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La Chambre de première instance I a rendu le premier jugement de première instance de la CPI : analyse de la prise en compte de la violence sexuelle dans le jugement

Chers lecteurs,

Le commentaire suivant a été tout d’abord publié dans un numéro spécial de Panorama légal de la CPI, une lettre d’information électronique produite par Women’s Initiatives for Gender Justice [1], une organisation internationale pour les droits des femmes qui qui milite pour la justice pour les femmes auprès de la Cour pénale internationale (CPI) et qui travaille avec les femmes les plus touchées par les situations de conflit sous enquête par la CPI. Ce numéro spécial est le premier d’une série de quatre qui rendront compte du premier jugement rendu par la Chambre de première instance I dans l’affaire contre Thomas Lubanga Dyilo le 14 mars 2012. Les vues et opinions exprimées dans ce commentaire ne reflètent pas nécessairement les vues et opinions de l’Open Society Justice Initiative. Pour lire la version intégrale du premier numéro spécial du bulletin juridique Panorama légal, veuillez cliquer ici [2].

Le 14 mars 2012, la Chambre de première instance I a rendu un jugement dans la première affaire de la CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, condamnant Thomas Lubanga Dyilo (Lubanga) pour les crimes de guerre de conscription, d’enrôlement et d’utilisation d’enfants de moins de 15 ans en vue de les faire participer activement aux hostilités dans le sens de l’article 8(2)(e)(vii) et 25(3)(a) du Statut de début septembre 2002 au 13 août 2003 (Jugement).[i] [3] Lubanga est l’ancien président de l’Union des patriotes congolais (UPC) et le commandant en chef des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC). Dans un jugement de 624 pages, comprenant deux avis individuels ou dissidents, la Chambre de première instance se prononce sur la responsabilité de Lubanga concernant les crimes imputés. Ce document inclut également un examen détaillé des arguments des parties, abordant des questions telles que l’utilisation par l’accusation d’intermédiaires dans ses enquêtes et les allégations de la défense d’abus de procédure.[ii] [4] Ces questions seront examinées plus en détail dans les numéros spéciaux à venir de cette série. Le juge Fulford a rendu un avis individuel sur la portée de l’article 25(3)(a) du Statut, concernant une personne présumée avoir commis un crime « conjointement avec une autre personne ». La juge Odio Benito a rendu un avis individuel et dissident sur trois aspects particuliers du jugement : (i) la définition légale des crimes d’enrôlement, de conscription et d’utilisation d’enfants de moins de 15 ans pour les faire participer directement à des hostilités ; (ii) la manière dont la majorité était concernée par le double statut de victime / témoin dans l’évaluation de leurs statuts de victimes participant à cette affaire et (iii) la valeur probante des témoignages vidéo.[iii] [5] Une audience de détermination de peine se tiendra pour M. Lubanga le 13 juin 2012.[iv] [6]

Importance de la violence sexuelle dans le contexte de l’affaire Lubanga

Comme indiqué ci-dessus, M. Lubanga a été jugé et condamné pour les chefs d’inculpation limités à l’enrôlement, la conscription et l’utilisation d’enfants soldats et n’a pas été poursuivi pour viol et violence sexuelle. Lors du procès, cependant, les témoins de l’accusation ont apporté de nombreux témoignages sur la violence sexuelle commise par l’UPC à l’encontre des enfants soldats. Dans le jugement de première instance, la majorité de la Chambre de première instance I a conclu qu’elle n’avait pu examiner cette preuve, en application de l’article 74(2),[v] [7] puisque les allégations factuelles concernant la violence sexuelle n’avaient pas été incluses dans la Décision de confirmation des charges de la Chambre de première instance. Bien qu’elle n’ait apporté aucune conclusion de fait sur les preuves d’une violence sexuelle, la Chambre a examiné en détail les témoignages portant sur la violence sexuelle. Dans son Opinion individuelle et dissidente, la juge Odio Benito a conclu que la violence sexuelle est un aspect « intrinsèque » du concept juridique « d’utilisation pour participer activement aux hostilités ».[vi] [8] Le jugement et l’Opinion individuelle et dissidente de la juge Odio Benito sont détaillés ci-après.

On sait que la République démocratique du Congo (RDC) présente un des taux les plus élevés de violence sexuelle dans le monde,[vii] [9] et il existe un grand nombre de preuves, rassemblées par des organisations internationales et locales, notamment par Women’s Initiatives for Gender Justice, sur les viols et les autres formes de violence sexuelle qui ont eu lieu dans la région de l’Ituri, dans l’est de la RDC.[viii] [10] Dans un certain nombre de déclarations faites avant et lors de l’ouverture de l’enquête sur la situation en RDC, le procureur a, à de nombreuses reprises devant la commission, fait référence à une violence sexuelle à caractère sexiste perpétrée par les milices sous le commandement présumé de M. Lubanga.[ix] [11] Dès les premiers stades de l’enquête, Women’s Initiatives for Gender Justice a demandé au Bureau du Procureur d’enquêter sur les crimes à caractère sexiste dans le contexte de la situation de la RDC et d’inclure ces charges dans l’affaire Lubanga.

