Résumé hebdomadaire

10 Juillet 2010

Suspension du procès de Lubanga à la CPI alors que les juges lancent un avertissement aux procureurs

Par Wairagala Wakabi

Cette semaine a vu la suspension du procès pour crimes de guerre de Thomas Lubanga par les juges qui ont indiqué qu’ils allaient adresser un avertissement pour vice de procédure à de hauts responsables du Bureau du Procureur (BdP).

Jeudi, les juges à la Cour pénale internationale (CPI) ont arrêté le procès de l’ex-chef rebelle congolais, pour cause de vice de procédure. Les juges ont également déclaré qu’ils se proposent d’envoyer un avertissement formel à des hauts responsables du BdP « pour refus délibéré de mettre en œuvre nos ordres explicites ».

Lorsque le juge président Adrian Fulford a demandé au procureur adjoint Fatou Bensouda à qui l’avertissement doit être adressé, elle a dit qu’il devra être adressé à elle-même et au Procureur de la CPI Luis Moreno-Ocampo.

Selon les juges, la cause immédiate de la suspension du procès a été « le refus sans équivoque de l’accusation de mettre en œuvre les ordres maintes fois réitérés » des juges concernant la divulgation de l’identité de ‘l’intermédiaire 143’ à la défense.

L’individu dénommé ‘intermédiaire 143’ a travaillé comme agent des enquêteurs de la Division des poursuites en République démocratique du Congo (RDC) chargé d’identifier les personnes qui ont témoigné contre M. Lubanga. Hésitant à se conformer aux ordonnances des juges, le personnel de la Division des poursuites a hier fait valoir que révéler l’identité du ‘l’intermédiaire 143’ avant la mise en place de mesures de protection pour lui aurait mis sa vie en danger.

« Les éléments de preuve qui sont apparu montrent qu’à Bunia, le risque d’être tué existe, ou que l’on peut être tué si la communauté Hema vous considère comme un traître, et que les personnes qui témoignent contre Lubanga ou qui aident ceux qui témoignent contre Lubanga sont considérés comme des traîtres », voila ce qu’a déclaré aux juges mercredi Sara Criscitelli, coordonnatrice des poursuites.

Toutefois, le même jour les juges ont par deux fois statué qu’ils n’avaient pas de raison de croire que ‘l’intermédiaire 143’ serait en danger si son identité était révélée à l’équipe de défense, y compris leur ‘personne-ressource’ basée au Congo, et à personne d’autre.

Selon l’accusation, l’intermédiaire devait être déplacé et d’autres mesures de protection devaient être mises en place pour lui avant qu’il soit sûr de révéler son nom, même aux quelques personnes désignées par les juges.

« Il est du devoir du Bureau du Procureur, et aussi de la Cour, de protéger les personnes qui peuvent être en danger en raison de leur interaction avec la Cour, et il s’agit d’un devoir fondamental et absolu de protection », a soutenu Criscitelli. « Il n’a pas de choix à faire ici. Il ne s’agit pas de quelque chose qui peut être mis en balance avec d’autres facteurs. »

En annonçant la suspension du procès jeudi, le juge Fulford a déclaré que l’accusation avait refusé d’obéir à l’ordre émis par des juges.

Il a ajouté que le 15 juillet 2010, la Cour allait entendre les arguments concernant le maintien en détention de M. Lubanga, qui se poursuit à La Haye par la CPI depuis mars 2006. Selon lui, les juges étaient prêts à recevoir une demande des procureurs pour interjeter appel de la décision de suspension du procès.

Dans le cas contraire, a indiqué le juge Fulford, on arrêtait la procédure contre M. Lubanga dans sa totalité. « Il n’y aura plus ni dépôt de dossier, ni plaidoirie, ni requête concernant des questions autres que celles que je viens d’indiquer », a déclaré le juge Fulford, se référant à la volonté des juges de recevoir une demande d’autorisation d’appel et concernant le maintien en détention de M. Lubanga.

