Rapports quotidiens

13 April 2011

Le secrétaire de Bosco Ntaganda témoigne

Par Judith Armatta

La défense de Thomas Lubanga, qui est accusé de crimes de guerre, a aujourd’hui appelé à la barre Pierre Zuto Munji, qui a été le secrétaire particulier de Bosco Ntaganda, chef d’État-major adjoint présumé des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC). M. Ntaganda fait face aux mêmes chefs d’accusation que M. Lubanga devant la Cour pénale internationale (CPI), à savoir les crimes de guerre de conscription, enrôlement et utilisation d’enfants de moins de 15 ans dans des hostilités en 2002 et 2003 en République démocratique du Congo (RDC), mais il est toujours en fuite.

En 2000, M. Munji a rejoint l’Armée Populaire Congolaise (APC), l’armée du groupe du Rassemblement congolais pour la démocratie – Mouvement de libération (RCD-ML). Avec d’autres, il a quitté l’APC en 2002 en raison de traitements inhumains. Pendant ce temps, la guerre redoublait d’intensité. Après être resté chez lui quelque temps, il a rejoint un groupe d’autodéfense organisé dans la ville de Mandro par le chef Kahwa pour défendre la communauté ethnique Hema. Le groupe a fini par devenir la force militaire de l’UPC. Lorsque cette force a été nommée FPLC en septembre 2002, M. Munji est devenu le secrétaire de M. Ntaganda.

Il authentifié une lettre de M. Ntaganda à la Direction générale de l’Union des patriotes congolais (UPC), lettre dans laquelle il déclarait : « Nos unités ont rencontré une opposition féroce de la part des responsables des forces d’auto-défense quand il s’est agi de démobiliser et de désarmer les enfants (de moins de 18 ans) au sein du groupe. » La lettre soutient le témoignage fait hier par le coordonnateur des comités d’auto-défense, Origène Lokana Nyamutale Katekpa, et dans lequel il déclare qu’ils ont résisté à l’ordre de M. Lubanga de démobiliser et désarmer des enfants.

Le procureur Manoj Sachdeva a passé beaucoup de temps à interroger M. Munji sur une lettre datée du 30 octobre 2002, signée au nom de chef d’État- major des FPLC, Floribert Kisembo, et qui aurait été envoyée à tous les commandants ordonnant la démobilisation des enfants soldats. M. Sachdeva suggéré que le document a été numéroté hors de séquence selon le système utilisé par le FPLC. Selon lui c’était la preuve que la lettre avait été fabriquée pour éviter d’autres plaintes de l’Organisation des Nations Unies et de la communauté internationale sur l’utilisation d’enfants soldats dans les FPLC. Le témoin a rejeté cette preuve, en soutenant que tout écart dans la numérotation doit avoir été le fait d’une erreur.

M. Munji a accepté l’affirmation du procureur selon laquelle la lettre du 30 octobre 2002 et une autre sur la démobilisation faisait référence aux forces d’auto-défense, mais il a insisté sur le fait que ces forces n’étaient pas incorporées dans les FPLC. Dans ce cas, a demandé M. Sachdeva, pourquoi le FPLC donnait-il des ordres à un groupe qui ne faisait pas partie de sa chaîne de commandement? Le témoin a répondu que, même si les groupes d’auto-défense et les FPLC avaient chacun sa propre chaîne de commandement, des décrets comme l’ordre de démobilisation devaient être appliqués partout. Au moins dans ce cas, le commandement des FPLC pouvait donner des ordres aux groupes d’auto-défense. Le procureur n’a pas demandé quelles étaient les autres situations où l’autorité des FPLC prenait le pas sur celle des  groupes d’auto-défense.

Le procureur a ensuite rappelé au témoin qu’il avait auparavant fait un témoignage selon lequel il avait rejoint un groupe d’auto-défense à Mandro qui a ensuite été intégré dans les FPLC. M. Munji tenté d’apporter des éclaircissements. Son groupe a évolué après avoir été rejoint par des personnes fuyant les villages et lors que la décision a été prise d’y ouvrir un centre de formation. Finalement, c’est devenu la genèse des FPLC, mais les groupes du village d’auto-défense sont restés autonomes, a-t-il affirmé.

Contrairement à ce que M. Katekpa a déclaré hier, M. Munji a insisté sur le fait qu’il n’y avait pas de soldats de moins de 15 ans dans les groupes d’auto-défense. Alors qu’il y avait des enfants de moins de 18 ans dans les FPLC, aucun d’entre eux n’avait moins de 15 ans, c’est-là une fait sur lequel le témoin a insisté. Il a ensuite déclaré au tribunal qu’il est difficile de dire l’âge des enfants en RDC uniquement par leur apparence. Certains jeunes sont très grands et « c’est ainsi que certains individus se sont retrouvés dans les centres de formation », a-t-il expliqué. M. Munji a indiqué qu’ils avaient été renvoyés, mais il a admis qu’il n’avait visité aucun des camps militaires des FPLC. En réponse à la suggestion du procureur selon laquelle M. Ntaganda avait des enfants parmi ses gardes du corps, le témoin a nié l’accusation.

M. Sachdeva a terminé son contre-interrogatoire de la journée en se demandant si Eric Mbabazi, chef du G-5, le ministère de l’UPC chargé de la morale et de la discipline, à l’époque, cherchait activement à recruter des enfants dans les FPLC d’octobre 2002 à 2003 au moment même où les ordres de démobilisation étaient émis. « Dire qu’il était en train de recruter des enfants, je ne peux pas répondre. Cependant, je sais qu’il tentait de rassembler des jeunes pour les envoyer vers des centres de formation », a répondu M. Munji.

Le procureur va poursuivre le contre-interrogatoire de M. Munji demain. La défense va alors appeler son dernier témoin.

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1 Comment

  1. Je suis journaliste à “LE SOFT INTERNATIONAL”, une parution de Kinshasa, RD Congo après avoir travaillé à “LE PHARE”, un autre quotidien local. je me suis spécialisé dans la chronique de justice internationale et je suis actuellement Membre de l’Association des journalistes à la Cour pénale internationale que dirige Thomas Verfuss.
    Vos articles m’intéressent et je prendrai soin, si besoin est, d’en faire échos dans nos colonnes.
    Merci

    Commentaire par DESIRE-ISRAEL KAZADI — 10 Juin 2011 @ 06:00