- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

L’UPC décrète la démobilisation des enfants soldats mais en cherche d’autres encore

Le quatrième jour du contre-interrogatoire au procès de Thomas Lubanga, le procureur a à plusieurs reprises et en vain pressé le témoin de la défense Bede Djokaba Lambi Longa afin de lui faire admettre que des enfants ont été utilisés comme gardes du corps pour les commandants de l’armée de l’Union des patriotes congolais (UPC), contrairement à ce qui constitue la base même de son témoignage. M. Longa admettra seulement qu’une jeune fille a aidé la femme du chef d’état-major Floribert Kisembo dans des tâches ménagères et qu’elle aurait pu avoir entre 14 et 16 ans.

Lorsque l’UPC a été chassée de Bunia, en mars 2003, dix-neuf jeunes ont accompagné le groupe du général Kisembo, a-t-il dit. Ils étaient différents des 10.000 civils, qui ont également fui avec l’UPC, mais aucun de ceux-ci n’était soldat et aucun n’avait moins de 15 ans. Ils n’ont pas participé à des exercices militaires ou de formation, mais ont fait du sport.

M. Longa rejeté l’affirmation du procureur Ade Omofade selon laquelle le nombre de jeunes présents chez le Général Kisembo était de 45, la taille d’un peloton. En réponse à l’affirmation du procureur selon laquelle le général Kisembo a créé une unité d’enfants appelé l’Unité Kadogo, le témoin a fait valoir que Kadogo est un terme flexible en swahili qui peut signifier aussi bien les hommes que les enfants.

Après plusieurs heures d’interrogatoire, le témoin a admis qu’il ne pouvait pas affirmer qu’il n’y avait pas d’enfants servant comme soldats dans l’UPC de septembre 2002 à septembre 2003, mais que l’UPC n’avait pas de politique de recrutement et d’utilisation d’enfants. « Non, non. Certains sont passés à travers les filets mais ils ont été démobilisés », a-t-il insisté.

M. Longa témoigne au nom de M. Lubanga, ancien chef rebelle en République démocratique du Congo (RDC), qui est en procès pour le recrutement, la conscription et l’utilisation d’enfants de moins de 15 ans dans les conflits armés en 2002 et 2003. Le procès est le premier à se tenir à la Cour pénale internationale (CPI).

Dans la séance d’aujourd’hui, beaucoup de temps a été consacré à tourner autour de questions sur lesquelles le procureur a cherché à obtenir des concessions, car M. Longa est habile à esquiver les questions directes. Le procureur Manoj Sachdeva a poursuivi le contre-interrogatoire en mettant l’accent sur les actions du Comité exécutif de l’UPC en matière de démobilisation des enfants soldats.

Le Comité exécutif du gouvernement UPC se réunissait chaque semaine, et était présidé par le président Thomas Lubanga. Selon le témoignage de M. Longa aucun membre des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC) et aucun militaire n’assistait aux réunions du Comité exécutif. On a présenté au témoin une liste de noms des participants à une réunion tenue le 11 juin 2003, comprenant le général Kisembo, un autre général, et le témoin lui-même. Les militaires ont participé, selon lui, parce que la situation sécuritaire à Bunia était incertaine.

Le Comité exécutif a examiné la question de la démobilisation lors d’une réunion tenue en début octobre 2002, a déclaré le témoin. Le Comité a publié un décret, lu à la radio locale par Eric Mbabazi, l’agent de l’UPC responsable des relations entre les soldats et la population civile, et selon lequel quiconque n’est pas d’âge légal dans les FPLC ou tout autre groupe et qui porte des armes doit être démobilisé. Selon M. Sachdeva pas plus cette tentative de démobilisation que celles qui l’ont suivies n’ont jamais été destinées à être traduites dans les faits.

Le procureur a fait admettre à M. Longa que le décret du Comité exécutif a été pris en réponse à des plaintes des Nations Unies et d’autres membres de la communauté internationale au sujet du recrutement d’enfants soldats par le FPLC. Il semble que le Comité exécutif se préoccupait non pas du recrutement éventuel d’enfants, mais plutôt de la réputation des FPLC. « Compte tenu de ces [plaintes] », a témoigné M. Longa, « le président de l’UPC Thomas Lubanga a jugé nécessaire d’essayer de prendre des mesures pour protéger les FPLC de telles accusations. »

Demain matin, M. Sachdeva présentera à M. Longa un document daté du 6 novembre 2002, adressé par M. Mbabazi à son supérieur, le chef d’état-major Kisembo, soulignant que trop peu d’enfants ont été recrutés dans les FPLC et qu’il en fallait plus.

Le contre-interrogatoire de M. Longa doit conclure son témoignage demain, et sera peut-être suivi d’un nouvel interrogatoire par la défense.