- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

La défense de Lubanga étudie minutieusement la question des paiements aux intermédiaires

La défense de Thomas Lubanga a aujourd’hui examiné divers paiements effectués par le Bureau du Procureur (BdP) à des intermédiaires basés au Congo qui ont contribué à mettre les enquêteurs de l’accusation en contact avec les témoins. Parmi les dossiers financiers examinés durant l’audience d’aujourd’hui figuraient ceux qui se rapportent à ‘l’intermédiaire 143’.

Selon les témoignages de plusieurs témoins de la défense, ‘l’intermédiaire 143’ aurait soudoyé et coaché des témoins à charge, en particulier ceux qui ont déclaré à la Cour qu’ils étaient d’anciens enfants soldats de l’Union des Patriotes Congolais (UPC). Cet intermédiaire doit comparaître à la barre des témoins pour répondre aux allégations selon lesquelles il falsifié des preuves contre M. Lubanga.

Au cours du témoignage d’un coordonnateur de liaison sur le terrain du BdP en République démocratique du Congo (RDC), le principal avocat de la défense Catherine Mabille a posé des questions sur diverses sommes que le témoin a versées à quatre intermédiaires.

Le témoin a expliqué que la plupart de ces paiements étaient destinés aux frais de transport, de séjour et de communication des intermédiaires. Dans certains cas, le loyer a été payé pour les intermédiaires lors qu’on les déplaçait pour raison de sécurité.

Au cours de son troisième jour de témoignage, le témoin a expliqué que des enquêteurs du BdP basés en RDC et à La Haye allaient le contacter pour effectuer des paiements à des intermédiaires. «Je peux connaître ou ne pas connaître la destinations des sommes versées », a-t-il dit.

Mme Mabille a interrogé le témoin au sujet des paiements à des intermédiaires qui ont été identifiés comme étant ‘M. X’, ‘M. Y’, ‘M. Z’, et ‘l’intermédiaire 143’. Trois d’entre eux ont présenté d’anciens enfants soldats au témoin, qui les a sélectionnés et les a remis aux enquêteurs pour des entrevues en profondeur. La plupart de ces enfants sont ensuite devenus des témoins de l’accusation.

M. Lubanga est jugé à la Cour Pénale Internationale (CPI) pour conscription, enrôlement et utilisation d’enfants soldats dans un conflit armé en RDC alors que, selon l’accusation, il dirigeait l’UPC.

«Tous les gens qui travaillent en tant qu’intermédiaires pour le BdP sont payés selon les différentes tâches qu’ils effectuent », a-t-il expliqué. «Il y a un papier, un dossier qui est préparé par les enquêteurs au siège. Ce sont eux qui assurent le suivi des tâches sur le terrain et préparent un document indiquant le nombre de jours de travail que les intermédiaires ont effectués sur le terrain, et c’est sur cette base que le paiement est effectué. »
Le témoin a indiqué qu’il connait l’intermédiaire 143’ depuis environ 2007.

« Diriez-vous que ‘l’intermédiaire 143’ travaille toujours comme intermédiaire pour le BdP ? », a demandé Mme Mabille.

« À ma connaissance, oui », répondit le témoin. « On ne m’a pas informé que ‘l’intermédiaire 143’ n’est plus un intermédiaire. »

Toutes les questions suivantes au sujet de ‘l’intermédiaire 143’ et des témoins qu’il a présenté au BdP ont été posées au témoin à huis clos.

Le témoin a raconté qu’en janvier 2008, il a fourni des fonds pour le déplacement vers un autre lieu de l’intermédiaire dénommé ‘M. X’. Selon les reçus auxquels a fait allusion Mme Mabille, en décembre de cette année cet intermédiaire a reçu plus d’argent et a établi une  décharge pour cet argent. Le témoin a déclaré que cet argent a été donné à ‘M. X’ par un enquêteur en début d’année, mais que l’intermédiaire n’a pas établi de décharge.

Le témoin a également dit que, en avril 2009, cet intermédiaire a informé le BdP qu’il avait regagné son domicile car il n’était plus menacé. On lui a remboursé l’argent qu’il avait utilisé pour retourner à son foyer d’origine.

Entretemps, le témoin a raconté à la cour que ‘M. Y’ a travaillé pour une organisation non gouvernementale et qu’à un certain moment il a dû être transféré de la ville de Bunia dans l’est du Congo en raison de problèmes de sécurité. Cet intermédiaire a introduit un nombre indéterminé de témoins du BdP, a-t-il ajouté. Après son déménagement de Bunia, le BdP a payé les factures d’hôtel et de séjour de cet intermédiaire à partir de 2008 jusqu’à ce qu’il soit inclus dans le programme Unité d’aide aux Victimes et aux Témoins de la CPI plus tôt cette année.

D’autres reçus sur lesquels Mme Mabille a interrogé le témoin avaient trait à ‘M. Z’ dont les frais de transport, d’hôtel et de communication ont été payés par le BdP. Selon le témoin, M. Z avait pour tâche d’aller chercher deux témoins qui n’étaient pas d’anciens enfants soldats.

Le témoin a dit que tout l’argent qu’il a donné à des intermédiaires et aux personnes qu’ils ont présenté au BdP a fait l’objet d’une décharge et les reçus ont été soumis au siège de la CPI.

Demain la défense continue le contre-interrogatoire de l’agent du BdP.