- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Reprise du procès avec le témoignage selon lequel Lubanga a ordonné la démobilisation des enfants soldats

Le procès de l’ancien chef rebelle congolais Thomas Lubanga Dyilo a repris aujourd’hui après une interruption de quatre mois. Il s’est ouvert par une décision des juges sur la comparution de certains témoins de la défense. L’avocat de Lubanga a demandé à entendre deux témoins en plus de ceux déjà sur la liste des témoins et aussi la déposition de certains témoins par liaison vidéo. Les juges ont accepté la demande de M. Lubanga concernant la comparution des témoins supplémentaires, et approuvé l’utilisation de la transmission vidéo, afin d’éviter de nouveaux retards dans le procès et veiller à ce qu’il y ait un procès équitable pour l’accusé. Les juges ont déclaré que ces étapes n’allaient pas sérieusement porter préjudice à l’Accusation ou aux représentants légaux des victimes participant au procès.

L’avocat de la défense Jean-Marie Biju-Duval a appelé comme témoin Bede Djokaba Lambi Longa, un initiateur avec M. Lubanga de l’Union des Patriotes Congolais (UPC). Selon le témoignage de Longa, un petit groupe a organisé l’UPC en 2000 pour rétablir l’ordre et la sécurité dans le district de l’Ituri en République démocratique du Congo (RDC) en réponse à l’incapacité du groupe alors au pouvoir à le faire. Il n’y avait pas de soldats, de milices ou d’autres groupes armés dans l’UPC, a-t-il dit.

Lorsque le Front de libération du Congo (FLC) – auquel M. Lubanga a également appartenu selon lui – a pris le pouvoir en Ituri au début de 2001, le président a initié des rencontres avec des membres influents de la communauté pour discuter de la façon de résoudre le conflit. Le résultat a été l’Accord sur un protocole de résolution des conflits interethniques entre les [groupes ethniques] Hema et Lendu en Ituri. M. Lubanga est devenu Secrétaire national adjoint de la jeunesse. Le témoin a déclaré que M. Lubanga a informé l’UPC de l’accord et a convaincu M. Martin Shalo Dudu de le diffuser parmi les Lendu.

En 2001, le FLC a éclaté. L’UPC a ensuite fait équipe avec le Rassemblement congolais pour la Démocratie – Kisangani / Mouvement de libération (RCD-K-ML) et M. Lubanga est devenu commissaire chargé de la défense, selon Longa. La situation s’est détériorée en 2002 et a mené à des combats et des massacres. Le RCD-K-ML n’a fait aucun effort pour rétablir l’ordre, et M. Lubanga n’avait pas les moyens pour le faire, ce qui l’a conduit à démissionner, selon le témoin. Contredisant les preuves de l’Accusation selon lesquelles l’UPC est devenu un mouvement politico-militaire à partir du 17 avril 2002, M. Lonja a témoigné que l’UPC n’avait pas de branche armée avant mai 2002.

Après sa démission, M. Lubanga est allé plusieurs fois en Ouganda pour demander de aide. Lors d’une de ces visites, les autorités ougandaises ont arrêté M. Lubanga à la demande de l ‘« ex-gouvernement de Kinshasa. » Il a été extradé et ensuite emprisonné à Kinshasa. En outre, alors qu’il se trouvait en Ouganda, une mutinerie a éclaté dans l’Armée du Peuple Congolais (APC), l’aile militaire du RCD-K-ML. M. Lonja a témoigné que le chef Kahwa Panga Mandro a joué un rôle important dans la mutinerie, en permettant aux mutins de rester dans sa zone tribale, en les organisant, et en agissant avec eux « la main dans la main ». M. Longa a affirmé que le chef Kahwa n’était pas membre de l’UPC pendant la durée de la mutinerie (avril-juillet 2002), mais qu’il est plus tard devenu Vice-secrétaire national pour la défense de l’UPC.

Selon le témoin, les mutins comptaient tout d’abord environ 36 soldats, mais leur nombre a considérablement augmenté, en partie par le recrutement et la formation dans un centre créé à cet effet par Kawha à Mandro, selon le témoin. L’Accusation allègue que des enfants soldats y ont été formés. En avril, juin et août 2002, les mutins se sont battus contre des loyalistes dans la ville de Bunia et l’ont finalement emporté avec l’aide de la Force de défense populaire de l’Ouganda (UPDF). Pendant tout ce temps, M. Lubanga était en prison et sans aucun rapport avec ce qui se passait à l’extérieur, a déclaré M. Longa. Bien que l’UPC ait tenté de s’approprier la victoire afin de s’assurer une voix dans le nouveau gouvernement, il s’est en fait agi d’une victoire des mutins, selon le témoin.

Suite à la victoire du 9 août 2002, chef Kawha a rencontré des dirigeants de premier plan de la ville afin de décider qui devrait être chargé de la gestion du territoire conquis. Il s’est opposé à un candidat de premier plan, ce qui a ouvert la voie à M. Lubanga, qui était revenu de sa prison de Kinshasa. M. Lubanga a répondu aux exigences des mutins concernant « quelqu’un qui pourrait les aider à établir une forme humaine de pouvoir dans l’Ituri, prendre en considération les intérêts de tout le peuple, et veiller à ce que la sécurité et le bien-être des individus soient des éléments importants du programme politique », a indiqué M. Longa.

La force armée du chef Kawha a été restructurée en décembre 2002 par l’UPC et rebaptisée Force patriotique pour la libération du Congo (FPLC).

Alors que la journée touchait à sa fin, l’avocat de la défense a commencé à interroger son témoin sur les comités d’auto-défense qui auraient spontanément surgi en réponse aux attaques Lendu contre les villages Hema. Les gens de tous âges, y compris les enfants de moins de 15 ans, ont rejoint volontairement les comités, selon M. Longa. « Tout le monde a décidé de se défendre. Il n’y avait aucune raison pour qu’on ne soit pas impliqué », a-t-il dit.

Après que l’UPC eut assumé la responsabilité de la gestion de l’Ituri et restructuré l’armée, M. Lubanga en tant que président de l’UPC et secrétaire de la défense nationale a pris la décision de démobiliser tous les soldats de moins de 18 ans, selon le témoin. Selon M. Longa, les militaires n’ont apparemment pas tout à fait mis en œuvre cette décision car M. Lubanga l’a répétée à deux reprises – en novembre 2002 et janvier 2003.

Le témoignage de M. Longa se poursuit demain.