Rapports quotidiens

7 Juillet 2010

Blocage au procès de Lubanga alors que les procureurs se battent pour garder secrète l’identité de leur homme

Par Wairagala Wakabi

Le procès de Thomas Lubanga s’est aujourd’hui bloqué lorsque les procureurs ont vivement plaidé pour que les juges de la Cour pénale internationale (CPI) reconsidèrent leur ordre de divulgation de l’identité d’un intermédiaire de poursuites.

L’argument des procureurs était que si l’identité de ‘l’intermédiaire 143’ était révélée à la défense de M. Lubanga avant la mise en place de mesures de protection pour l’intermédiaire, sa sécurité serait en danger. La réticence de l’accusation à mettre en œuvre l’ordonnance que les juges ont délivrée hier a bloqué l’audience d’aujourd’hui, et le témoin qui devait poursuivre sa déposition, a passé toute la journée dans la salle d’attente.

Les juges Adrian Fulford, Elizabeth Odio Benito, et René Blattmann, ont rejeté les appels répétés de l’accusation et renouvelé en fin de journée l’ordonnance que l’identité de ‘l’intermédiaire 143’ soit révélée à l’équipe de défense, y compris une ‘personne ressource de la défense’ qui est basée en République démocratique du Congo (RDC).

Au début des travaux de la journée, le juge Fulford a souligné que l’accusation n’avait pas respecté l’ordonnance rendue hier et comptait faire appel de l’ordonnance. La défense avait indiqué depuis hier qu’elle ne pouvait pas procéder au contre-interrogatoire de ‘l’intermédiaire 321’ qui est actuellement en train de faire sa déposition si elle ne connaissait pas l’identité de ‘l’intermédiaire 143’.

Selon l’avocat de la défense Jean-Marie Biju-Duval : « Ici, la Chambre de première instance n’est pas en train de recueillir des informations d’un témoin factuel. En entendant ce témoignage, la Chambre de première instance tente plutôt de déterminer si ‘l’intermédiaire 321’ a eu ou a fait montre d’une forme inappropriée de comportement et il appartient à la chambre de vérifier s’il y a une probabilité sérieuse que ‘321’ a menti et incité les gens à mentir. »

Selon la déposition de certains témoins de la défense, certains intermédiaires des enquêteurs de l’accusation ont incité des témoins à mentir à la cour. Les intermédiaires désignés par les numéros 321 et 143 sont parmi ceux qui ont été désignés comme ayant soudoyé ou coaché des témoins pour leur faire dire qu’ils étaient d’anciens enfants soldats dans l’Union des patriotes congolais (UPC), groupe dont M. Lubanga aurait été le chef.

M. Lubanga est accusé d’avoir recruté, enrôlé et utilisé des enfants soldats dans les conflits armés en RDC entre 2002 et 2003.

A cause du témoignage incriminant qui est associé à la conduite de ces intermédiaires, les juges ont ordonné que le Bureau du Procureur (BdP) fasse comparaître les intermédiaires et les enquêteurs avec qui il a travaillé. Mais hier, les procureurs ont indiqué que même si ‘l’intermédiaire 143’ avait déjà consenti à témoigner, il avait depuis lors demandé que lui soit remis un document décrivant les mesures de protection que la Cour allait lui offrir avant qu’il n’accepte de faire une déposition.

Aujourd’hui, les juges ont rappelé que le 12 mai 2010, ils ont décidé que pour permettre à la défense de mener les enquêtes nécessaires et utiles, et pour assurer à l’accusé un procès équitable, il était absolument nécessaire que l’identité de ‘l’intermédiaire 143’ soit divulguée.

En conséquence, les juges ont rejeté un recours des procureurs de suspendre l’ordonnance de divulgation à la défense de l’identité de ‘l’intermédiaire 143’ en attendant un appel proposé par le BdP. Ils ont ordonné au BdP de procéder à la divulgation et ont donné à la défense jusqu’à l’après-midi pour se préparer à l’interrogatoire du témoin actuel, sur la base de cette divulgation.

Dans l’après-midi, Sara Criscitelli, coordonnatrice des poursuites, s’est présentée et a dit aux juges que le BdP trouvait difficile de divulguer l’identité de l’intermédiaire. Elle a expliqué que si l’identité de l’intermédiaire était divulguée, il risquerait d’être tué par des membres de l’ethnie hema à Bunia, dans l’est du Congo, qui le considèreraient comme un traître. La plupart des partisans de l’UPC sont du groupe hema.

Toutefois, les juges ont estimé qu’ils n’avaient pas de raison de croire que ‘l’intermédiaire 143’  serait en danger si son identité était révélée à l’équipe de défense.

« La divulgation limitée que nous avons ordonné a pour résultat de garantir qu’il n’y a pas de dégradation de la situation sécuritaire de cette personne », a déclaré le juge Fulford. Il a ordonné que seul M. Lubanga, son équipe de défense à La Haye, et la personne-ressource au Congo devraient avoir accès à l’information divulguée. En outre, ils ne devaient pas révéler ou utiliser cette information à des fins autres que l’interrogatoire devant le tribunal.

Demain, la défense poursuit le contre-interrogatoire de ‘l’intermédiaire 321’.

Mots clés: , , , , , ,