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Reprise du procès de Lubanga – les intermédiaires continuent d’occuper le devant de la scène

Le procès de Thomas Lubanga à la Cour pénale internationale (CPI) a repris cette semaine, et le rôle joué par les intermédiaires de la Division des poursuites de la Cour est resté au centre de l’interrogatoire de la défense.

Lundi, un agent de liaison du Bureau du Procureur (BdP) a été interrogé par les avocats de la défense sur les sommes versées à des intermédiaires, qui ont communiqué avec d’anciens enfants soldats ayant témoigné contre M. Lubanga.

Cependant, tandis que l’un de ces intermédiaires était censé faire son témoignage cette semaine par vidéoconférence à partir du Congo, le tribunal a appris que cet individu s’était plutôt rendu à La Haye en raison d’un problème de communication. Ce témoin, qui est désigné par le nom d’« intermédiaire 321 », était à la barre des témoins en juillet dernier, lorsque les juges ordonné la suspension de l’instance.

Le juge président Adrian Fulford déclaré à la Cour mardi qu’aucune des personnes qui devaient témoigner cette semaine n’était prête à le faire. Bien que des audiences aient été prévues du lundi au vendredi, le juge a annoncé mardi que le procès reprendrait le lundi le 1er novembre. Selon le juge un des témoins n’a pas pu effectuer le voyage de La Haye parce que son passeport n’était pas prêt.

Le procureur Manoj Sachdeva a déclaré que l’« intermédiaire 321 » témoignerait le lundi, après avoir indiqué qu’il avait besoin de cinq jours pour se familiariser avec le témoignage qu’il a fait en juillet dernier ainsi que les entretiens qu’il a eus avec les procureurs en octobre dernier et au milieu de cette année.

Cet intermédiaire, qui a été impliqué dans le coaching et la subornation des témoins, a témoigné en juillet dernier, mais le procès a été suspendu au milieu de son contre-interrogatoire. Cela s’est passé après que l’Accusation a refusé de divulguer l’identité de l’« intermédiaire 143 ». La défense avait voulu connaître l’identité de l’« intermédiaire 143 » en vue de l’interrogatoire de l’« intermédiaire 321 ».  

Les juges ont ordonné la comparution des intermédiaires et des enquêteurs après que plusieurs témoins de la défense eurent déclaré que les intermédiaires ont suborné et coaché des témoins et s’étaient livrés à divers autres actes de falsification de preuves.

Sur injonction des juges, le BdP va également produire au moins un autre intermédiaire et deux de ses enquêteurs, qui ont travaillé à la collecte de preuves contre M. Lubanga. Un des enquêteurs doit témoigner la semaine prochaine par vidéoconférence.

Au cours de l’audience de lundi, l’avocat principal de la défense Me Catherine Mabille a interrogé l’agent de liaison du BdP en République Démocratique du Congo (RDC) sur les sommes versées à un intermédiaire désigné par le pseudonyme de M. X et les circonstances dans lesquelles cet intermédiaire s’est par la suite plaint de la présumée mauvaise conduite des enquêteurs du BdP.

Le témoin a dit que l’argent qu’il a donné à « M. X » était destiné au transport des ex-enfants soldats qui ont été amenés à l’agent de liaison pour sélection. Il a ajouté que tous les paiements à l’intermédiaire ont été autorisés par les enquêteurs du Bureau du Procureur ou des superviseurs basé à La Haye.

«  Est-ce que quelqu’un de la MONUC (Mission d’observation militaire des Nations Unies au Congo) vous a signalé que M. X s’était plaint du comportement de la CPI à son égard? », a demandé l’avocat de la défense.

Réponse du témoin : « Nous avions entendu dire que M. X avait approché la MONUC pour se plaindre », et d’ajouter : « M. X s’était plaint … de la façon dont fonctionnait la CPI et en particulier de ce qu’il considérait comme des dysfonctionnements ». Le témoin, qui a témoigné par vidéoconférence, a donné des détails sur la plainte à huis clos.

En réponse à la question de Mme Mabille, le témoin a dit qu’il n’était au courant que le BdP ait jamais considéré comme injustifiée une réclamation financière des intermédiaires. Il a cependant  déclaré qu’à un certain point ses supérieurs lui ont ordonné de ne pas traiter avec « M. X », parce qu’il n’était plus un intermédiaire. Des instructions similaires ont été données au sujet d’autre intermédiaire, désigné à la Cour par le nom de « M. Z ». Le témoin n’a pas dit en audience publique pourquoi ces personnes ont cessé d’être des intermédiaires.

Le témoin a déclaré qu’il a passé au crible plusieurs enfants qui avaient été soldats de l’Union des Patriotes Congolais (UPC) afin de trouver ceux qui correspondaient au profil que recherchait le BdP. L’UPC est le groupe que M. Lubanga est présumé avoir dirigé.

M. Lubanga est en procès depuis janvier 2009, bien qu’il ait été en détention à la CPI depuis mars 2006. Il est accusé d’enrôlement, de conscription et d’utilisation d’enfants soldats dans des conflits armés en 2002 et 2003, alors qu’il dirigeait l’UPC et sa milice armée.

En se référant à plusieurs documents, y compris les notes de sélection et échanges de courriels entre l’officier de liaison et ses supérieurs hiérarchiques du BdP, Mme Mabille a demandé au témoin pourquoi plusieurs des enfants qu’on lui avait demandé de passer au crible ont ensuite été laissés de côté. Elle s’est également posée des questions sur les écarts entre les listes des enfants qui étaient en possession de « M. X » et celles que les enquêteurs de l’Accusation avaient fournies au témoin.

« Parfois il [M. X] allait sur le terrain à la recherche d’un enfant ou d’un autre, puis il appelait pour me dire que tel ou tel enfant n’était pas disponible, ou ne pouvait pas être retrouvé », a répondu le témoin. À un moment donné tous les 16 enfants qui devaient être examinés n’ont pu être retrouvés, a déclaré le témoin.

Alors que le témoin a affirmé qu’il avait passé au crible certains enfants en particulier sur lesquels Mme Mabille l’avait questionné, tout examen ultérieur s’est fait à huis clos. Il a donc été impossible de savoir pourquoi la défense s’intéressait à ces personnes en particulier. Dans le passé, cependant, certains témoins de la défense ont témoigné que des intermédiaires ont corrompu des enfants pour leur faire faire un faux témoignage selon lequel ils étaient d’anciens enfants soldats de l’UPC.