Rapports du proces

22 Septembre 2010

Lubanga s’oppose à la tentative du procureur d’interroger les témoins restants

Par Wairagala Wakabi

La défense de Thomas Lubanga, qui est accusé de crimes de guerre, s’est cette semaine opposée à la tentative du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Luis Moreno-Ocampo de recueillir la déposition de témoins dont le témoignage était prévu au procès, malgré la suspension des procédures.

La semaine dernière, le procureur a demandé aux juges de première instance de permettre aux procureurs de prendre les dépositions des témoins, qui devaient témoigner au procès avant la suspension des procédures en juillet dernier. Le procureur a fait valoir que si la suspension était levée par la chambre d’appel, alors les juges de première instance décideraient s’il y a lieu d’admettre le témoignage en preuve dans l’affaire. Il a fait valoir que cette proposition était conforme à la loi créant la CPI car elle autorise les chambres de première instance à recueillir des témoignages, même si aucune procédure n’est activement en cours.

Cependant l’avocat principal de la défense, Catherine Mabille, a répliqué dans une déposition du 20 septembre 2010 en rejetant la demande de l’accusation comme « manifestement irrecevable. » Elle a fait valoir qu’aucune des dispositions du Statut de Rome ne prévoyait la possibilité de recueillir des éléments de preuve et de les soumettre aux juges alors qu’il y avait un arrêt des procédures.

Mme Mabille a déclaré que la requête du procureur n’a pas de base juridique et a été conçue exclusivement pour obtenir de la chambre de première instance qu’elle revoie sa décision de suspension des procédures, mais la chambre d’appel examinait l’appel du procureur contre cette décision. « En cherchant une nouvelle audition de témoins … le procureur est en fait en train de demander la levée immédiate de la suspension des procédures et la reprise du procès », a-t-elle fait valoir.

Selon l’avocat de la défense, c’était à la chambre d’appel de décider s’il convient d’annuler la suspension des procédures et ordonner la reprise du procès, ou d’inviter la Chambre de première instance à réexaminer la question.

La défense a accusé les intermédiaires d’avoir soudoyé et coaché des témoins pour leur faire faire un faux témoignage devant la Court. Cela a incité les juges à ordonner aux procureurs de produire deux intermédiaires comme témoins. Le témoignage du troisième a été brutalement interrompu par la suspension des procédures.

Outre les intermédiaires, les juges de première instance ont également ordonné à trois enquêteurs de l’accusation de prendre la barre des témoins, mais aucun n’avait comparu au moment où le procès a été suspendu. L’accusation avait également prévu d’appeler trois ou quatre témoins en réplique (ou de recueillir leurs témoignages) avant que la défense ne dépose sa demande aux juges de prononcer un non-lieu pour abus de procédure.

Le 8 juillet 2010, la Chambre de première instance présidée par le juge Adrian Fulford a ordonné la suspension des procédures en raison du « refus sans équivoque de l’accusation d’appliquer les directives plusieurs fois réitérées » par les juges de divulguer l’identité de l’ « intermédiaire 143 » à la défense. L’intermédiaire a aidé les enquêteurs de l’accusation en République démocratique du Congo (RDC) à identifier les personnes qui ont témoigné contre M. Lubanga.

Il y a une semaine, l’accusation a divulgué à la défense l’identité de l’« intermédiaire 143 ». L’accusation n’a pas l’intention de remettre en question cet intermédiaire ni de l’appeler comme témoin. Au début de juillet, la défense a déclaré qu’elle ne pouvait pas poursuivre le contre-interrogatoire de l’« intermédiaire 321 » qui était alors à la barre des témoins, si elle ne connaissait pas l’identité de l’« intermédiaire 143 ».

En hésitant à appliquer les directives des juges en juillet dernier, l’accusation a déclaré que révéler l’identité de l’« intermédiaire 143 » avant la mise en place de mesures de protection pour lui aurait mis sa vie en danger.

M. Lubanga, qui selon les procureurs aurait été le fondateur de l’Union des patriotes congolais (UPC), est accusé de conscription, d’enrôlement, et d’utilisation d’enfants soldats dans des conflits armés en 2002 et 2003. Toujours selon les procureurs, M. Lubanga était le commandant en chef des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), groupe armé allié à l’UPC qui a utilisé des enfants soldats dans les combats interethniques au Congo.

M. Moreno-Ocampo a soutenu la semaine dernière que le fait de permettre aux procureurs de recueillir les dépositions des témoins en attendant la décision sur l’appel servirait mieux les droits des parties à l’affaire, ainsi que celles « des victimes qui méritent qu’il soit mis fin à leurs souffrances, et des témoins qui sont confrontés à un stress permanent dû à l’ajournement sine die de leur témoignage  ». Il a ajouté que cela servirait également les intérêts de la Cour en permettant l’utilisation de ses ressources malgré le fait que le procès est suspendu.

Toutefois, la défense a déclaré cette semaine que l’accusation a eu tort de supposer que la suspension des procédures était essentiellement basée sur la non-divulgation de l’identité de l’« intermédiaire 143 » et que, une fois son identité divulguée, le procès pourrait reprendre.

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