Malgré tout, le mandat d’arrêt du Procureur à l’encontre de M. Lubanga ne couvrait pas les charges relatives à des crimes à caractère sexiste.[x] [12] Le 16 août 2006, Women’s Initiatives a soumis une lettre et un rapport confidentiel au Bureau du Procureur, faisant état de préoccupations quant au fait que les crimes à caractère sexiste n’avaient pas été dûment étudiés dans l’affaire Lubanga et incitant le Procureur à pousser plus loin son enquête. Le rapport confidentiel présenté par le Procureur incluant une documentation comprenant 55 interviews de victimes / survivants de viol et de violence sexuelle, dont 31 personnes interviewées étaient des victimes / survivants de viol et d’esclavage sexuel commis par l’UPC.[xi] [13] La lettre soulignait en outre que le choix des charges retenues par le Procureur aurait un impact important sur le nombre de victimes qui pourraient être autorisées à participer au procès. Le 7 septembre 2006, Women’s Initiatives est devenue la première ONG à présenter des observations devant la Cour concernant l’absence de charges pour les crimes basés sur le genre dans l’affaire Lubanga.[xii] [14] Aucune autre charge n’a toutefois été retenue et l’affaire Lubanga a poursuivi son cours, passant de la confirmation des charges au stade du procès, avec des charges limitées.[xiii] [15]

Malgré l’absence de charges pour les crimes basés sur le genre dans l’affaire contre M. Lubanga, de nombreux témoignages sur la violence sexuelle ont été entendus tout au long du procès. Dans son exposé introductif de janvier 2009, l’accusation décrivait l’utilisation du viol lors des recrutements ainsi que le fait que les enfants soldats étaient encouragés à violer des femmes dans le cadre de leur entraînement et étaient envoyés par leurs commandants pour rechercher des femmes et les ramener au camp.[xiv] [16] Les filles soldats, dont certaines avaient 12 ans, « étaient quotidiennement victimes de viols commis par leurs commandants » et étaient utilisées en tant que « cuisinières et combattantes, ménagères et espionnes, éclaireurs et esclaves sexuelles ». Le procureur a reconnu les nombreux rôles assumés par les filles soldats et a également souligné le fait que la violence sexuelle faisait partie de leurs vies quotidiennes : « Elles portaient une arme puis elles servaient les repas aux commandants et ensuite les commandants les violaient. Elles étaient tuées si elles refusaient d’être violées ».[xv] [17] Un représentant légal des victimes participantes, notamment d’une ancienne fille soldat, a confirmé ces faits lors de son exposé introductif, affirmant que « les viols commençaient dès qu’elles étaient enlevées puis continuaient tout au long de leur séjour au sein de l’UPC. En fait, les abus les plus importants se produisaient au début de leur enlèvement et dans les camps d’entraînement où on les formait à devenir soldats de la milice ».[xvi] [18]

La Chambre de première instance a également entendu un nombre significatif de témoignages directs prononcés par les témoins de l’accusation et portant sur la violence sexuelle.[xvii] [19] Bien que tous ces témoignages n’aient pas été utilisés par la Chambre pour condamner M. Lubanga, les crimes décrits étaient exemplaires quant à l’expérience vécue par les filles soldats au sein de l’UPC. Figurant parmi les témoins de l’accusation sur lesquels la Chambre s’est appuyée, le témoin 38 a décrit les rôles joués par les filles dans les camps, qui comprenaient la prestation de services sexuels.[xviii] [20] Le témoin 299 a déclaré que « le travail des PMF [filles soldats] consistait à porter les sacs des commandants et leur autre travail était d’être leurs femmes ».[xix] [21] Le témoin 7 a confirmé que « les commandants prenaient des filles qui étaient des recrues et leur disaient : Aujourd’hui, tu viendras coucher avec moi » et que les filles n’étaient pas autorisées à dire non.[xx] [22] En réponse aux questions de la juge Odio Benito sur la violence sexuelle commise à l’encontre des filles soldats lors de la phase initiale d’entraînement, le témoin 16 a confirmé que « parce qu’elles arrivaient dans le centre pour la première fois, les entraîneurs et les autres gardes du centre profitaient de la situation et violaient les recrues ».[xxi] [23] Le témoin 89 a également déclaré que le viol et la violence sexuelle étaient couramment perpétrés à l’encontre des filles soldats. Il a témoigné qu’« il y avait des commandants qui utilisaient les filles comme des femmes. Elles tombaient enceintes des commandants et ces filles devaient ensuite quitter le camp et rentrer au village ». Il a également témoigné que lorsqu’un commandant voulait une fille « cela devait être accepté ».[xxii] [24]

