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7 Juin 2012

Women’s Initiatives autorisé à participer aux procédures en réparations dans l’affaire Lubanga

Par Women’s Initiatives for Gender Justice

Chers lecteurs,

Le commentaire suivant a été tout d’abord publié dans un numéro spécial de Panorama légal de la CPI, un bulletin juridique régulier produit par Women’s Initiatives for Gender Justice, une organisation internationale pour les droits des femmes qui promeut la justice en matière de genre auprès de la Cour pénale internationale (CPI) et qui travaille avec les femmes les plus touchées par les situations de conflit faisant l’objet d’enquêtes par la CPI. Ce numéro spécial est le premier d’une série de quatre qui rendront compte du premier jugement rendu par la Chambre de première instance I dans l’affaire contre Thomas Lubanga Dyilo le 14 mars 2012. Les vues et opinions exprimées dans ce commentaire ne reflètent pas nécessairement les vues et opinions de l’Open Society Justice Initiative. Pour lire la version intégrale du premier numéro spécial de la lettre du Panorama légal, veuillez cliquer ici.

Bien qu’un cadre pour les réparations soit défini dans le Statut de Rome,[i] l’affaire Lubanga représente la première occasion pour la Chambre de première instance de la CPI d’engager une procédure de réparations. Á la suite de la condamnation de M. Lubanga le 14 mars 2012, la Chambre de première instance I a rendu une ordonnance portant calendrier concernant la fixation de la peine et des réparations.[ii] Dans son ordonnance portant calendrier, la Chambre de première instance a invité les parties et les participants, ainsi que le Greffe et le Fonds de compensation des victimes, à présenter des observations concernant (a) les principes à appliquer par la Chambre pour les réparations ; et (b) la procédure à suivre par la Chambre pour les procédures en réparations.[iii] La Chambre de première instance a également invité d’autres personnes ou parties intéressées à solliciter l’autorisation de soumettre des observations sur ces questions.[iv]

En réponse à cette invitation, le 28 mars 2012, Women’s Initiatives for Gender Justice a déposé une demande de participation aux procédures en réparations.[v] C’est la quatrième fois que Women’s Initiatives dépose une demande de participation devant la CPI.[vi] Le 20 avril 2012, la Chambre de première instance I a rendu une « décision autorisant la présentation d’observations lors des procédures en réparations »,[vii] dans laquelle elle autorise Women’s Initiatives for Gender Justice, le Centre international pour la justice transitionnelle, l’UNICEF, la Fondation Congolaise pour la Promotion des Droits humains et la Paix et Avocats sans frontières (qui ont déposé une demande conjointe avec quatre ONG congolaises) à soumettre, d’ici le 10 mai 2012, des observations écrites lors de la procédure en réparations de l’affaire Lubanga.

Women’s Initiatives a sollicité l’autorisation d’aborder deux points spécifiés par la Chambre, à savoir notamment : (i) « si l’attribution des réparations se fera sur une base collective ou individuelle » ; et (ii) « selon que les réparations seront individuelles ou collectives (ou les deux), à qui elles seront destinées ; comment le préjudice sera évalué ; et quels seront les critères appliqués à ces indemnisations ». Par ailleurs, Women’s Initiatives a proposé d’assister la Chambre en présentant des observations sur les dimensions sexospécifiques de ces questions, notamment sur les modalités permettant de déterminer des programmes de réparations qui soient adaptés aux filles et aux femmes.

Dans la demande, Women’s Initiatives for Gender Justice affirmait que l’inclusion du préjudice subi pour les crimes à caractère sexiste dans l’ordonnance de réparation demeurait « cohérente avec l’approche de la Chambre pour la phase des réparations dans cette affaire ».[viii] Comme décrit précédemment dans leurs rapports respectifs à la Chambre déposés en septembre 2011, le Greffe et le Fonds au profit des victimes ont également explicitement reconnu les préjudices résultant de la violence sexuelle aux fins de réparations.[ix]

La demande de Women’s Initiatives indique que « tout préjudice raisonnablement estimé avoir été directement causé par les crimes pour lesquels l’accusé a été condamné peut être légitimement considéré pour une inclusion éventuelle dans l’ordonnance de réparation ».[x] Elle comprend les nombreux actes de violence sexuelle au sujet desquels la Chambre a entendu des témoignages, « puisque ces derniers découlent directement des crimes d’enrôlement, de conscription et d’utilisation d’enfants de moins de 15 ans pour les faire participer activement aux hostilités ».[xi]

