- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Les juges sursoient à statuer au procès de Lubanga à la CPI

Les juges à la Cour pénale internationale (CPI) ont aujourd’hui arrêté les travaux au procès pour crimes de guerre de l’ancien chef rebelle congolais Thomas Lubanga, en se fondant sur un vice de procédure de la Cour.

Selon eux, la cause immédiate de la suspension de la procédure est « le refus sans équivoque de l’accusation de mettre en œuvre l’ordre maintes fois réitéré » des juges de divulguer l’identité de ‘l’intermédiaire 143’ à la défense.

L’individu désigné sous le nom ‘d’intermédiaire 143’ a travaillé comme agent des enquêteurs de l’accusation en République démocratique du Congo (RDC) à identifier des personnes qui ont témoigné contre M. Lubanga. En hésitant à se conformer aux ordonnances des juges, le personnel de l’accusation a hier fait valoir que la révélation de l’identité de ‘l’intermédiaire 143’ avant la mise en place de mesures de protection pour lui aurait mis sa vie en danger.

Le juge président Adrian Fulford a aujourd’hui déclaré que le 15 juillet 2010, le tribunal allait entendre les arguments concernant le maintien en détention de M. Lubanga, qui a lieu à La Haye par la CPI depuis mars 2006. Il a ajouté que les juges étaient prêts à recevoir une demande de procureurs pour interjeter appel de la décision de suspension de la procédure.

Dans le cas contraire, a indiqué le juge Fulford, on arrête la procédure contre M. Lubanga dans sa totalité. « Il n’y aura plus ni dépôt de dossier, ni plaidoirie, ni requête concernant des questions autres que celles que je viens d’indiquer », a déclaré le juge Fulford, se référant à la volonté des juges de recevoir une demande d’autorisation d’appel et concernant le maintien en détention de M. Lubanga.

« Cela signifie que le délégué de la cour actuellement en République démocratique du Congo devra revenir. Nous n’avons pas l’intention d’entendre d’autres témoignages. Nous présentons nos excuses au Témoin 38 pour le désagrément que nous avons pu lui causer, ainsi qu’aux autres témoins dont nous avions l’intention d’entendre le témoignage par le biais d’un lien vidéo », a déclaré le juge Fulford.

M. Lubanga, qui selon les procureurs a été le fondateur de l’Union des patriotes congolais (UPC), est accusé d’enrôlement, conscription et utilisation d’enfants soldats dans les conflits armés en 2002 et 2003. Les procureurs de la CPI accusent également M. Lubanga d’avoir été  le commandant en chef des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), groupe armé allié à l’UPC qui a utilisé des enfants soldats dans des combats interethniques au Congo.

Le procès de M. Lubanga a commencé le 26 janvier 2009, et l’accusation a conclu son plaidoyer le 14 juillet 2009. La défense a commencé son plaidoyer le 29 janvier de cette année avec du retard car les juges examinaient une demande des représentants des victimes participant au procès, qui voulaient que les traitements inhumains et les crimes sexuels soient ajoutés au dossier d’accusation de Thomas Lubanga.

La défense de M. Lubanga a affirmé que les intermédiaires de l’accusation ont soudoyé et coaché des témoins pour qu’ils fassent un faux témoignage devant la Cour. Cette situation a incité les juges à ordonner aux procureurs de faire comparaître deux intermédiaires pour qu’ils témoignent, et divulguent l’identité de ‘l’intermédiaire 143’. Trois enquêteurs de l’accusation ont également reçu l’ordre de comparaître à la barre des témoins bien qu’aucun n’ait encore comparu.  

La défense de M. Lubanga a indiqué ces derniers jours qu’elle était sur le point de déposer une demande pour que les juges envisagent de classer sans suite le procès contre M. Lubanga, en raison de l’abus de procédure perpétué par les intermédiaires.

Dans leur décision écrite, les juges ont déclaré qu’ils étaient en ce moment-là en train d’entendre de témoignages sur l’allégation que l’accusation a sciemment employé ou utilisé des intermédiaires qui ont influencé les individus et leur a fait faire un faux témoignage,  abusant ainsi de ses pouvoirs. « Le fait de ne pas divulguer des informations qui sont pertinentes pour l’examen des témoins appelés à déposer dans ce contexte peut être pertinent pour la demande de [la] défense concernant le vice [de procédure] », ont déclaré les juges Adrian Fulford, Elizabeth Odio Benito, et René Blattmann.

Les juges ont déclaré que l’accusation avait refusé d’être contrôlée par les juges. Dans ces circonstances, il était nécessaire de surseoir à statuer pour raison d’abus de la procédure de la cour à cause du non-respect flagrant des ordonnances du juge du 7 juillet 2010 relatives à la divulgation de l’identité de ‘l’intermédiaire 143’.

« Tant que ces conditions resteront les mêmes, le procès équitable de l’accusé ne sera plus possible, et la justice ne pourra pas être rendue, notamment parce que les juges auront perdu le contrôle d’un aspect important du procès tel que prévu dans le cadre du Statut de Rome », ont déclaré les juges.

La semaine prochaine, le 15 juillet les juges vont entendre des arguments concernant la relaxe de M. Lubanga.