Sur la base des témoignages présentés par les témoins de l’accusation, les représentants légaux des victimes, agissant au nom des victimes participant au procès, ont fait une nouvelle tentative pour étendre les charges retenues contre M. Lubanga et pour y inclure spécifiquement les crimes basés sur le genre. En mai 2009, les représentants légaux ont déposé des observations conjointes demandant que la Chambre de première instance examine la modification de la qualification juridique des faits conformément à la Règle 55 du Règlement de la Cour,[xxiii] [25] afin d’ajouter à la qualification existante les crimes d’esclavage sexuel et de traitement cruel et inhumain.[xxiv] [26] Dans leur dossier, ils ont argué que les preuves et les témoignages des témoins dans l’affaire pouvaient montrer les charges additionnelles d’esclavage sexuel et de traitement cruel et inhumain des recrues, notamment des recrues féminines qui étaient tombées enceintes à la suite de viols. Tandis que l’opinion majoritaire[xxv] [27] a conclu que la Règle 55 permettait à la Chambre de première instance de modifier la qualification juridique des faits pour y inclure des faits et des circonstances qui n’étaient pas initialement contenus dans les charges, la Chambre d’appel a infirmé cette décision pour des raisons de procédure. La Chambre d’appel a estimé que la « Règle 55(2) et (3) du Règlement de la Cour ne pouvait être utilisée pour aller au-delà des faits et des circonstances décrits dans les charges ou les modifications apportées à celles-ci ».[xxvi] [28]

Référence à la violence sexuelle dans le jugement

Sans modification apportée aux charges et avec la tentative infructueuse des représentants légaux d’utiliser la Règle 55, il a peu été fait mention des crimes basés sur le genre dans le jugement final. La Chambre de première instance a estimé qu’étant donné l’omission par l’accusation d’allégations factuelles concernant la violence sexuelle dans son document contenant les charges et, par conséquent, son exclusion de la décision de confirmation, la Chambre de première instance n’a pas pu prendre en compte les allégations de violence sexuelle dans le jugement. La Chambre a pris soin de limiter les bases de sa prise en compte de cette preuve, affirmant que, puisque l’accusation a omis d’inclure les allégations de violence dans les charges […] cette preuve n’est pas pertinente aux fins de l’article 74 sans fournir de contexte ».[xxvii] [29] En conséquence, la Chambre de première instance a fait remarquer qu’elle « n’avait formulé aucune constatation de fait sur cette question et n’avait pas non plus déterminé la part de responsabilité incombant à l’accusé ».[xxviii] [30] Ce faisant, elle reconnaît le droit de l’accusé à être tenu totalement informé des charges retenues contre lui en application de l’article 67(1)(a) du Statut. Bien que les témoignages sur la violence sexuelle n’aient pas été pris en compte pour déterminer la responsabilité de l’accusé, tel que décrit plus en détail ci-dessous, la Chambre a affirmé qu’elle examinera,  « en temps utile » si les preuves de violence sexuelle « seront prises en considération aux fins de déterminer la peine et les réparations ».[xxix] [31]

La formulation des crimes par la Chambre de première instance

Thomas Lubanga a été condamné pour les trois crimes de guerre distincts de conscription, d’enrôlement et d’utilisation d’enfants de moins de 15 ans pour les faire participer activement aux hostilités.[xxx] [32] Depuis 2008, en se fondant sur nos documentations et analyses, Women’s Initiatives for Gender Justice défend l’idée que la violence sexuelle fait partie intégrante de chacun des trois crimes pour lesquels M. Lubanga a été poursuivi et condamné. La violence sexuelle est souvent utilisée à l’encontre des enfants soldats, particulièrement des filles soldats, pour démontrer le contrôle et la possession exercées ainsi que pour couper tous liens avec leurs vies d’avant leur enlèvement.[xxxi] [33] Cela a également été constaté dans le témoignage de l’expert Radhika Coomaraswamy, une représentante spéciale du secrétaire général des Nations Unies (RSSGNU) pour les enfants et les conflits armés. Elle a souligné que les filles recrutées dans les groupes armés jouaient de nombreux rôles, y compris ceux de combattant, d’espion et de porteur en plus du fait d’être soumises à l’esclavage sexuel et au mariage forcé. Mme Coomaraswamy a suggéré que la Chambre prenne en compte « les principaux abus perpétrés à l’encontre des filles lors de leur association avec des groupes armés après leur recrutement et enrôlement, indépendamment du fait qu’elles aient été ou non engagées dans des fonctions de combat direct lors du conflit ».[xxxii] [34] Elle a ajouté que « bien que certaines étaient surtout des combattantes et que les autres étaient principalement des esclaves sexuelles […] elles avaient toutes été recrutées et enrôlées dans ce groupe […] ».[xxxiii] [35]

