- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Au deuxième jour de sa déposition, le témoin de la défense nie la conscription forcée d’enfants

Aujourd’hui, les juges à la Cour pénale internationale (CPI) ont continué à entendre la déposition du témoin de la défense Bede Djokaba Longa Lambi. M. Longa, un membre de l’Union des Patriotes Congolais (UPC), a décrit un programme de réconciliation de l’UPC initié de septembre 2002 au 6 mars 2003, sous l’égide de son Secrétariat national pour la pacification et de réconciliation. Il a qualifié le programme de « noble et ambitieux. » À l’époque, selon le témoin, la société était éclatée à la suite de plusieurs années de combats. Il a décrit un certain nombre de tentatives officielles de promotion de la paix et de la réconciliation avec l’ethnie Lendu et des seigneurs de la guerre des autres groupes. Leurs efforts ont été bien reçus, selon le témoignage de M. Longa, et ils ont réalisé des résultats positifs.

Le 18 février 2003, toutes les communautés vivant dans la région de l’Ituri en République démocratique du Congo (RDC), la Mission d’observation militaire de l’Organisation des Nations Unies au Congo (MONUC), et d’autres représentants internationaux se sont réunis pour assister à la signature d’un accord sur la vérité, la paix et la réconciliation, selon le témoin. La mise en œuvre de cet accord a constitué un problème, a-t-il fait remarquer. Une réunion entre l’UPC et les Lendu en Ouganda a échoué parce que les Lendu ont envoyé des jeunes gens et non leurs dirigeants de premier plan. L’UPC manquait aussi de moyens financiers pour la mise en œuvre, a ajouté M. Longa.

M. Longa témoigne au nom de Thomas Lubanga Dyilo, ancien chef rebelle en République démocratique du Congo (RDC), qui est en procès pour le recrutement, la conscription et l’utilisation d’enfants de moins de 15 ans dans des conflits armés en 2002 et 2003. Le procès, le premier à se tenir à la CPI, a subi des retards et des échecs découlant des accusations de subornation de témoin et de faux témoignage.

Le programme de pacification de l’UPC comprenait le désarmement des groupes d’autodéfense ou milices, comme M. Longa les a appelés, et la réinsertion des enfants soldats dans leurs communautés d’origine. En octobre 2002, l’UPC a utilisé la radio pour rappeler aux parents leur obligation d’empêcher leurs enfants de servir dans l’armée et rappeler aux communautés leur devoir de veiller au retour des enfants soldats, a déclaré le témoin aux juges.

En réponse aux questions de l’avocat de la défense, M. Longa a dit que Bosco Ntaganda était chargé de la conscription et la formation des soldats à partir de septembre 2002. (M. Ntaganda a été inculpé par la CPI avec M. Lubanga pour recrutement, conscription et utilisation d’enfants soldats. Il est toujours en fuite.) Il n’y a jamais eu de cas de conscription forcée, pendant que M. Longa était avec l’UPC, a-t-il affirmé. Il a fondé sa conclusion sur les rapports du Secrétaire à l’intérieur et sa conviction que des personnalités éminentes ne l’auraient pas permis. « Ces cas n’ont jamais eu lieu, jamais! » a-t-il déclaré. De septembre 2002 au 6 mars 2003, M. Longa a régulièrement rendu visite à M. Lubanga dans son bureau. Il n’a jamais vu de mineurs (de moins de 18 ans) dans sa garde, selon son témoignage. Il a admis avoir vu des commandants accompagnés de garde qui n’étaient pas de très haute taille, mais a insisté sur le fait que cela ne donne à personne le droit d’affirmer que c’était des enfants.

L’UPC a été chassée de Bunia le 6 mars 2003, avec la défection de plusieurs officiers supérieurs, selon le témoin. Il a affirmé que l’Ouganda était derrière l’UPC. L’armée de l’UPC s’est disloquée. M. Longa a suivi général Floribert Kisembo. Il y avait bien des mineurs qui se sont enfuis avec eux, mais aucun ne portait d’uniforme ou d’armes, a-t-il déclaré. Le Chef d’État-major de l’armée et son épouse s’occupaient des enfants, au nombre d’environ dix-neuf. A part peut-être une jeune fille qui aidait à la cuisine, aucun des mineurs ne s’est vu confier des tâches, selon M. Longa. Ils n’ont fait que jouer dans la cour. Il a dit aux juges qu’il n’avait pas du tout vu M. Lubanga au cours de cette période.

Le 12 mai 2003, il est retourné à Bunia, où il a vu des soldats de différents groupes armés avec des mineurs parmi eux. Il était impossible de distinguer les groupes car beaucoup portaient des uniformes UPC qu’ils avaient pris dans un entrepôt ou ramassés là où ils avaient été jetés. M. Longa s’est rendu le 15 mai à Dar es-Salaam pour une réunion sur la pacification où il a vu M. Lubanga, qui est retourné à Bunia et y est resté jusqu’au 9 août. A cette époque, la MONUC interdisait aux soldats d’entrer dans la ville de Bunia, à l’exception de quelques gardes du corps. Il n’y avait aucun mineur parmi eux, a déclaré le témoin. Le 9 août 2003, M. Lubanga est parti pour une autre réunion sur la pacification convoquée par la MONUC à Kinshasa. Il a nommé M. Longa président par intérim de l’UPC en son absence.

Le 1er septembre 2003, Floribert Kisembo, a fait un putsch militaire et s’est proclamé président de l’UPC en violation des statuts de l’UPC, selon le témoin. Les dirigeants politiques de l’UPC se sont réunis et ont signé un document s’opposant à cette action illégale et l’ont envoyé à la MONUC. M. Longa ne s’est pas étendu sur les résultats de cette démarche, mais il est demeuré actif dans l’UPC. Il a décrit comment les relations avec la MONUC ont tourné au vinaigre après la nomination d’un nouveau représentant. Il s’agissait d’une dame autoritaire, exigeant son approbation pour les réunions, les enterrements, et les cérémonies de circoncision. À un moment donné, une réunion de l’UPC a été dispersée par des chars parce qu’elle n’avait pas été autorisée par elle, a-t-il indiqué.

M. Longa a conclu son témoignage en décrivant son arrestation le 3 mars 2005, à l’époque même où M. Lubanga a été arrêté. Il a témoigné qu’il n’a jamais été informé des accusations portées contre lui, bien qu’il ait par inadvertance appris qu’il était accusé de crimes contre l’humanité. M. Longa a dit aux juges qu’il a été illégalement détenu pendant un an avant d’être déféré devant un juge et que les procédures légales pour prolonger sa détention n’ont pas toujours été suivies. Il n’a trouvé aucune preuve contre lui et a dit que les autorités attendent des documents de la CPI.

L’Accusation commence le contre-interrogatoire de M. Longa demain matin.