Rapports quotidiens

24 Novembre 2010

Conclusion de l’interrogatoire de l’enquêteur par la défense; témoignage d’un enfant-soldat

Par Judith Armatta

L’enquêteur du BdP

L’avocat de la défense Jean-Marie Biju-Duval a conclu le contre-interrogatoire de M. Nicolas Sebire, enquêteur du Bureau du Procureur (BdP) de la Cour pénale internationale (CPI), portant sur des questions d’abus de procédure dans le procès de Thomas Lubanga pour conscription, enrôlement et utilisation d’enfants soldats en République démocratique du Congo en 2002 et 2003. La Chambre de première instance I entend les témoignages au sujet de la présumée manipulation de témoins, à la suite des allégations selon lesquelles des intermédiaires du  BdP ont soudoyé ou coaché des témoins pour qu’ils fassent un faux témoignage et déclarent qu’ils ont pris part au conflit de 2002-2003 comme enfants-soldats dans la milice de Thomas Lubanga.

M. Biju-Duval a axé ses conclusions sur les tentatives menées par des enquêteurs du BdP de vérifier l’identité des contacts fournis par l’« intermédiaire 316 » qui a témoigné plus tôt, niant les allégations d’actes répréhensibles. Le témoin a répondu qu’ils ont vérifié les archives du BdP et n’ont trouvé rien de négatif. Les tentatives visant à vérifier d’autres sources ont échoué ou alors il en ignorait les résultats. Les enquêteurs du BdP n’ont pas non plus vérifié l’exactitude des informations factuelles fournies par l’« intermédiaire 316 » avec son épouse, a répondu M. Sebire à l’avocat de la défense.

Ni l’avocat des victimes, ni l’Accusation n’avait d’autres questions et la Cour a autorisé M. Sebire à se retirer.

Le témoin protégé

L’Accusation a appelé un témoin protégé, apparemment un ancien enfant-soldat, pour contrer les arguments de la défense selon lesquels l’« intermédiaire 316 » a coaché et soudoyé des individus pour qu’ils fassent un faux témoignage et affirment qu’ils se sont battus dans la milice de Thomas Lubanga alors qu’ils étaient mineurs. Le témoin a fait sa déposition avec une dissimulation du visage et une déformation de la voix pour cacher son identité. La Chambre a également clos la séance au public à plusieurs reprises afin de protéger son identité. Il n’a pas été désigné par un numéro au cours des audiences publiques, bien qu’il ait témoigné dans ce procès auparavant. L’Accusation a informé la Chambre au cours d’une session antérieure qu’elle allait rappeler le « témoin 38 », un ancien enfant-soldat, pour qu’il témoigne que l’« intermédiaire 316 » ne lui a pas dit de mentir. Le témoin d’aujourd’hui pourrait bien être le « témoin 38 ».

Le témoin a raconté qu’il avait rencontré l’« intermédiaire 316 » qui a confirmé que le témoin avait pris part aux combats car il possédait une carte de démobilisation et était capable d’identifier ses commandants. L’« intermédiaire 316 » a ensuite préparé la rencontre du témoin avec un représentant du BdP.

Le procureur a parcouru avec le témoin la liste de ses contacts avec l’« intermédiaire 316 » depuis l’époque de sa première rencontre avec un enquêteur OTP en mars 2006 jusqu’au dernier contact en janvier 2007. Le témoin a déclaré qu’à aucun moment il n’a parlé avec      l’« intermédiaire 316 » du contenu de ses entretiens avec les enquêteurs du BdP. L’intermédiaire a facilité les contacts avec le BdP, l’obtention des documents de voyage, et la préparation du voyage. Il a accompagné le témoin au premier entretien et l’a conduit à l’aéroport pour le deuxième entretien. De temps en temps, l’« intermédiaire 316 » l’appelait pour voir comment il s’en tirait.

Il a raconté qu’il lui était arrivé d’appeler l’« intermédiaire 316 » pour qu’il l’aide à récupérer le téléphone portable que lui avait donné le BdP d’une tierce partie qui le gardait et refusait de le rendre. L’intermédiaire a contacté la police qui a fait rendre le portable. Après cela, il a seulement rencontré « 316 » dans la rue et lui a brièvement parlé

En juin 2006, le témoin est revenu de l’école de Bunia où l’« intermédiaire 316 » habitait,  chez ses parents dans l’Ituri. En janvier 2007, il est retourné à Bunia pour entrer à l’université. Cependant, après avoir reçu de nombreux appels téléphoniques menaçants en mars et avril, il a demandé l’aide de la CPI et a été transféré à Kinshasa. Selon son témoignage, la dernière fois qu’il avait été en contact avec l’« intermédiaire 316 » a été en janvier 2007, quand il l’a vu à Bunia. Cela a été un échange de plaisanteries, bref et décontracté. Le témoin a plusieurs fois répété qu’à aucun moment il n’a discuté du fond de ses entretiens ou de son témoignage avec l’« intermédiaire 306 ».  Il a pris au sérieux les instructions de l’enquêteur du BdP selon lesquelles il ne devait en parler avec personne.

A l’issue de l’examen direct, le procureur a mené le témoin à travers une série de questions directes pour savoir si l’« intermédiaire 316 » lui a jamais demandé de dire des choses en particulier ou lui a donné ou promis une récompense pour ce qu’il allait dire ou a conclu une entente avec lui pour qu’il raconte des histoires fausses à la CPI. Le témoin a catégoriquement nié avoir agi ainsi. « J’ai seulement dit ce que je savais ou avais fait. Je n’ai rien exagéré ni rien omis. C’est une question de moralité, de normes éthiques. Je suis d’une famille chrétienne. . . . Le mensonge est un péché. Je préfère avoir des problèmes avec moi-même que des problèmes avec la morale. ”

L’avocat de la défense procédera au contre-interrogatoire de ce témoin à partir de demain à 9h30 du matin.

Calendrier du procès

Parmi les questions administratives dont la Chambre a traité au début de la séance d’aujourd’hui, M. Sachdeva a soulevé la question d’un besoin anticipé de temps supplémentaire, arguant que la défense a élargi son enquête sur l’abus de procédure pour inclure la question de savoir si le BdP n’a pas enquêté sur des preuves à décharge. Le procureur a souligné que la Cour n’a jamais interrogé les témoins au sujet de fausses identités. Le BdP a demandé que l’on ajoute 10 jours au calendrier. Sous ce régime, la défense aurait jusqu’au 10 janvier 2011 pour déposer une demande de non lieu pour abus de procédure, et l’Accusation jusqu’au 21 janvier 2011 pour répondre. Le juge président Adrian Fulford a indiqué que la Chambre allait réfléchir sur la requête du BdP.

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