S’exprimant au nom de l’accusation lors de la plaidoirie, le procureur adjoint Fatou Bensouda a indiqué à la Chambre que les filles soldats, outre les tâches qu’elles effectuaient comme les garçons, étaient soumises à des abus spécifiques, tels que le viol perpétré par les autres soldats. Elle a affirmé que l’enrôlement et la conscription d’enfants de moins de 15 ans incluaient « tous les actes dont les enfants ont été victimes lors de leur entraînement et lorsqu’ils ont été forcés à être soldats. Cette interprétation est particulièrement pertinente pour comprendre les violences à caractère sexiste, un élément essentiel du recrutement des filles ».[xxxiv] [36] Mme Bensouda a invité la Chambre à dire clairement que les filles forcées à se marier avec les commandants n’étaient pas les femmes des commandants mais des victimes du recrutement et devaient être particulièrement protégées par des programmes de démobilisation et par la CPI.[xxxv] [37]

Cependant, la formulation dans le jugement par la Chambre de première instance des crimes de conscription, d’enrôlement et d’utilisation d’enfants soldats n’aborde pas explicitement la violence sexuelle. Au début de son analyse des conclusions juridiques, la Chambre de première instance a brièvement examiné la jurisprudence applicable, notamment celle du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, pour conclure que les crimes de conscription et d’enrôlement constituaient une violation du Statut de Rome stipulant la protection des enfants vulnérables et pour déterminer que les enfants de moins de 15 ans n’étaient pas en mesure d’accepter ce recrutement, quel qu’il soit.[xxxvi] [38] Dans son analyse des conclusions juridiques, la Chambre a essentiellement examiné l’interprétation correcte qu’il faut donner au crime d’utilisation d’enfants de moins de 15 ans pour les faire participer activement à des hostilités.[xxxvii] [39] En tenant compte des dispositions pertinentes du Statut et des éléments des crimes, ainsi que de la jurisprudence pénale internationale antérieure sur cette question, la Chambre a choisi de définir la « participation active » de la manière suivante :

Ceux qui participent activement aux hostilités correspondent à un large éventail d’individus, depuis ceux présents sur le front (qui participent directement) jusqu’aux garçons et filles impliqués dans une myriade de postes qui apportent une assistance aux combattants. Toutes ces activités, qui recouvrent une participation aussi bien directe qu’indirecte, présentent une caractéristique sous-jacente commune : l’enfant concerné est, à tout le moins, une cible potentielle. Le facteur déterminant, par conséquent, dans le fait de décider si un poste « indirect » doit être traité comme une participation active aux hostilités est de savoir si l’assistance fournie par l’enfant aux combattants l’expose à un danger réel en tant que cible potentielle. Dans le jugement de la Chambre, ces deux facteurs combinés, l’assistance de l’enfant et son niveau de risque potentiel, signifient que bien qu’il ait été absent des lieux même où se déroulaient les hostilités, il y était néanmoins activement impliqué. Etant donné les différents types de postes qui ont été occupés par des enfants utilisés dans les groupes armés, la détermination par la Chambre du fait de savoir si une activité particulière constituait une « participation active » ne peut être faite qu’au cas par cas.[xxxviii] [40]

La Chambre n’a formulé aucune conclusion juridique définitive quant au fait de savoir si la violence sexuelle pourrait ou devrait être effectivement intégrée dans le champ des crimes distincts. En réalité, elle laisse expressément la question ouverte.[xxxix] [41] La Chambre a bien cité des communications écrites et le témoignage à la barre du témoin expert pour la Chambre, Mme Coomaraswamy, et a fait remarquer que Mme Coomaraswamy avait suggéré que l’utilisation pour une exploitation sexuelle de garçons et de filles par des groupes ou des forces armés constituait une « fonction d’assistance essentielle ».[xl] [42] La Chambre a également affirmé que « Mme Coomaraswamy avait apporté un témoignage pertinent d’ordre général et avait indiqué que les enfants dans ce contexte s’occupaient d’une large gamme de tâches qui ne correspondent pas nécessairement à la définition classique du terme guerre », ce qui les exposent à des risques, y compris « le viol, l’esclavage sexuel et les autres formes de violence sexuelle ».[xli] [43]

Opinion individuelle et dissidente de la juge Odio Benito

Dans une Opinion individuelle et dissidente, la juge Odio Benito s’est écartée des conclusions de la majorité sur plusieurs questions, notamment sur la violence sexuelle telle qu’elle est liée au concept d’enrôlement, de conscription et d’utilisation d’enfants soldats. La juge Odio Benito a fait valoir que l’interdiction de recrutement d’enfants de moins de 15 ans devrait être appliquée à tous les types de groupes armés, indépendamment de la nature du conflit armé, national ou international. Elle a aussi soutenu que l’échec de la majorité à garantir que la violence sexuelle soit incluse dans le concept « d’utilisation pour participer activement aux hostilités » a abouti à ce que cet aspect du crime soit invisible.

