- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Le témoin fait toute sa déposition à huis-clos alors que les témoignages touchent à leur fin

Tous les témoignages entendus au procès de Thomas Lubanga cette semaine ont été faits à huis clos suite à la déclaration des avocats de la défense selon laquelle ils ne seraient pas en mesure de procéder au contre-interrogatoire du témoin en audience publique.

Au cours de la semaine, les juges ont également déclaré que les dernières personnes dont le témoignage est prévu au procès pour crimes de guerre devront terminer leur déposition d’ici le 25 novembre. La défense va alors déposer une requête le 12 décembre, demandant aux juges d’envisager le non-lieu.

Tout comme la semaine dernière, cette semaine du procès a également été grandement gênée par l’absence de témoins. Un seul témoin – l’« intermédiaire 321 » – a fait sa déposition du lundi au jeudi, tandis que le vendredi une réunion de mise en état a eu lieu. Une personne, qui avait été appelée à témoigner cette semaine, n’est encore une fois pas venu à La Haye en raison de retards prolongés dans l’obtention d’un passeport et d’un visa.

En juillet dernier l’« intermédiaire 321 » avait déjà témoigné pendant deux jours, lorsque les juges ont suspendu l’instance après le refus de l’Accusation de communiquer à la défense de M. Lubanga l’identité d’un autre intermédiaire. La défense avait déclaré qu’il lui fallait connaître l’identité de l’« intermédiaire 143 » avant de poursuivre le contre-interrogatoire de l’« intermédiaire 321 », l’une des personnes ayant pris contact avec les enfants congolais qui ont témoigné contre M. Lubanga.

Lundi, au début de la procédure, l’avocat de la défense Jean-Marie Biju-Duval a déclaré qu’il lui serait difficile de poser des questions à l’« intermédiaire 321 » en audience publique. Il a expliqué que le témoin serait interrogé sur plusieurs noms non protégés « et qu’il serait artificiel de notre part de donner des pseudonymes ». Bien qu’ayant déclaré qu’il allait essayer de mener le contre-interrogatoire du témoin en audience publique, l’avocat de la défense n’a posé aucune question en audience publique.

À la fin de l’audience de jeudi, le juge président Adrian Fulford a déclaré qu’étant donné que la presque totalité des travaux de la semaine ont été menés à huis clos, « des efforts devraient être faits en vue de publier une version expurgée de ce témoignage. »

Par le passé, les témoins de la défense ont accusé l’« intermédiaire 321 » d’être impliqué dans des actes  irréguliers dont le coaching et la subornation de témoins pour témoigner devant la cour qu’ils avaient servi comme enfants soldats dans la milice que selon les procureurs de la CPI M. Lubanga aurait commandée en 2002 et 2003.

Pendant ce temps, les procureurs ont déclaré à la cour que le « témoin 38 », qui avait été cité à témoigner dans la semaine du 8 novembre, ne serait en mesure de se rendre à La Haye que le 12 novembre. Le témoignage de cette personne avait été prévu pour la semaine dernière mais n’a pas pu effectuer le voyage parce qu’il n’avait pas de passeport et de visa. Le juge Fulford décrit comme une « très mauvaise nouvelle » l’annonce que le témoin serait retardé  davantage.

Cette personne, qui a déjà témoigné pour l’Accusation, dira à la Cour que l’intermédiaire qui l’a présenté au BdP ne lui a jamais demandé de faire un faux témoignage ou de mentir à l’Accusation ou à la Cour.

Puis jeudi, on a déclaré à la Cour qu’une personne que l’Accusation avait prévu de citer comme témoin en réplique ne prendrait pas la barre des témoins, après tout. Cette personne a déclaré dans des entretiens avec les responsables des poursuites qu’il était un ancien enfant soldat de l’Union des patriotes congolais (UPC), le groupe de M. Lubanga est accusé d’avoir dirigé.

Selon les procureurs, cette personne, désignée par le pseudonyme « témoin 555 » devait faire un témoignage au sujet du prétendu climat de peur et d’intimidation à Bunia dans l’Est du Congo auquel étaient soumis les individus soupçonnés d’avoir coopéré avec la CPI.

La défense de M. Lubanga, qui est jugé pour le recrutement, la conscription et l’utilisation d’enfants soldats, a déclaré que le « témoin 555 » a menti à la cour au sujet de son service militaire présumé.

« La défense soutient que les membres de la famille du [témoin] 555 et les dossiers scolaires pertinents révèlent qu’il n’était pas dans l’armée au moment des faits », a déclaré le juge Fulford. « D’ailleurs », a-t-il ajouté, « la défense soutient qu’il s’agit d’un faux témoignage et que l’Accusation n’avait pas effectué les contrôles appropriés afin de s’assurer qu’elle allait appeler un témoin véridique ».

Les juges ont estimé que l’Accusation doit révéler tous les détails de la communication entre le BdP et le « témoin 555 ».

Au cours de la semaine, la défense s’est plaint aux juges que l’Accusation n’avait pas honoré ses différentes obligations en matière de divulgation. « Nous ne sommes pas satisfaits de la divulgation par le Bureau du Procureur des éléments sur la requête concernant l’abus de procédure », a déclaré l’avocat principal de la défense Catherine Mabille. «Si possible, nous aimerions inclure cette question dans notre requête concernant l’abus de procédure ».

Le juge Fulford a déclaré que la semaine prochaine, la défense devrait donner les détails de l’allégation de non-divulgation, « afin que nous comprenions exactement de quoi il s’agit et pour que l’Accusation puisse les avoir par écrit ».

A l’entame de la plaidoirie de la défense en janvier dernier, l’avocat principal de la défense Mme Mabille a déclaré que la défense allait appeler des gens pour témoigner de la façon dont les intermédiaires de l’OTP ont coaché et soudoyé des témoins, puis demander aux juges de classer l’affaire pour abus de procédure.

La défense soutient que l’on ne saurait avoir un procès équitable pour M. Lubanga si « une partie aussi importante du procès est basée sur des preuves fabriquées ». Mme Mabille a confirmé jeudi que la défense allait déposer cette requête d’ici le 12 décembre.

Le procès reprend lundi prochain.