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Les procureurs demandent aux juges du procès de Lubanga de rouvrir le procès

Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé aux juges de première instance de permettre aux procureurs de recueillir la déposition de témoins qui devaient témoigner dans le procès de Thomas Lubanga avant la suspension des procédures en juillet. Le procureur veut entendre ces témoignages alors que les procédures sont encore suspendues, en attendant la décision de la Chambre d’appel.

Dans une déposition du 16 septembre, 2010 le procureur de la CPI Luis Moreno-Ocampo a laissé entendre que si la suspension était levée par la Chambre d’appel, les juges du procès décideraient s’il convient d’admettre le témoignage comme preuve dans l’affaire. Il a fait valoir que cette proposition était conforme à la loi créant la CPI, car elle autorise les chambres de première instance à entendre des témoignages, même si aucune procédure n’est en cours.

Le procureur a déclaré que le 13 septembre 2010, l’accusation a communiqué à la défense de M. Lubanga l’identité de l’individu connu sous le nom d’ « intermédiaire 143 » qui a été au centre de la suspension du procès.

Le procureur a également fait valoir que les juges de première instance avait le pouvoir d’effectuer une levée partielle de l’arrêt des procédures, et qu’en outre l’article 56 du Statut de Rome prévoit que, lorsqu’elles se voient offrir une occasion unique d’enquêter, les parties au procès peuvent entendre un témoignage en espérant que cette preuve pourrait ultérieurement être admise dans un procès futur.

Selon le procureur, rien dans le Statut de Rome qui a créé la CPI, ou les Règles de procédure et de preuve ne définit une suspension ou ne limite spécifiquement le pouvoir de la Chambre à modifier la suspension ou à permettre une activité provisoire malgré la suspension. Il a soutenu que le pouvoir d’ordonner une suspension était étroitement lié au pouvoir inhérent à la Chambre d’éviter des violations nouvelles ou plus intrusives des droits fondamentaux des parties.

« Ainsi, la possibilité de recueillir des preuves même s’il n’y a pas de procès en cours est sanctionnée par la loi. Cette possibilité servirait également les droits fondamentaux de l’accusé [car] la prise de mesures à ce moment raccourcirait le processus si la suspension est limitée, et en raccourcissant la procédure, elle réduira la durée de son incarcération avant jugement », a fait valoir M. Moreno-Ocampo.

Il a ajouté qu’une proposition visant à permettre à la Chambre d’entendre les témoignages qui pourraient être admis sans tarder si la suspension était levée avant la reprise éventuelle du procès servirait mieux les droits des parties prenantes à l’affaire, « des victimes qui méritent qu’il soit mis fin à leurs souffrances, et des témoins qui sont confrontés à un stress permanent dû à l’ajournement sine die de leur témoignage. »

Le procureur a en outre fait valoir qu’il serait dans l’intérêt de la cour que l’on permette l’utilisation de ses ressources bien que le procès soit suspendu : « Cette mesure provisoire pendant la durée de l’ordonnance de suspension préserverait l’arrêt de la Chambre selon lequel le procès doit être suspendu et permettrait à la Chambre d’appel de résoudre les problèmes juridiques et factuels sous-jacents. »

Le 8 juillet 2010, les juges de première instance ont suspendu les procédures au procès pour crimes de guerre, après le refus de l’accusation de divulguer l’identité de l’« intermédiaire 143 » à la défense. Les juges ont déclaré que le « refus » par l’accusation de respecter deux ordres de divulgation signifiait qu’un procès équitable pour M. Lubanga n’était pas possible.

Toutefois, l’accusation a fait valoir que si elle devait révéler immédiatement l’identité de l’intermédiaire, qui était en République démocratique du Congo (RDC), il courrait le risque d’être agressé par les partisans de M. Lubanga. Par conséquent, les procureurs ont demandé à la Cour de leur accorder un certain temps pour mettre en place des mesures de protection pour l’intermédiaire, comme l’installation à l’extérieur de la RDC, avant la divulgation de son identité.

Les juges de première instance ont insisté sur le fait que la divulgation de l’identité de l’intermédiaire à la seule équipe de la défense et sa personne-ressource au Congo ne constituerait pas une menace pour la sécurité de l’individu. Lorsque les procureurs ont toujours persisté dans leur refus de révéler l’identité de l’intermédiaire, les juges de première instance ont ordonné la remise en liberté de M. Lubanga le 15 juillet 2010. Il reste toutefois en détention jusqu’à ce que les juges d’appel de la CPI statuent sur un appel de l’accusation contre sa remise en liberté.

Les procureurs de la CPI accusent M. Lubanga de conscription et d’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans et de les avoir utilisés pour « participer activement » dans les conflits armés. Les crimes auraient été commis entre septembre 2002 et août 2003 dans la province de l’Ituri en RDC. M. Lubanga a nié les accusations et, en lieu et place, a accusé les intermédiaires du BdP d’avoir soudoyé et coaché des gens pour témoigner contre lui.

Dans sa dernière déposition, M. Moreno-Ocampo a soutenu qu’après avoir imposé la suspension et a ordonné qu’aucune autre observation ne seraient reçue, les juges ont précisé que cette ordonnance n’interdisait pas aux parties au procès de faire des dépositions qui avaient un rapport direct avec la suspension.