Commentaire Rapports du proces

24 Septembre 2010

La visite de Kabila met en exergue les tensions engendrées par le procès Lubanga

Par Olivia Bueno

Chers lecteurs, veuillez trouver ci-dessous un commentaire d’Olivia Bueno de « International Refugee Rights Initiative » en consultation avec des militants de nationalité congolaise. Les opinions et vues exprimées ici ne reflètent pas nécessairement celles d’International Refugee Rights Initiative ou celles d’Open Society Justice Initiative.

La semaine dernière, le président congolais Joseph Kabila est arrivé en Ituri dans le cadre d’une tournée dans la partie orientale du pays, qui a également touché les provinces du Kivu et du Katanga. Au cours de cette visite il a promis un certain nombre de projets de développement pour l’Ituri, mais cela n’a impressionné que peu de gens. Certains ont rejeté la visite, la considérant comme de la campagne électorale en vue des élections de 2011 en République démocratique du Congo (RDC).

Donatien Kanyinziya, un parlementaire membre du parti d’opposition Mouvement pour la Libération du Congo, cité par Radio Okapi, déclare: « Au cours de sa visite en Ituri la semaine dernière, Joseph Kabila n’a fait que renouveler aux Ituriens les mêmes promesses qu’il avait faites dans la campagne électorale de 2006. »

Kanyinziya n’était pas la seule personne mécontente de la visite. À Bunia, la visite de Kabila a constitué un point de ralliement pour l’Union des Patriotes Congolais (UPC), parti associé à Thomas Lubanga. Le procès de Lubanga qui est actuellement en cours à la Cour pénale internationale (CPI) a été l’un des points les plus importants de leur ordre du jour.

Selon des militants congolais, l’UPC appelle à la libération sans conditions de Thomas Lubanga après la décision rendue par la Chambre de première instance à ce sujet le juillet 2010. Bien que cette ordonnance ait fait l’objet d’un appel le lendemain, et que cet appel soit toujours à l’étude à La Haye, l’UPC a fait valoir que la procédure est inéquitable et que les droits de Lubanga ont été violés. Selon des sources congolaises, les membres de l’UPC appellent le gouvernement à assumer la responsabilité de faire face à ces violations des droits. Ils demandent aussi la libération de leurs membres qui sont emprisonnés sans procès depuis quatre ans à Kinshasa.

Kabila doit soigneusement réfléchir à la réponse à donner à ces arguments – l’UPC reste toujours une force politique puissante en Ituri. Le message de l’UPC demandant au chef de l’État de faire libérer Lubanga, est aussi plein de signification politique. Les militants de l’Ituri ont colporté des rumeurs qui circulent actuellement et selon lesquelles Lubanga sera remis en liberté avant la fin de l’année – ce qui lui permettra de participer à l’élection présidentielle de 2011. Cette thèse fournit aux partisans de Lubanga encore une autre raison de se réjouir, un renforcement de leur position qu’un militant décrit comme “inquiétant”.

Toutefois, si cette possibilité est considérée comme heureuse dans les zones à majorité Hema (groupe ethnique de Lubanga et la source principale du soutien dont il dispose), il est également important de noter qu’elle engendre d’autres conséquences dans d’autres domaines. Certains sont déçus et craignent que cela exacerbe les conflits en cours. Selon des collègues, d’autres communautés, en particulier celles qui sont considérés comme non autochtones en Ituri, sont préoccupés par l’aggravation des discours d’exclusion ethnique. Parmi les Lendu, bien sûr, la remise en liberté de Lubanga serait considérée comme une injustice, d’autant que deux de leurs dirigeants, Katanga et Ngudjolo restent encore à La Haye.

L’UPC tenterait également de mobiliser l’opinion publique en Ituri contre la cour, faisant valoir que l’engagement de la CPI a mis fin à une véritable réconciliation. Sur le terrain, les militants pensent que même si l’UPC a présenté ses vues à Kabila d’une manière pacifique la semaine dernière, la menace de la violence est toujours présente. Beaucoup redoutent la possibilité que l’UPC retourne à la guerre si ses revendications ne sont pas satisfaites et si Lubanga n’est pas remis en liberté.

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