- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

La défense examine la crédibilité de l’intermédiaire 316

Divulgation

Aujourd’hui, au procès de Thomas Lubanga, qui est accusé des crimes de guerre de conscription, d’enrôlement et d’utilisation d’enfants-soldats en République démocratique du Congo en 2002 et 2003, le juge président Adrian Fulford a ouvert la séance en remerciant la défense et l’Accusation de l’« attitude hautement coopérative qu’elles ont adoptée la nuit dernière » pour résoudre les questions en suspens en ce qui concerne la divulgation. L’avocat de la défense a soulevé la question devant la Chambre lorsque l’Accusation a refusé de répondre à certaines demandes de renseignements. Le juge Fulford a annoncé qu’« un nombre important de problèmes ont été résolus » par les parties et a ordonné au procureur, Manoj Sachdeva, d’examiner les questions en suspens. Le juge a clairement indiqué que les questions de divulgation en suspens seront réglées d’ici la fin de la journée.
« L’intermédiaire 316 »
L’avocat de la défense Jean-Marie Biju-Duval a poursuivi le contre-interrogatoire de Nicolas Sebire, ancien enquêteur au Bureau du Procureur (BdP), sur les rapports de l’accusation avec l’« intermédiaire 316 ». Plus tôt, un témoin (le « témoin 15 ») a accusé l’« intermédiaire 316 » de l’avoir corrompu et de l’avoir coaché pour lui faire témoigner faussement qu’il était enfant-soldat dans la milice de l’accusé. L’avocat de la défense a fait mention de plusieurs notes ou de courriels rédigés par M. Sebire et qui, selon toute apparence, montraient ses préoccupations en ce qui concerne la crédibilité de l’« intermédiaire 316 ». M. Sebire a répondu que ses notes reflètent la nécessité normale de recouper les informations fournies par un intermédiaire.
Il y avait deux facettes dans le travail de l’« intermédiaire 316 » : celui de l’informateur qui fournit des renseignements et celui de présentation du BdP aux enfants-soldats. M. Sebire a témoigné que « 316 » a donné de bons renseignements, mais n’avait pas d’expérience pour le second aspect de son travail, le suivi des enfants soldats. Il ne s’est pas étendu sur le sujet.

L’avocat de la défense a fait mention d’un courriel en date du 26 mai 2006 de M. Sebire à son équipe d’enquête, affirmant qu’il était difficile de justifier les sommes versées à l’« intermédiaire 316 » et que certains des renseignements qu’il a fournis étaient « bizarres » et demandaient à être recoupés. S’élevant contre l’idée selon laquelle il avait été préoccupé par quelque chose d’irrégulier, le témoin a expliqué que la difficulté de justifier les sommes versées était liée à l’absence de règlementation concernant le paiement des non-permanents à la Cour pénale internationale (CPI). En ce qui concerne la référence à la « bizarrerie » des renseignements, M. Sebire a opéré une distinction entre renseignements suspects et renseignements surprenants, et c’est à ces derniers qu’il faisait allusion. Le recoupement était normal, a-t-il affirmé et ne signifiait pas que l’information était mauvaise. En mai 2006, il a été décidé de limiter l’accès de l’« intermédiaire 316 » aux gens de la CPI et de contrôler strictement l’utilisation de l’information, a ajouté M. Sebire.

Le juge Fulford a plus tard  recommandé au procureur d’examiner attentivement la divulgation de documents qui sont à la base de la déclaration selon laquelle « les renseignements [fournis par ‘316 ‘] étaient bizarres et devaient absolument être vérifiés ». M. Sachdeva a répondu que la divulgation d’une version expurgée était en cours.

Lorsque M. Biju-Duval a demandé si l’équipe a réévalué le témoignage des enfants-soldats présentés par l’« intermédiaire 316 » à la lumière des préoccupations exprimées, le témoin a répondu qu’il était normal de réévaluer le témoignage lorsque de nouvelles preuves apparaissaient.

« Le témoin 35 »

L’avocat de la défense s’est enquis des rapports qu’il y avait entre l’« intermédiaire 316 » et le « témoin 35 », un commandant de l’Union des patriotes congolais (UPC), soupçonnés d’avoir participé avec des troupes à un certain nombre d’attaques. L’« intermédiaire 316 » a présenté le BdP au « témoin 35 » et a facilité son voyage à Kampala, en Ouganda pour des entrevues avec les enquêteurs de l’OTP. Il y a eu un incident, débattu en détail à huis-clos, où le « témoin 35 » s’est plaint lors d’une interview que l’« intermédiaire 316 » a pris une partie des fonds alloués au « témoin 35 » pour des frais d’hôtel et de nourriture. L’« intermédiaire 316 » aurait agi ainsi parce que le témoin a utilisé à d’autres fins les sommes qui lui étaient versées. Bien que M. Sebire n’ait pas pu se rendre à l’hôtel pour confirmer cela, il a pensé que l’intermédiaire était crédible. Il a continué à affirmer que le total des sommes versées au « témoin 35 » était nécessaire à la poursuite de l’entrevue.