La juge Odio Benito a décrit la violence sexuelle comme inhérente à l’utilisation d’enfants soldats. Selon elle, la « violence sexuelle commise à l’encontre des enfants dans les groupes armés cause des dommages irréparables et est une conséquence directe de et inhérente à leur engagement dans le groupe armé ».[xlii] [44] Elle a ajouté que la « violence sexuelle est un élément intrinsèque de la conduite criminelle d’utilisation pour participer activement aux hostilités ».[xliii] [45] Elle a ensuite souligné les différents impacts de la violence sexuelle sur les filles soldats. La juge Odio Benito a expliqué : « La violence et l’esclavage sexuels sont les principaux crimes perpétrés à l’encontre des filles et leur recrutement illégal est souvent motivé par cet objectif ».[xliv] [46] Elle a également mis l’accent sur les différentes expériences et conséquences pour les enfants soldats filles et garçons, faisant remarquer qu’un « effet sexospécifique potentiel des grossesses non désirées pour les filles était, pour la mère ou l’enfant, le décès, la maladie, le VIH, les traumatismes psychologiques et l’isolement social ».[xlv] [47] La juge Odio Benito a ensuite plaidé pour une définition plus large du concept de « risque », avec des implications claires en matière de genre. Elle a affirmé que la menace pouvait provenir des deux parties qui s’opposaient dans le conflit ainsi que des forces armées dans lesquelles l’enfant avait été recruté.[xlvi] [48] Á cet égard, elle a souligné que :

Les enfants sont protégés du recrutement d’enfants non seulement parce qu’ils peuvent courir le risque de devenir une cible potentielle pour « l’ennemi » mais également parce qu’ils peuvent être menacés dans le « propre » groupe qui les a recrutés en soumettant ces enfants à des entraînements brutaux, à de la torture et à des mauvais traitements, à de la violence sexuelle et à d’autres activités ainsi qu’à des conditions de vie qui sont incompatibles avec les droits fondamentaux de ces enfants et qui les violent. La menace pour les enfants qui sont enrôlés, conscrits ou utilisés par un groupe armé provient aussi inévitablement de l’intérieur de ce même groupe armé.[xlvii] [49]

Par conséquent, la juge Odio Benito a conclu que l’approche majoritaire était discriminatoire puisqu’elle ne prenait pas en compte l’ensemble des violations des droits de l’homme en vertu de l’article 21(3).[xlviii] [50] Elle a fait valoir que :

[i]l est discriminatoire d’exclure la violence sexuelle qui présente de nettes disparités en fonction du sexe par rapport aux rôles de garde du corps ou de porteur, des tâches principalement confiées à de jeunes garçons. L’utilisation des corps des jeunes filles et jeunes garçons par les combattants au sein ou en dehors du groupe est un crime de guerre inscrit en tant que tel dans les charges retenues à l’encontre de l’accusé.[xlix] [51]

La juge Odio Benito a affirmé que la majorité « confondait les allégations de fait de l’affaire avec le concept juridique de crime ».[l] [52] Pour elle, la Chambre elle-même avait « la responsabilité de définir les crimes en se fondant sur le droit applicable et de ne pas se limiter aux charges retenues par le Procureur à l’encontre de l’accusé ».[li] [53] Elle a déclaré :

J’estime que la majorité de la Chambre ne répond qu’à un seul objectif du procès de la CPI : décider de la culpabilité ou de l’innocence d’un accusé. Cependant, le déroulement d’un procès devant la CPI devrait également, en vertu des compétences de la Cour, prendre en compte les souffrances subies par les victimes du fait des crimes commis. Il serait par conséquent opportun que l’accusation présente les charges en tant que crimes distincts ou les inclue à juste titre dans les crimes pour lesquels M. Lubanga est poursuivi. Les préjudices subis par les victimes ne sont pas uniquement réservés aux procédures de réparations mais devraient constituer un aspect fondamental de l’évaluation par la Chambre des crimes commis.[lii] [54]

Tandis que la déclaration de la juge Odio Benito évoque le rôle des juges dans l’interprétation des crimes indépendamment des charges présentées par le Procureur, la longueur et la complexité de l’historique procédural de l’affaire Lubanga soulignent les difficultés et les obstacles rencontrés lors de la tentative de prendre en compte les crimes basés sur le genre à un stade avancé du procès, notamment par le biais de l’utilisation de la Règle 55 ou par l’interprétation judiciaire. En effet, l’accent mis dans le jugement sur l’importance du fait que de tels crimes soient inclus dans la décision de confirmation des charges afin d’être pris en compte dans le jugement de première instance montre que la violence basée sur le genre doit être traitée aux tous premiers stades de la procédure, dès l’enquête et l’établissement des charges par l’accusation.