Women’s Initiatives a souligné ensuite l’importance d’attribuer à la fois des réparations collectives et individuelles, tout en insistant sur l’importance des réparations collectives.[xii] La demande indiquait que « les réparations collectives, telles que les programmes de réadaptation apportant une aide psychologique et médicale aux victimes, particulièrement aux victimes de crimes à caractère sexiste, ou une réadaptation sociale et des programmes de démobilisation pour les anciens enfants soldats, peuvent répondre à des aspects plus larges des préjudices subis par la communauté dans son ensemble ».[xiii]

La demande faisait valoir que « [l’]intégration des femmes et des filles dans les consultations de réparations est particulièrement importante ».[xiv] De plus, « le type des crimes subis par les femmes et les filles, les inégalités entre hommes et femmes préexistantes et actuelles ainsi que leur accès aux services et programmes de justice et de réadaptation méritent une attention particulière pour assurer qu’une ordonnance de réparation n’ait pas l’effet involontaire de reproduire une discrimination entre hommes et femmes.[xv] Á cet égard, Women’s Initiatives a soutenu le rôle potentiel du Fonds au profit des victimes dans l’octroi des réparations, signalant qu’il faudra veiller à la sécurité des bénéficiaires potentiels.

Enfin, la demande de Women’s Initiatives a abordé les critères à appliquer pour le versement de réparations, constatant que « les [r]éparations devraient contribuer à acquérir ou restaurer une qualité de vie pour la victime ainsi que pour les générations futures ».[xvi] Á cet égard, Women’s Initiatives a proposé que l’on aborde la valeur : (i) des réparations qui, en plus de restaurer, contribuent également à transformer ; (ii) des réparations qui, au sein des communautés, répondent aux inégalités entre hommes et femmes ; et (iii) des réparations qui contribuent à promouvoir l’égalité des sexes par le biais des types de programmes créés et le type d’assistance apportée aux communautés de victimes.[xvii]

Lire la Demande de Women’s Initiatives for Gender Justice de participation aux procédures en réparations

Lire la Décision autorisant Women’s Initiatives for Gender Justice à participer aux procédures en réparations

Lire les précédents documents soumis par Women’s Initiatives à la CPI



[i] Article 75, Statut de Rome et Règles 94-99 du Règlement de procédure et de preuve.

[ii] ICC-01/04-01/06-2844.

[iii] ICC-01/04-01/06-2844, paragraphe 8.

[iv] ICC-01/04-01/06-2844, paragraphe 10.

[vi] Le 7 septembre 2006, Women’s Initiatives est devenue la première organisation à déposer une demande de participation à une affaire, relative au manquement du Procureur à faire une enquête approfondie et à retenir des charges pour les crimes à caractère sexiste et l’impact de cette situation sur les filles soldats et la communauté plus large des victimes étant donné la limitation des charges retenues à l’encontre de M. Lubanga (ICC-01/04-01/06-403). Á la suite de l’invitation à redéposer notre demande dans le cadre du dossier de situation et non dans celui du dossier de l’affaire, le 10 novembre 2006, Women’s Initiatives a soumis une nouvelle fois sa demande à la Chambre préliminaire I concernant la situation en République démocratique du Congo (ICC-01/04-313). Le 13 juillet 2009, Women’s Initiatives a déposé une demande pour soumettre des observations micus curiae dans l’affaire contre Jean-Pierre Bemba Gombo, dans la situation de la RDC. Le 22 juillet 2009, Women’s Initiatives for Gender Justice est devenue la première organisation internationale pour les droits des femmes, et la seule jusqu’à présent, à avoir obtenu le statut amicus curiae auprès de la CPI. Les observations amicus dans l’affaire Bemba ont été déposées le 31 juillet 2009 (ICC-01/05-01/08-466).

[vii] ICC-01/04-01/06-2870.

[viii] ICC-01/04-01/06-2853, paragraphe 18.

[ix] ICC-01/04-01/06-2806 (Greffe), paragraphes 20, 88-89, 105, 208; and ICC-01/04-01/06-2803-Red (Fonds de compensation des victimes), paragraphes 26, 159, 163.

[x] ICC-01/04-01/06-2853, paragraphe 16.

[xi] ICC-01/04-01/06-2853, paragraphe 26.

[xii] ICC-01/04-01/06-2853, paragraphe 28; voir également Rapport du Fonds de compensation des victimes sur les réparations, paragraphes 26, 208-209, 289-293.

[xiii] ICC-01/04-01/06-2853, paragraphe 28.

[xiv] ICC-01/04-01/06-2853, paragraphe 34.

[xv] ICC-01/04-01/06-2853, paragraphe 34.

[xvi] ICC-01/04-01/06-2853, paragraphe 35.

[xvii] ICC-01/04-01/06-2853, paragraphe 35.

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