témoigné à la phase d’appel qu’elle avait entre 17 et 18 ans à l’époque.

La juge Ušacka était en désaccord avec la décision à la majorité de ne pas admettre ce témoignage. Elle a indiqué que cet élément de preuve pouvait avoir le potentiel de démontrer que l’approche de la Chambre de première instance était éronnée et avait une influence sur la condamnation.

La majorité a conclu que le témoignage n’était pas admissible car soit il était disponible lors du procès soit la Chambre d’appel n’a pas conclu que, si ce témoignage était admis au procès, il aurait pu conduire la Chambre de première instance à rendre une décision différente.

Lubanga, la première personne à être jugée par la CPI, est détenue au quartier pénitentiaire de la Cour depuis 2006. Son procès s’est ouvert en janvier 2009. Bosco Ntaganda, qui a exercé les fonctions de chef adjoint de l’état-major, était initialement inculpé conjointement avec M. Lubanga mais s’est soustrait à la justice jusqu’au mois de mars de l’année dernière lorsqu’il s’est volontairement livré à la Cour. Son procès devrait s’ouvrir en juin prochain. Il répond de 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.