Implications pour les réparations

La Chambre a explicitement différé une prise de décision concernant « la prise en considération des preuves de violence sexuelle dans la détermination de la peine et des réparations ».[liii] [55] Á un stade précoce de la procédure, l’accusation a affirmé que la violence sexuelle devrait être prise en compte dans la détermination de la peine.[liv] [56] Il est difficile de déterminer, toutefois, si la violence sexuelle peut être considérée comme une circonstance aggravante pour la détermination de la peine dans le cadre législatif.[lv] [57] S’agissant des réparations, un dossier déposé par le Greffe[lvi] [58] en réponse à une demande de la Chambre, incluait spécifiquement la violence sexuelle comme type de préjudices causés par la conscription d’enfants.[lvii] [59] Dans un chapitre d’introduction concernant la nature des charges, le Greffe a fait remarquer qu’à la suite de la conscription, les enfants soldats « peuvent également avoir subi une violence sexuelle. Dans certains cas, les filles peuvent avoir eu un enfant à la suite d’un viol, subissant en conséquence une stigmatisation ».[lviii] [60] Le Fonds au profit des victimes a également reconnu la prévalence des crimes basés sur le genre à l’encontre des enfants soldats dans son premier rapport sur les réparations, dans lequel il remarquait que la violence sexuelle était largement perpétrée contre les filles et garçons soldats lors de leur conscription, enrôlement ou participation.[lix] [61] Le Fonds a encore observé que, dans les interviews menées par le Fonds en 2010 avec des anciens enfants soldats bénéficiaire de ses projets d’assistance, plus de 48 % des anciens enfants soldats (dont 66,7 % de filles et 32,2 % de garçons) avaient indiqué qu’ils avaient subi une violence sexuelle et que 35 % d’anciens garçons soldats indiquaient qu’ils avaient été forcés à commettre une violence sexuelle.[lx] [62]

Dans une ordonnance du 14 mars 2012 relative au calendrier de la détermination des peines et des réparations, la Chambre de première instance a invité les autres personnes ou parties intéressées à solliciter une autorisation de participation à cette phase du procès. Comme abordé plus en détail ci-dessous, Women’s Initiatives a le 20 avril 2012 été autorisé à participer à la procédure de réparation.

Lire le jugement [63] de la Chambre de première instance du 14 mars

Lire l’Opinion individuelle et dissidente [64] de la juge Odio Benito

Lire les réactions de nos partenaires en RDC sur la condamnation de M. Lubanga, dans Women’s Voices eLetter [65], avril 2012

Lire les Conclusions juridiques [66] de Women’s Initiatives pour l’affaire Lubanga



[i] [67] ICC-01/04-01/06-2842.

[ii] [68] Voir ensuite Gender Report Card 2010, p 144-156 et Gender Report Card 2011, p 214-223.

[iii] [69] Dans ce numéro spécial, qui traite de l’examen par la Chambre des témoignages sur la violence sexuelle dans cette affaire, nous avons limité notre analyse à la première partie de l’opinion individuelle et dissidente de la juge Odio Benito.

[iv] [70] ICC-01/04-01/06-2871.

[v] [71] L’article 74(2) prévoit que le jugement « ne devra pas aller au-delà des faits et des circonstances décrits dans les charges ».

[vi] [72] ICC-01/04-01/06-2842, Opinion individuelle et dissidente de la juge Odio Benito, paragraphe 16.

[vii] [73] La représentante spéciale des Nations Unies chargée de la lutte contre les violences sexuelles dans les conflits armés, Margot Wallström, a fait référence à la RDC comme étant la « capitale du viol dans le monde ». Voir Déclaration prononcée à la réunion publique du Conseil de sécurité des Nations Unies sur « les Femmes, la paix et la sécurité : la violence sexuelle dans les situations de conflit armé [74], New York, 27 avril 2010, dernière visite le 25 avril 2012.

[viii] [75] Voir, par exemple, Women’s Initiatives for Gender Justice, ‘Lettre au Procureur [76]’, août 2006 ; Conseil de sécurité des Nations unies, Lettre du 16 juillet 2004 du Secrétaire général adressée au Président du Conseil de sécurité [77], couvrant une « Enquête spéciale sur les évènements en Ituri, janvier2002-décembre 2003 », UN Doc. S/2004/573, 16 juillet 2004, dernière visite le 25 avril 2012; Amnesty International, République démocratique du Congo-Violences sexuelles : un urgent besoin de réponses adéquates [78], 26 octobre 2004, dernière visite le 25 avril 2012; Amnesty International, République démocratique du Congo : Ituri – Combien faut-il encore de morts ? [79], dernière visite le 25 avril 2012; Human Rights Watch, En quête de justice : poursuivre les auteurs de violences sexuelle commises pendant la guerre du Congo [80], mars 2005, dernière visite le 25 avril 2012.

[ix] [81] Voir par exemple Allocution du Procureur Luis Moreno Ocampo [82], Troisième session de l’Assemblée des États Parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, La Haye, 6 septembre 2004, dernière visite le 25 avril; Assemblée générale des Nations unies, Rapport de la Cour pénale internationale [83], UN Doc. A/60/177, 1 août 2005, dernière visite le 25 avril 2012; l’Assemblée des États Parties, Quatrième session, 28 novembre au 3 décembre 2005, Rapport sur les activités de la Cour, ICC-ASP/4/16 [84], 16 septembre 2005, dernière visite le 25 avril 2012; Le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale ouvre sa première enquête [85], Press Release, ICC-OTP-20040623-59, 23 juin 2006, dernière visite le 25 avril 2012.

[x] [86] ICC-01/04-01/06-2-tEN.