« Cela signifie que le délégué de la Cour actuellement en RDC devra revenir. Nous n’avons pas l’intention d’entendre d’autres témoignages. Nous présentons nos excuses au Témoin 38 pour le désagrément que nous avons pu lui causer, ainsi qu’aux autres témoins dont nous avions l’intention d’entendre le témoignage par le biais d’un lien vidéo », a déclaré le juge Fulford. 

M. Lubanga, qui selon les procureurs a été le fondateur de l’Union des patriotes congolais (UPC), est accusé d’enrôlement, conscription et utilisation d’enfants soldats dans les conflits armés en 2002 et 2003. Les procureurs de la CPI accusent également M. Lubanga d’avoir été  le commandant en chef des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), groupe armé allié à l’UPC qui a utilisé des enfants soldats dans des combats interethniques au Congo.

Le procès de M. Lubanga a commencé le 26 janvier 2009, et l’accusation a conclu son plaidoyer le 14 juillet 2009. La défense a commencé son plaidoyer le 29 janvier de cette année avec du retard car les juges examinaient une demande des représentants des victimes participant au procès, qui voulaient que les traitements inhumains et les crimes sexuels soient ajoutés au dossier d’accusation de Thomas Lubanga.

La défense de M. Lubanga a affirmé que les intermédiaires de l’accusation ont soudoyé et coaché des témoins pour qu’ils fassent un faux témoignage devant la Cour. Cette situation a incité les juges à ordonner aux procureurs de faire comparaître deux intermédiaires pour qu’ils témoignent, et divulguent l’identité de ‘l’intermédiaire 143’. Trois enquêteurs de l’accusation ont également reçu l’ordre de comparaître à la barre des témoins bien qu’aucun n’ait encore comparu.  

La défense de M. Lubanga a indiqué ces derniers jours qu’elle était sur le point de déposer une demande pour que les juges envisagent de classer sans suite le procès contre M. Lubanga, en raison de l’abus de procédure perpétué par les intermédiaires.

Jeudi, dans leur décision écrite, les juges ont déclaré qu’ils étaient en ce moment-là en train d’entendre de témoignages sur l’allégation que l’accusation a sciemment employé ou utilisé des intermédiaires qui ont influencé les individus et leur ont fait faire un faux témoignage,  abusant ainsi de ses pouvoirs. « Le fait de ne pas divulguer des informations qui sont pertinentes pour l’examen des témoins appelés à déposer dans ce contexte peut être pertinent pour la demande de [la] défense concernant le vice [de procédure] », ont déclaré les juges Adrian Fulford, Elizabeth Odio Benito, et René Blattmann.

Les juges ont déclaré que l’accusation avait refusé d’être contrôlée par les juges. Dans ces circonstances, il était nécessaire de surseoir à statuer pour raison d’abus de la procédure de la cour à cause du non-respect flagrant des ordonnances du juge du 7 juillet 2010 relatives à la divulgation de l’identité de ‘l’intermédiaire 143’.

« Tant que ces conditions resteront les mêmes, le procès équitable de l’accusé ne sera plus possible, et la justice ne pourra pas être rendue, notamment parce que les juges auront perdu le contrôle d’un aspect important du procès tel que prévu dans le cadre du Statut de Rome », ont déclaré les juges.

Mardi, la défense a déclaré qu’elle ne pourrait pas poursuivre le contre-interrogatoire de ‘l’intermédiaire 321’ si elle ne connaissait pas l’identité de ‘l’intermédiaire 143’.

Jeudi prochain, les juges entendront les arguments concernant la possibilité de relaxer M. Lubanga.

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1 Comment

  1. La suspension du procès contre Thomas Lubanga par les juges c’est la victoire du droit sur la politique. Les juges ont pleinement raison de suspendre ce procès dans lequel la justice se trouve être pris en otage par le procureur.

    Commentaire par Dhetchuvi Matchu Jean-Baptiste — 15 Juillet 2010 @ 13:44