Rapports quotidiens

25 Octobre 2010

Un témoin est encore interrogé sur les paiements aux intermédiaires

Par Wairagala Wakabi

Un employé de la Cour pénale internationale (CPI) a été aujourd’hui interrogé par les avocats de l’accusé de crimes de guerre Thomas Lubanga sur les sommes que la Division des Poursuites de la Cour a versées à ses intermédiaires qui ont pris contact avec d’anciens enfants soldats qui ont témoigné contre M. Lubanga.

Le témoin travaille comme agent de liaison pour le Bureau du Procureur (BdP) de la CPI dans l’est de la République du Congo (RDC), où M. Lubanga est accusé d’avoir commis les crimes d’enrôlement, de conscription et d’utilisation d’enfants de moins de 15 ans dans un conflit armé.

Ce témoin, qui a témoigné plus tôt les 14 et 15 juin 2010, a été rappelé lorsque la défense a déclaré qu’elle devait l’interroger de nouveau après avoir étudié les documents qui ont été récemment communiqués par le parquet. Il a témoigné aujourd’hui par vidéoconférence depuis la RDC. Son visage et sa voix ont été déformés de façon à protéger son identité.

Au cours de l’audience d’aujourd’hui, la première à se tenir depuis juillet, lorsque les juges ont imposé une suspension de l’instance, l’avocat principal de la défense Me Catherine Mabille a interrogé le témoin sur les sommes versées à un intermédiaire, désigné sous le pseudonyme de «  M. X », et les circonstances dans lesquelles cet intermédiaire s’est ensuite plaint de l’inconduite alléguée d’enquêteurs du BdP avec qui il traitait.

Selon le témoin, l’argent qu’il a donné « M. X » était destiné au transport des anciens enfants soldats, qui ont été amenés à l’agent de liaison pour sélection. Il a dit que tous les paiements à l’intermédiaire ont été autorisés par les enquêteurs du BdP ou les superviseurs basés à La Haye.

« Est-ce que quelqu’un de la MONUC (la Mission d’observation militaire des Nations Unies au Congo) vous a appris que M. X s’était plaint du comportement de la CPI à son égard? » a demandé l’avocat de la défense.

Réponse du témoin : « Nous avions entendu dire que M. X avait approché la MONUC pour se plaindre ». Il ajoute, « M. X s’était plaint… de la façon dont la CPI fonctionnait et en particulier de ce qu’il considérait comme des dysfonctionnements ». Le témoin a donné des détails sur ces plaintes à huis clos.

En réponse à la question de Mme Mabille, le témoin a dit qu’il n’avait jamais appris qu’une demande d’ordre financier provenant des intermédiaires avait été considérée comme injustifiée par le Bureau du Procureur. Toutefois, il a déclaré qu’à un certain moment ses supérieurs lui ont ordonné de ne plus traiter avec « M. X » parce que ce dernier n’était plus un intermédiaire. Des instructions similaires ont été données sur un autre intermédiaire désigné à la Cour sous le nom de « M. Z ». Le témoin n’a pas dit en audience publique pourquoi ces personnes ont cessé d’être des intermédiaires.

Le témoin a déclaré qu’il a passé au crible plusieurs enfants, qui avaient servi comme soldats avec l’Union des patriotes congolais (UPC), pour trouver ceux qui avait le profil recherché par le BdP. L’UPC est le groupe qui selon les procureurs avait été dirigé par M. Lubanga.

Tout en se référant à plusieurs documents, y compris les notes d’examen préalable et échanges de courriels entre l’officier de liaison et ses supérieurs hiérarchiques au BdP, Mme Mabille a demandé au témoin pourquoi plusieurs des enfants qu’on lui avait demandé d’examiner ont finalement été laissés de côté. Elle s’est également interrogée sur les différences qu’il y avait entre les listes des enfants qui étaient en possession de « M. X » et celles que les enquêteurs de l’Accusation avaient fournies au témoin.

« Parfois il [M. X] allait sur le terrain à la recherche d’un enfant ou d’un autre, puis il appelait pour me dire que tel ou tel enfant n’était pas disponible, ou ne pouvait pas être retrouvé », a répondu le témoin. À un moment donné tous les 16 enfants qui devaient être examinés n’ont pu être retrouvés, a déclaré le témoin.

Alors que le témoin a affirmé qu’il avait examiné certains enfants en particulier dont a parlé Mme Mabille, le reste de l’interrogatoire s’est déroulé à huis clos. Il a donc été impossible de savoir pourquoi la défense s’intéressait à ces personnes en particulier. Cependant, dans le passé, certains témoins de la défense ont témoigné que les intermédiaires ont corrompu des  enfants pour leur faire faire un faux témoignage selon lequel ils étaient d’anciens enfants soldats de l’UPC.

L’agent de liaison sur le terrain a terminé son témoignage aujourd’hui. La comparution d’un nouveau témoin est attendue pour  demain.

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