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Le procès Lubanga devrait reprendre après que les juges aient rejeté la demande de classement sans suite faite par la défense

Le procès pour crimes de guerre de Thomas Lubanga devrait reprendre après que les juges aient rejeté une demande de la défense qui visait le classement sans suite de la première affaire jugée par la Cour pénale internationale (CPI).

En décembre dernier, les avocats de M. Lubanga avaient demandé aux juges d’annuler l’affaire, affirmant que le Bureau du Procureur (BdP) avait abusé des procédures judiciaires lorsque ses intermédiaires auraient suborné et préparé les témoins. Les juges examinent depuis lors la demande de la défense, à laquelle l’accusation et les représentants légaux des victimes participant au procès se sont opposés.

Aujourd’hui, à une conférence de mise en état, le juge Adrian Fulford a déclaré que la demande de la défense avait été rejetée mais il n’a pas précisé le motif de ce rejet. Une version du jugement sera rendue publique après que toutes les parties participant au procès aient donné leur consentement pour les documents requis. Le juge a ensuite demandé à la défense de lui indiquer la date à laquelle elle sera prête à citer à comparaître ses témoins.

L’avocate principale de M. Lubanga, Catherine Mabille, a répondu que la défense avait besoin de temps pour examiner la décision rendue avant de suggérer la date à laquelle ses témoins seraient disponibles. Elle a indiqué que la défense envisageait également de faire appel de la décision de la chambre de première instance. Elle a jouté, « Je pense que la chambre a connaissance du fait que nous avons disposé de très peu de temps pour étudier la décision qui a été prononcée et nous souhaiterions informer la chambre que nous n’avons pas pu discuter avec notre client et, étant donné l’éventualité d’un appel, nous ne sommes pas en mesure d’apprécier actuellement si nous sommes prêts » à reprendre.

Le juge Fulford a déclaré que la défense pouvait toutefois commencer à prendre des dispositions pour appeler ses témoins, bien qu’il semblait évident que la défense ait besoin d’examiner la décision de la chambre de première instance.

Mme Mabille a répondu, « La raison pour laquelle nous hésitons est que nous avons l’intention de réévaluer le nombre des témoins que nous souhaitons citer devant ce tribunal … Si vous nous demandez la date à laquelle notre premier témoin comparaîtra, nous devrons alors l’étudier sur la base de la décision qui vient d’être prononcée ». Il n’a pas été précisé lors de la conférence de mise en état la date à laquelle le jugement sur la demande concernant l’abus de procédure a été prononcé.

Le juge Fulford a déclaré que la plupart des personnes citées sur la liste de dix témoins que la défense avait soumis en février 2010 comme étant les témoins qui comparaitraient si la demande d’abus de procédure était rejetée possédaient déjà des passeports. Ils devraient, par conséquent, « pouvoir venir dans ce pays assez rapidement », a-t-il déclaré. Le juge a demandé à la défense de travailler en étroite collaboration avec l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins et d’informer les juges ce vendredi 25 février si elle était en mesure d’appeler les témoins à compter du 7 mars 2011.

En introduction à la présentation des éléments de la défense, le 27 janvier 2010, Mme Mabille a déclaré que la défense citerait des témoins à comparaître pour attester de la corruption des intermédiaires du BdP. En effet, la défense a appelé des témoins qui ont parlé de la falsification d’identité des témoins de l’accusation et de leurs parents, notamment ceux qui prétendaient avoir été des enfants soldats dans l’Union des patriotes congolais (UPC). Certains témoins de la défense ont évoqué des témoins de l’accusation comme ayant été subornés et préparés par les intermédiaires.

M. Lubanga, que les procureurs de la CPI allèguent avoir été le fondateur de l’UPC, est accusé de l’enrôlement, de la conscription et de l’utilisation d’enfants soldats lors de conflits armés s’étant déroulés en 2002 et 2003. Les procureurs l’accusent également d’avoir été le commandant en chef des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC) qui a utilisé des enfants soldats dans des combats interethniques ayant eu lieu en République démocratique du Congo.

En raison de l’implication répétée du personnel du BdP dans la corruption des preuves, les juges ont ordonné que certains de ces intermédiaires et enquêteurs témoignent. La non-divulgation par l’accusation de l’identité d’un des ses intermédiaires à la défense a poussé les juges à prononcer une pause dans le procès en juillet 2010. Toutefois, l’accusation a par la suite dévoilé l’identité des personnes et la chambre d’appel a ordonné la reprise du procès le mois d’octobre suivant.

Dans son exposé introductif au début de la présentation des éléments à décharge, Mme Mabille a indiqué que si le procès se poursuivait après la demande concernant l’abus de procédure, la défense ne tenterait pas de démontrer que des mineurs figuraient dans les rangs du FPLC. En revanche, la défense pourrait « soumettre des preuves visant à démontrer que Thomas Lubanga, le responsable politique, n’a joué aucun rôle actif dans la création des forces miliaires de l’UPC et n’a jamais pris part de manière délibérée à uns stratégie générale visant à recruter des mineurs ».

La défense devra également aborder la question de savoir quelle était l’attitude de M. Lubanga concernant la présence de mineurs au sein des troupes de l’UPC. « Les témoins de la défense fourniront des preuves visant à démontrer que Thomas Lubanga, au cours des quelques mois durant lesquels il était responsable, a fait tout ce qu’il a pu afin de démobiliser les mineurs qui se trouvaient parmi les soldats du FPLC », a déclaré Mme Mabille en janvier 2010. « Les témoins raconteront également des difficultés empêchant la mise en œuvre de cette politique de démobilisation ».

Lors des procédures de la journée, le procureur Manoj Sachdeva a indiqué que si M. Lubanga avait l’intention de se présenter à la barre, l’accusation souhaiterait en être informé à l’avance afin d’effectuer les préparatifs qui s’imposent. Le juge Fulford a toutefois souligné que le nom de M. Lubanga n’était encore apparu sur aucune liste.