[xi] [87] Une version rédigée de cette lettre est disponible à : http://www.iccwomen.org/documents/Lettre du procureur_août_2006- version rédigée.pdf [76].

[xii] [88] ICC-01/04-01/06-403. Voir également Conclusions juridiques soumises par Women’s Initiatives for Gender Justice à la Cour pénale internationale [89].

[xiii] [90] Pour plus d’informations sur l’affaire Lubanga, voir Gender Report Card 2010, p 129-159; Gender Report Card 2011, p 203-224. L’accusation a aussi fait référence aux actes de violence sexuelle commis à l’encontre des recrues féminines dans son exposé introductif à cette affaire. ICC‐01/04‐01/06‐T‐107‐ENG, p 52 lignes 18-25; p 57 lignes 1-8.

[xiv] [91] ICC-01/04-01/06-T-107-ENG, p 10 lignes 8-10.

[xv] [92] ICC-01/04-01/06-T-107-ENG, p 11 lignes 23-25, p 12 lignes 1-12.

[xvi] [93] ICC-01/04-01/06-T-107-ENG, p 53 lignes 14-21.

[xvii] [94] La Chambre de première instance a entendu le témoignage d’un grand nombre d’anciens enfants soldats décrivant des actes de violence sexuelle commis principalement à l’encontre des filles soldats. Voir Gender Report Card 2009, p 68-85.

[xviii] [95] ICC-01/04-01/06-T-114-ENG, p 22 lignes 16-19, p 82 lignes 1-3.

[xix] [96] ICC-01/04-01/06-T-122-ENG, p 26 lignes 23-25.

[xx] [97] ICC-01/04-01/06-T-148-ENG, p 49 lignes 14-22. En réponse aux questions  de la juge Odio Benito sur la violence sexuelle commise à l’encontre des filles soldats lors de la phase initiale d’entraînement, le témoin 16 a confirmé que « ‘parce qu’elles arrivaient dans le centre pour la première fois, les entraîneurs et les autres gardes du centre profitaient de la situation et violaient les recrues ». ICC-01/04-01/06-T-191-Red-ENG, p 15 lignes 19-22.

[xxi] [98] ICC-01/04-01/06-T-191-Red-ENG, p 15 lignes 19-22.

[xxii] [99] ICC- -01/04-01/06-T-196-ENG, p 7 lignes 23-24; p 8 lignes 2-3, 6-16.

[xxiii] [100] La Règle 55 prévoit que la Chambre peut modifier la qualification juridique des faits dans sa décision finale en se basant sur les preuves qui lui sont présentées lors du procès.

[xxiv] [101] ICC-01/04-01/06-1891.

[xxv] [102] ICC-01/04-01/06-2049. Le juge Fulford a émis une opinion dissidente dans laquelle il affirmait que la lecture par la majorité de la Règle 55 comme étant deux dispositions distinctes était erronée, qui entraînait d’importantes conséquences négatives pour les droits de l’accusé, ICC-01/4-01/06-2054.

[xxvi] [103] ICC-01/04-01/06-2205, paragraphe 1. La Chambre d’appel estima par ailleurs que les faits et les circonstances additionnels ne peuvent être ajoutés que conformément à la procédure définie à l’article 61(9) qui donne au Procureur, plutôt qu’à la Chambre de première instance, le pouvoir d’introduire de nouveaux faits et circonstances. ICC-01/04-01/06-2205, paragraphe 94. Pour une analyse plus détaillée de la décision de la Chambre d’appel, voir Gender Report Card 2010, p 129-131.

[xxvii] [104] ICC-01/04-01/06-2842, paragraphe 896.

[xxviii] [105] ICC-01/04-01/06-2842, paragraphe 896.

[xxix] [106] CC-01/04-01/06-2842, paragraphe 631.

[xxx] [107] La Chambre de première instance a constaté que [d]ans les circonstances de cette affaire, la conscription et l’enrôlement sont traités ensemble, en dépit de la conclusion antérieure de la Chambre indiquant qu’ils constituent des délits distincts. ICC-01/04-01/06-2842, paragraphe 618.

[xxxi] [108] Voir l’examen détaillé de l’affaire Lubanga par Brigid Inder, ‘La CPI, les enfants soldats et la justice en matière de genre [109], novembre 2011.

[xxxii] [110] ICC-01/04-01/06-T-223-ENG, p 15 ligne 25, p 16 lignes 1-2.

[xxxiii] [111] ICC-01/04-01/06-T-223-ENG, p 30 lignes 11-19.

[xxxiv] [112] ICC-01/04-01/06-T-356-ENG, p 10 lignes 1-7; ICC-01/04-01/06-2748-Red, paragraphe 138.

[xxxv] [113] ICC-01/04-01/06-T-356-ENG, p 10 lignes 8-11; ICC-01/04-01/06-2748-Red, paragraphes 139, 227-234, 385.

[xxxvi] [114] ICC-01/04-01/06-2842, paragraphe 617.

[xxxvii] [115] ICC-01/04-01/06-2842, paragraphes 619-628.

