- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

M. Lubanga ajoute à ses motifs d’appel la non-divulgation de preuves par l’accusation

Les juges d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) ont autorisé Thomas Lubanga à ajouter un nouveau motif d’appel relatif à la non-divulgation par le procureur à l’accusé de preuves que la défense considère être à décharge.

Les juges ont également autorisé le politicien congolais à présenter une nouvelle preuve pour étayer son appel de la condamnation et de la peine de 14 ans de prison prononcée à son encontre en 2012.

Dans une décision du 13 janvier 2014 [1] signée par le juge président Erkki Kourula, M. Lubanga a été autorisé à présenter six nouveaux documents comme éléments de preuve. Quatre d’entre eux sont des correspondances entre la défense et l’accusation concernant la demande de divulgation de deux documents. Les deux documents renferment une liste de noms et de photographies de membres appartenant à la garde présidentielle de l’Union des patriotes congolais (UPC), le groupe dirigé par M. Lubanga.

Selon les juges, la demande de M. Lubanga du 23 décembre 2013 a suffisamment exposé les raisons pour ajouter à ses motifs d’appel, à savoir la découverte des documents présumés non divulgués. La demande a également été déposée dans un délai raisonnable, c’est-à-dire approximativement trois semaines à compter du moment où il a eu connaissance de cette supposée non divulgation.

Les juges ont décidé que le nouveau motif d’appel, à savoir la non divulgation de documents potentiellement pertinente pour la détermination de l’utilisation d’enfants de moins de 15 ans dans la garde présidentielle de l’UPC, vise à « remettre en cause la fiabilité d’une partie considérable des conclusions sur lesquelles la condamnation de M. Lubanga était fondée ».

Dans leur demande, les avocats de M. Lubanga ont affirmé que bien que les procureurs aient été en possession de deux documents depuis 2004, ils ne les avaient divulgués à la défense qu’en décembre 2013. M. Lubanga a demandé l’admission de l’élément de preuve supplémentaire en rapport avec les motifs de ses appels tels que les violations présumées du procureur de son obligation d’enquêter, les violations présumées du procureur de son obligation de divulgation et les erreurs factuelles présumées concernant l’âge de personnes appartenant à la garde présidentielle de l’UPC.

La défense a soutenu que la non-divulgation de ces deux documents avaient porté préjudice à la capacité de M. Lubanga de se défendre et que la réparation appropriée à ce préjudice était l’invalidation de certaines conclusions factuelles sur l’utilisation par M. Lubanga de personnes de moins de 15 ans « dans son escorte personnelle en en tant que gardes du corps ».

Le 14 mars 2012, les juges ont conclu que M. Lubanga était coupable en tant que co-auteur du recrutement, de la conscription et de l’utilisation d’enfants soldats dans la branche armée de l’UPC. Il a été constaté qu’il avait utilisé un « nombre significatif » d’enfants de moins de 15 ans dans son unité de gardes du corps personnels.

M. Lubanga, qui est détenu dans le quartier pénitentiaire de la CPI depuis mars 2006, est la première personne à être jugée et condamnée par la Cour. Par deux fois, les juges ont suspendu le procès et ordonné sa libération sans condition. Ces deux suspensions ont duré au total huit mois.

En juin 2008, les juges de première instance avaient décidé une première suspension de la procédure, arguant qu’il était impossible que le procès soit équitable étant donné que le procureur n’avait pas divulgué à la défense, ou aux juges, une preuve importante potentiellement à décharge. La deuxième suspension du procès a été ordonnée en juillet 2010 lorsque l’accusation a omis de divulguer à la défense l’identité d’un intermédiaire de l’accusation qui avait été l’objet d’allégations de préparation de témoins.

Lors de la condamnation de M. Lubanga, l’avocat de la défense Marc Desalliers a indiqué que la divulgation tardive de certains éléments de preuve avait privé la défense de la possibilité d’enquêter sur des questions pour sa plaidoirie ainsi que de celle d’interroger certains témoins de l’accusation.

« Lorsque l’on ne peut pas vérifier des preuves, lorsque le procureur en personne ne vérifie pas les preuves, on obtient alors une image faussée des évènements, particulièrement en ce qui concerne M. Lubanga », a-t-il déclaré.

Dans les appels contre la condamnation de M. Lubanga, la défense a souligné la conclusion des juges de première instance qui, dans leur décision, avaient rejeté les dépositions de neuf témoins à charge qui avaient témoigné en tant qu’anciens enfants soldats de l’UPC. Ces personnes ont depuis perdu leur statut de victime participant au procès.

Tout en contestant les charges d’utilisation généralisée d’enfants soldats par le groupe de M. Lubanga faites par l’accusation, la défense a soutenu qu’il n’était pas adéquat d’utiliser l’apparence physique pour déterminer l’âge des enfants qui avaient servi dans le groupe, comme l’avaient fait les témoins de l’accusation.

Le procès de M. Lubanga pour les crimes qu’il aurait commis lors du conflit armé en République démocratique du Congo, s’est ouvert le 26 janvier 2009. À la suite de sa condamnation en juillet 2012, une peine de prison de 14 ans avait été prononcée à son encontre. Il a déposé ses appels en décembre de la même année. L’accusation a également déposé un appel pour que les juges augmentent la peine de prison.

Dans leur décision, les juges ont ordonné aux procureurs de déposer une réponse au nouveau motif d’appel et à la présentation d’un élément de preuve supplémentaire d’ici le 17 janvier. Les avocats représentant deux victimes au procès devraient déposer leurs vues d’ici le 24 janvier.