M. Biju-Duval a soulevé une autre allégation du « témoin 35 » selon laquelle l’« intermédiaire 316 »  a promis que le BdP allait acheter tous les produits dont il avait besoin. Bien qu’il ne pût pas se souvenir des détails cinq ans après, M. Sebire a répondu qu’il a dû demander des explications à l’« intermédiaire 316 » et lui a rappelé que le BdP ne pouvait pas faire un tel achat. Au cours de son entretien ultérieur avec le « témoin 35 », M. Sebire a fait noter son accord sur le fait que le BdP ne lui a fait aucune promesse.

L’avocat de la défense a cherché à montrer que le « témoin 35 » était un escroc et non un agent de l’UPC comme il le prétendait. M. Sebire a confirmé que « 35 » a fait mention d’un carnet de notes lors de son entrevue avec les enquêteurs du BdP, mais a maintenu qu’il n’y avait rien d’inhabituel à ce qu’une personne interrogée revoie ses propres notes en guise d’aide-mémoire. Le carnet de notes contenait des noms de lieux où le « témoin 35 » aurait combattu et les noms de ses chefs présumés.

Parce qu’il n’avait pas la possibilité d’examiner la transcription de ses entretiens avec le « témoin 35 », M. Sebire ne pouvait se rappeler les erreurs qu’aurait commises le « témoin 35 », comme le fait d’ignorer le nom de la branche militaire de l’UPC ou de son commandant. En réponse à l’intervention du procureur, le juge Fulford a fait remarquer à M. Biju-Duval que, « Le témoin est clairement dans l’incertitude sur ce qu’il dit. Vous devez être conscient du fait que la manière équivoque dont il a répondu à la dernière question [et d’autres questions basées sur la transcription de l’entretien] n’apporte pas beaucoup en matière de preuve à la Cour ». M. Sebire a convenu qu’il n’était pas impressionné par la manière dont le « témoin 35 » a raconté son histoire, même si, selon lui,  il ne remettait pas nécessairement en question ses déclarations factuelles.

« Le témoin 15 »

 

Avant l’ajournement pour la journée, l’avocat de la défense a commencé l’interrogatoire de M. Sebire au sujet du « témoin 15 », qui a déclaré dans son témoignage de juin 2009 et mars 2010, qu’il a menti aux enquêteurs du BdP à la demande de l’« intermédiaire 316 ». L’avocat a demandé au témoin si le « témoin 15 », lorsqu’il a été présenté à M. Sebire par l’« intermédiaire 316 », a dit à l’enquêteur qu’il ne voulait pas déserter de l’UPC et n’était pas prêt à coopérer, ce qui contredisait les dires de l’« intermédiaire 316 ». M. Sebire a répondu que le « témoin 15 » n’avait pas refusé de coopérer. Il ne voulait tout simplement pas quitter sa milice à cette époque, et les enquêteurs du BdP se demandaient comment procéder sans le mettre en danger.
M. Sebire a reconnu qu’il avait probablement donné un téléphone au « témoin 15 » car il a accepté de donner des renseignements sur les livraisons d’armes. On ne sait pas quand cela s’est produit. M. Sebire a dit qu’il ne pouvait se rappeler s’il a remis de l’argent au « témoin 15 ». Le contre-interrogatoire de ce témoin se poursuit demain.
« Le témoin 598 »
Le juge Fulford s’est adressé au procureur au sujet de la disponibilité du « témoin 598 » à témoigner le lundi 29 novembre. Le parquet a requis le remplacement du « témoin 598 » par le « témoin 555 », qui devait témoigner au sujet du prétendu climat de peur et d’intimidation qui régnait à Bunia chez les gens soupçonnés d’avoir coopéré avec la CPI. « Le témoin 555 » a par la suite refusé de témoigner. Il y avait une certaine confusion sur la décision de la Chambre selon laquelle le BdP serait autorisé à appeler le « témoin 598 », ce qui a eu pour conséquence son indisponibilité pour lundi 29 novembre, jour où la Chambre se proposait de le faire comparaître. Le témoin va maintenant comparaître le 1er décembre 2010. La Chambre a vivement conseillé à l’Accusation de limiter son témoignage à des sujets que le « témoin 555 » aurait couvert.