- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Selon les avocats de la défense, la suspension du procès de Lubanga à la CPI était inévitable

Les avocats de l’accusé de crime de guerre, Thomas Lubanga ont demandé à la Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) de rejeter un recours contre la suspension du procès, en indiquant que le procureur avait refusé d’appliquer des directives des juges de première instance.

« La suspension du procès ordonnée par la chambre, loin d’être injustifiée ou excessive, semble être la conséquence logique et inévitable du comportement inacceptable du procureur dans cette affaire » a déclaré l’avocat principal de la défense Catherine Mabille le 9 août dans une déposition écrite.

L’accusation a interjeté appel de la suspension du procès ordonnée le 8 juillet 2010 par la Chambre de première instance présidée par le juge Adrian Fulford, en faisant valoir qu’elle était excessive et erronée. Le juges de première instance ont suspendu le procès après que le Bureau du Procureur (BdP) a omis de révéler à la défense l’identité d’un individu connu sous le nom d’’intermédiaire 143’, qui a aidé les enquêteurs de l’accusation à identifier des gens susceptibles de témoigner contre M. Lubanga.

Le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, a le 30 juillet, 2010 déclaré dans une déposition écrite que les juges de première instance auraient dû envisager de sanctionner les procureurs plutôt que d’ordonner un arrêt des procédures. L’accusation interjeté appel de la suspension du procès et de la décision de remise en liberté de M. Lubanga rendue le 15 juillet 2010.

Mme Mabille a dit qu’il était inadmissible que l’exécution d’une ordonnance du tribunal doive dépendre du fait de savoir si le procureur la considère comme compatible avec ses droits et obligations. Elle a ajouté que la Chambre de première instance a donc eu raison de suspendre le procès, étant donné que le procureur avait refusé d’obéir à la décision de remise en liberté et indiqué qu’il n’appliquerait pas de directives futures si, à son avis, elles étaient en contradiction avec son interprétation des obligations de l’accusation.

Selon la défense, le seul droit procédural que le procureur avait de contester les ordonnances de divulgation était de faire appel contre l’ordonnance de divulgation, « mais cet appel [ce droit] n’a pas été utilisé. »

L’accusation n’a pas interjeté appel contre les décisions de divulgation, comme elle se dit maintenant prête à le faire. Au moment où les décisions ont été rendues, les procureurs ont soutenu que si l’identité de l’’intermédiaire 143’ était révélée à la défense de M. Lubanga, avant la mise en place de mesures de protection de l’intermédiaire, sa sécurité serait en danger.

L’accusation a demandé qu’il lui soit donné un peu de temps pour mettre en place ces mesures de  protection, mais les juges ont décidé que la révélation de l’identité de l’intermédiaire à la défense de M. Lubanga, y compris aux agents de la défense en République démocratique du Congo (RDC), ne poserait pas de risque pour la sécurité de cette personne.

La défense soutient que l’utilisation de « tactiques dilatoires » par le procureur pour régler la question des décisions de divulgation équivalait à une expression sans équivoque de son refus de se conformer aux décisions. Un jour avant la suspension de la procédure, la défense a déclaré qu’elle ne pourrait pas procéder au contre-interrogatoire de l’’intermédiaire 321’ qui était en train de témoigner, tant qu’elle ignorerait l’identité de l’’intermédiaire 143’.

Dans sa requête du 9 août, Mme Mabille a fait valoir que la révélation de l’identité de l’’intermédiaire 143’ était essentielle à la tenue d’un procès équitable étant donné que cette personne, ainsi que d’autres intermédiaires désignés à la Cour par les numéros 321 et 316, et certains employés anonymes du BdP, auraient participé à la falsification de preuves.

La défense a indiqué qu’il lui fallait connaître l’identité de cette personne pour interroger les deux autres intermédiaires et d’autres membres du personnel du BdP qui avaient été appelés à témoigner, et pour « évaluer ses rapports éventuels avec d’autres acteurs dans cette procédure frauduleuse. »

M. Lubanga qui, selon les procureurs a été le fondateur de l’Union des patriotes congolais (UPC), est accusé de conscription, d’enrôlement et l’utilisation d’enfants soldats dans un conflit armé au cours des années 2002 et 2003. Les procureurs de la CPI l’accusent également d’avoir été le commandant en chef des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), groupe armé allié à l’UPC qui utilisé des enfants soldats dans les combats interethniques au Congo.

La Chambre d’appel n’a pas encore indiqué si elle va donner droit à une requête de M. Moreno-Ocampo en faveur d’une audition de l’appel. Le procès de M. Lubanga a commencé en janvier l’année dernière alors qu’il avait été en détention à la CPI depuis mars 2006.