Rapports quotidiens

8 Octobre 2010

Les juges d’appel décident que Lubanga ne sera pas remis en liberté ; le procès va reprendre

Par Wairagala Wakabi

Les juges d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) ont aujourd’hui décidé que le congolais Thomas Lubanga accusé de crimes de guerre ne sera pas remis en liberté et ont ordonné la reprise de son procès.

Il y a deux mois, les juges de première instance avaient suspendu l’instance au procès de l’ancien chef rebelle détenu par la CPI et ordonné sa remise en liberté. Le parquet a fait appel à la fois l’ordonnance de suspension de l’instance et à celle de remise en liberté de M. Lubanga.

Aujourd’hui, les juges d’appel ont statué que la Chambre de première instance a eu tord de suspendre l’instance sans imposer des sanctions contre le procureur à la suite de son refus de se conformer aux ordres de la Chambre de première instance. Selon eux, les sanctions sont pour les chambres un outil clé pour garder le contrôle de la procédure dans le cadre du procès et garantir un procès équitable sans avoir recours à « la mesure draconienne de suspension de l’instance ».

Les juges d’appel ont déclaré que l’annulation de la décision de suspension de l’instance entraînait l’annulation de l’arrêt de remise de liberté. « La chambre d’appel est d’accord avec le procureur sur le fait que la suspension de l’instance a été l’élément essentiel sur lequel était basé l’arrêt de remise en liberté de M. Lubanga Dyilo. S’il n’avait pas eu suspension de l’instance, la chambre de première instance n’aurait pas ordonné la remise en liberté de M. Lubanga Dyilo », ont déclaré les juges dans leur décision écrite.

Les juges ont également statué que le procureur a agi à tort en refusant d’exécuter l’ordonnance rendue par les juges de première instance concernant la communication à la défense de l’identité d’un individu connu sous le nom d’« intermédiaire 143 » qui avait aidé les témoins à charge à entrer en contact avec les enquêteurs. C’est après le refus de l’Accusation d’exécuter cette ordonnance de divulgation que les juges de première instance ont le 8 juillet 2010, suspendu l’instance.

 «  Les ordonnances des chambres sont contraignantes et doivent être traitées comme telles par toutes les parties et les participants à moins et jusqu’à ce qu’elles soient suspendues, annulées ou modifiées par la chambre d’appel ou que leurs effets juridiques soient autrement modifiées par une décision appropriée d’une chambre compétente », ont affirmé les juges d’appel. Ils ont ajouté que même s’il y avait un conflit entre les ordonnances d’une chambre et la perception que le procureur avait de ses fonctions, le procureur était tenu de se conformer aux ordonnances de la chambre.

En refusant de se conformer à l’ordonnance en juillet dernier, le procureur Luis Moreno-Ocampo a déclaré que si l’identité de l’intermédiaire était révélée avant la mise en place de mesures de protection telles que le déplacement vers une autre localité, la personne courrait le risque de subir des attaques de représailles des partisans de M. Lubanga. Le procureur a estimé qu’à ce stade, la divulgation aurait été en contradiction avec son obligation de protéger les témoins. Le mois dernier, le procureur a déclaré que l’identité de l’« intermédiaire 143 » a été depuis lors communiquée à la défense suite à la mise en place de mesures de protection en sa faveur.

M. Lubanga est la première personne à être jugée par la CPI, dont les procureurs allèguent qu’il a été le fondateur de l’Union des patriotes congolais (UPC) et des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC). Les procureurs accusent également M. Lubanga d’avoir été le commandant en chef des FPLC de septembre 2002 à la fin de 2003, et pendant ce temps d’avoir été responsable du recrutement, de l’enrôlement et de l’utilisation d’enfants de moins de 15 ans dans des conflits armés.

Le juge Sang-Hyun Song, qui a présidé à l’appel, a déclaré dans un résumé oral de l’arrêt, que la chambre d’appel a noté l’argument de M. Lubanga selon lequel il ne devrait pas être détenu plus longtemps en raison du « retard inexcusable du procureur ». Mais le juge Song a ajouté que la chambre de première instance n’a pas conclu que M. Lubanga a été arrêté pour une période déraisonnable en raison du retard inexcusable du procureur. M. Lubanga est en détention à la CPI depuis mars 2006. Son procès a commencé en janvier 2009.

Parmi les autres juges qui ont entendu l’appel figurent Erkki Kourula, Anita Ušacka, Daniel David Ntanda Nsereko, et Sanji Monageng Mmasenono.

À la suite de l’arrêt rendu aujourd’hui, la Chambre de première instance devra convoquer une conférence au cours de laquelle les procureurs et la défense indiqueront quand ils seront prêts pour la reprise du procès. Lors que l’instance a été suspendue, un intermédiaire était en train de faire sa déposition. Un autre intermédiaire et au moins deux enquêteurs de l’Accusation devaient ensuite témoigner.

L’Accusation avait prévu de convoquer certains témoins en réplique, après quoi la défense présenterait une demande pour que les juges envisagent de classer l’affaire sans suite au motif que les intermédiaires ont falsifié des preuves et coaché des témoins.

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