Rapports du proces

1 Septembre 2010

Selon un avocat, la remise en liberté de Lubanga signifierait un déni de justice pour les victimes

Par Wairagala Wakabi

Un avocat qui représente un groupe de victimes participant au procès de Thomas Lubanga a déclaré que les victimes sont préoccupées par les conséquences négatives qui pourraient découler de la décision de remise en liberté de l’ex chef rebelle congolais.

Dans ses observations aux juges d’appel, Luc Walleyn a déclaré que si la suspension du procès était confirmée, non seulement les crimes de guerre commis dans la province de l’Ituri au Congo resteraient impunis, mais il n’aurait également pas de jugement en ce qui concerne les crimes.

« Après quatre années de participation à la procédure, les victimes n’auraient jamais l’occasion d’exposer les dommages qu’elles ont subis, et leurs demandes d’indemnisation ne seraient pas suivies d’effet », a déclaré le procureur.

En outre, a-t-il ajouté, M. Lubanga perdrait l’occasion de convaincre le tribunal, l’opinion publique et les victimes, de son innocence puisqu’un débat de fond sur les accusations n’aurait jamais lieu. « Aux yeux des victimes, tout semble en contradiction avec les objectifs de la création de la CPI », a ajouté M. Walleyn dans sa déposition du 23 août 2010.

 Paolina Massidda, le Conseil Principal de l’Office du conseil public pour les victimes à la Cour pénale internationale (CPI), a fait valoir dans une déposition séparée à la Chambre d’appel que la remise en liberté de M. Lubanga pourrait « aujourd’hui plus que jamais mettre sérieusement en danger la sécurité des victimes et des témoins impliqués dans l’affaire. » Quelques 103 victimes participent au procès.

Le 14 juillet 2010, les juges de la CPI ont ordonné la remise en liberté de M. Lubanga – la première personne à être jugée par le tribunal mondial depuis sa création en 2002 – suite à une suspension du procès, une semaine plus tôt. Les juges ont dit que la remise en liberté était inévitable car on ne savait pas si le procès allait reprendre dans un proche avenir.

Toutefois, le procureur de la CPI Luis Moreno-Ocampo a interjeté appel de la suspension du procès et de la décision de remise en liberté de M. Lubanga, qui est accusé de conscription, d’enrôlement et utilisation d’enfants soldats dans des conflits armés. Les procureurs affirment que les crimes ont été commis en 2002 et 2003, alors que selon eux il dirigeait l’Union des patriotes congolais (UPC) et ses milices armées.

Dans sa déposition à l’appui des appels de l’accusation, M. Walleyn a souligné que le Statut de Rome, qui fonde la CPI, a fondamentalement changé la justice internationale en prévoyant non seulement la participation des victimes aux procédures, mais aussi la possibilité pour eux d’obtenir réparation. Les victimes se sont donc appuyées sur la CPI, en cherchant à participer à la procédure et, dans certains cas « en prenant des risques considérables en témoignant à charge. » Trois victimes ont témoigné lors du procès qui a débuté le 26 janvier 2009.

« Depuis plus de quatre ans, ces victimes ont vécu dans une situation d’incertitude et d’insécurité. Certains ont été menacés et agressés physiquement en raison de leur participation au procès », a soutenu M. Walleyn. Il a ajouté que certaines des victimes n’ont pas été intégrées dans le programme de protection de la cour, et que la perspective de la libération de M. Lubanga avait soulevé des préoccupations concernant les actes de vengeance car il connaît leur identité et leur adresse.

Les procureurs et la défense de M. Lubanga étaient censés avoir répondu aux observations des victimes à la fin de la semaine dernière. Cela aurait alors permis aux juges d’appel de fixer les prochaines étapes de l’appel. Les procureurs ont proposé des auditions, mais les juges ne se sont pas encore prononcés sur la demande.

Selon M. Walleyn, la libération de M. Lubanga a été ordonnée non pas parce qu’il avait passé beaucoup de temps en détention – il est en détention à la CPI depuis mars 2006 – mais parce qu’on avait ordonné une suspension du procès. Il a fait valoir qu’il serait donc inapproprié pour la Chambre d’appel de statuer sur sa remise en liberté sans se prononcer sur l’ordre de suspension de la procédure.

La Chambre de première instance présidée par le juge Adrian Fulford a ordonné la suspension du procès suite au refus des procureurs de divulguer à la défense l’identité de l’intermédiaire qui a aidé à identifier les témoins à charge. L’accusation a alors déclaré que la sécurité de cette personne serait en danger si son identité était immédiatement divulguée avant que des mesures de protection ne soient mises en place.

Selon M. Walleyn, les victimes croyaient que la suspension inconditionnelle du procès ordonnée par les juges de première instance était « disproportionnée, prématurée et injustifiée. »

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