Rapports quotidiens

9 Novembre 2010

L’intermédiaire nie avoir soudoyé le témoin pour lui faire dire qu’il était enfant soldat de Lubanga

Par Wairagala Wakabi

Un intermédiaire du Bureau du Procureur à la Cour pénale internationale (CPI) a nié avoir soudoyé une personne pour lui faire dire aux enquêteurs qu’il avait servi comme enfant-soldat dans le groupe dont Thomas Lubanga aurait été le dirigeant.

Témoignant pour la deuxième journée, l’« intermédiaire 316 » a aujourd’hui nié avoir offert de l’argent, puis coaché l’individu qui a ensuite témoigné pour l’Accusation.

En mars dernier, l’individu en question, dont le pseudonyme est « le témoin 15 », a déclaré au procès pour crimes de guerre qu’il avait menti aux enquêteurs du Bureau du Procureur (BdP) à la demande de cet intermédiaire. « Le témoin 15 » a fait une brève déposition en juin 2009 en tant que témoin à charge, mais son témoignage a connu une fin brutale quand il a déclaré que l’intermédiaire lui avait dit de dire des mensonges. Il a été rappelé en mars dernier par la cour pour témoigner à nouveau.

Le procureur Manoj Sachdeva a aujourd’hui lu à l’« intermédiaire 316 » des extraits du témoignage du « témoin 15 ». « Lors qu’on me posait des questions sur une bataille qui avait eu lieu dans un village, je devais donner dans le désordre les noms de certaines personnes qui étaient dans l’armée. C’est ainsi qu’on s’est préparé », dit le texte du témoignage en parlant du présumé coaching de témoin par l’intermédiaire.

« C’est faux », a répondu l’intermédiaire, qui a témoigné avec une déformation de la voix et du visage afin de protéger son identité. « Je ne lui ai pas donné de noms, et je n’ai pas fait de commentaires à ce sujet. »

Dans son témoignage, « le témoin 15 »’a déclaré qu’il avait accepté de mentir aux enquêteurs, car l’« intermédiaire 316 » avait dépensé de l’argent pour lui. « Lorsqu’il avait de l’argent, il me payait à boire et m’encourageait à agir. Il me donnait un peu d’argent et j’ai accepté de mentir », a déclaré ce témoin en mars de cette année.

L’intermédiaire a démenti ces affirmations. Il a également nié avoir dit au témoin de dire aux enquêteurs qu’il connaissait des enfants qui ont été enrôlés dans l’Union des patriotes congolais (UPC) – groupe que, selon les procureurs, M. Lubanga aurait dirigé – et qu’il connaissant des filles soldats qui étaient tombées enceintes alors qu’elles étaient des combattantes dans le groupe. M. Lubanga est en procès à la CPI pour le recrutement, l’enrôlement et l’utilisation d’enfants soldats en République démocratique du Congo.

L’intermédiaire ayant fait la plus grande partie de sa déposition à huis clos, on ignorait donc comment il a répondu aux autres accusations du « témoin 15 » contre lui.

Dans sa déclaration de 2005, « le témoin 15 » prétendait qu’il y avait des enfants, dont certains âgés d’à peine 12 ans, dans le camp d’entraînement militaire dirigé par l’UPC à Mandro et au siège de l’UPC dans la ville de Bunia. Il a également affirmé que lors qu’il était avec l’UPC, il a souvent vu des commandants de la milice armée de l’UPC quand ils faisaient des visites régulières au siège de l’UPC pour rencontrer M. Lubanga.

Cependant, quand il a pris la barre des témoins en mars 2010, il a déclaré que contrairement à ce qu’il avait dit aux enquêteurs en 2005, il n’a jamais servi dans la milice de l’UPC. Il a également déclaré que ses allégations antérieures selon lesquelles il a vu les commandants militaires Bosco Ntaganda et Floribert Kisembo au siège de l’UPC étaient fausses.

Dans sa déclaration de 2005, le témoin a décrit son présumé enlèvement par les combattants de l’UPC, la formation qu’il a prétendument subie à Mandro, et les punitions infligées aux déserteurs en cours de formation. Il a raconté aux enquêteurs un incident au cours duquel des soldats ont été exécutés après avoir été attachés à un arbre.

Lorsque le témoin a déclaré au tribunal en mars dernier que tous ces mensonges ont été le fait de l’« intermédiaire 316 », les juges ont ordonné la révélation immédiate de l’identité de l’agent du BdP. L’identité de deux autres intermédiaires a également été depuis communiquée à la défense. Les juges ont par la suite ordonné à deux intermédiaires et deux enquêteurs avec qui ils ont travaillé de témoigner sur le rôle qu’ils ont joué dans la falsification présumée de preuves.

Il est prévu que les procureurs rappellent le premier témoin, qui a témoigné pour eux et déclaré à la cour qu’il était un ancien enfant soldat de l’UPC. Selon les procureurs, le « Témoin 38 » a été présenté au BdP par l’« intermédiaire 316 », et sera entendu comme témoin en réplique pour affirmer que cet intermédiaire ne lui a jamais demandé de mentir à la Cour.

Le procès se poursuit demain avec le témoignage de l’« intermédiaire 316 ».

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