[xxxviii] [116] ICC-01/04-01/06-2842, paragraphe 628.

[xxxix] [117] La Chambre de première instance a déclaré : Indépendamment du fait de savoir si la violence sexuelle peut être légitimement inclue dans le champ de « l’utilisation [d’enfants de moins de 15 ans] pour participer activement aux hostilités » sur le plan du droit, parce que les faits liés à la violence sexuelle n’étaient pas inclus dans la décision de confirmation des charges, il serait illicite que la Chambre fonde sa décision conformément à l’article 74(2) sur une preuve introduite lors du procès qui est pertinente par rapport à cette question. ICC-01/04-01/06-2842, paragraphe 630.

[xl] [118] ICC-01/04-01/06-2842, note de bas de page 1811.

[xli] [119] ICC-01/04-01/06-2842, paragraphe 606.

[xlii] [120] ICC-01/04-01/06-2842, Opinion individuelle et dissidente  de la juge Odio Benito, paragraphe 20.

[xliii] [121] ICC-01/04-01/06-2842, Opinion individuelle et dissidente  de la juge Odio Benito, paragraphe 20.

[xliv] [122] ICC-01/04-01/06-2842, Opinion individuelle et dissidente  de la juge Odio Benito, paragraphe 21.

[xlv] [123] ICC-01/04-01/06-2842, Opinion individuelle et dissidente  de la juge Odio Benito, paragraphe 20.

[xlvi] [124] ICC-01/04-01/06-2842, Opinion individuelle et dissidente  de la juge Odio Benito, paragraphe 18.

[xlvii] [125] ICC-01/04-01/06-2842, Opinion individuelle et dissidente  de la juge Odio Benito, paragraphe 19.

[xlviii] [126] L’article 21 définit la loi applicable que la Cour doit appliquer et l’article 21(3) prévoit que « l’application et l’interprétation de la loi conformément à cet article doivent être conformes aux droits de l’homme reconnus internationalement et être exempts de toute discrimination telle que le genre comme défini à l’article 7, paragraphe 3, l’âge, la race, la couleur, la langue, la religion ou les croyances, les opinions politiques ou d’autres opinions, l’origine nationale, ethnique ou sociale, l’état de santé, la naissance ou d’autres statuts.

[xlix] [127] ICC-01/04-01/06-2842, Opinion individuelle et dissidente  de la juge Odio Benito, paragraphe 21.

[l] [128] ICC-01/04-01/06-2842, Opinion individuelle et dissidente  de la juge Odio Benito, paragraphe 16.

[li] [129] ICC-01/04-01/06-2842, Opinion individuelle et dissidente  de la juge Odio Benito, paragraphe 15.

[lii] [130] ICC-01/04-01/06-2842, Opinion individuelle et dissidente  de la juge Odio Benito, paragraphe 8.

[liii] [131] ICC-01/04-01/06-2842, paragraphe 631.

[liv] [132] ICC-01/04-01/06-1966, paragraphe 19. Dans le contexte des procédures relatives à la Règle 55, l’accusation a souligné que « même si la Chambre n’ajoutait pas les charges pénales d’esclavage sexuel, de traitement cruel ou de traitement inhumain, si elle condamnait l’accusé pour les charges existantes, elle pouvait et devait examiner les preuves produites concernant ces actes lors de la détermination de la peine adéquate. Lors de son exposé introductif, l’accusation a souligné que le recrutement comprenait des aspects de traitement cruel et d’esclavage sexuel et qu’elle requerrait, à la fin du procès, une peine très sévère. Les circonstances dans lesquelles un crime est commis ainsi que la gravité du préjudice additionnel que le crime a causé à ses victimes, que l’accusation inclut expressément dans ses documents indiquant les charges, seront ensuite des facteurs essentiels à prendre en compte dans l’évaluation d’une peine juste.

[lv] [133] En vertu de l’article 78, lors de la fixation de la peine, « la Cour doit, conformément au Règlement de procédure et de preuve, prendre en compte des facteurs tels que la gravité du crime et les circonstances individuelles de la personne condamnée ». « Au titre de l’article 76(1) du Statut de Rome, « la Chambre de première instance doit examiner la peine appropriée à prononcer et prendre en compte les preuves et observations présentées lors du procès qui sont pertinentes pour la peine. En outre, en vertu du paragraphe (2) la Chambre de première instance peut « tenir une audience supplémentaire pour entendre toute preuve ou observation additionnelle qui soit pertinente pour la peine. Le Règlement de procédure et de preuve est muet en ce qui concerne les facteurs qui peuvent être inclus pour la détermination de la peine ».

[lvi] [134] ICC-01/04-01/06-2806.

[lvii] [135] ICC-01/04-01/06-2806, paras 53, 88, 105, 208.

[lviii] [136] ICC-01/04-01/06-2806, paragraphe 6.

[lix] [137] ICC-01/04-01/06-2803-Red.

[lx] [138] ICC-01/04-01/06-2803, paragraphe 163.