- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

L’enquêteur: Comment nous avons réuni des preuves contre Lubanga

Un enquêteur du Bureau du Procureur (BdP) à la Cour Pénale Internationale a aujourd’hui commencé son témoignage au procès de Thomas Lubanga en expliquant le rôle des intermédiaires dans la collecte de preuves contre M. Lubanga.

Le témoin a également décrit la façon dont des paiements ont été effectués aux témoins et aux intermédiaires des enquêteurs de l’accusation de la Cour.

Le fonctionnaire anonyme, qui a témoigné avec des mesures de protection telles que la déformation de la voix et du visage, a été le premier des trois enquêteurs du BdP à être appelé à la barre des témoins. En outre, trois intermédiaires qui ont joué un rôle dans la constitution des preuves contre M. Lubanga vont également témoigner.

Les enquêteurs et les intermédiaires témoignent sur injonction des juges, qui ont fait remarquer que divers témoins de la défense avaient accusé certains intermédiaires de falsifier des preuves en corrompant et en coachant des témoins.

Selon divers témoins de la défense, beaucoup des témoins coachés ont comparu comme témoins à charge et ont déclaré être d’anciens enfants soldats de l’Union des Patriotes Congolais (UPC). M. Lubanga est jugé à la CPI pour conscription, enrôlement et utilisation d’enfants soldats dans un conflit armé pendant qu’il dirigeait l’UPC.

Le procureur Nicole Samson a demandé aujourd’hui à l’enquêteur, qui est toujours basé en République démocratique du Congo (RDC), s’il lui arrivait parfois de payer des témoins et des intermédiaires. 

Il a répondu que dans le cadre de son activité quotidienne, chaque fois qu’il fallait payer un témoin ou un intermédiaire, il consultait ses supérieurs hiérarchiques à La Haye, et si le paiement était approuvé, il déboursait l’argent.

Mme Samson demandé à l’enquêteur d’expliquer combien il a payé à un intermédiaire dénommé «M. X » au cours d’une opération spéciale. L’enquêteur a répondu que, lorsque M. X a demandé de l’argent pour son transport vers un certain endroit, il a bien vérifié avec des collègues si c’était bien le montant exact nécessaire pour ce voyage. Il a ensuite discuté de la question avec ses supérieurs et une fois le montant approuvé, il a versé l’argent à M. X

« Et lors de cette opération spéciale, avez-vous jamais donné de l’argent à M. X pour autre chose que ces frais de transport? » a demandé Mme Samson, parlant d’une opération dont les détails avaient été discutés à huis clos.
«Non. L’argent versé à M. X au cours de toutes ces opérations a été essentiellement pour son transport pour faire venir les enfants, me les amener, et les remmener », a déclaré le témoin, faisant référence à d’anciens enfants soldats qui ont ensuite témoigné pour l’accusation. Il a dit que tout l’argent donné à M. X, à d’autres intermédiaires et aux témoins, a fait l’objet d’une décharge, avec indication de la date de réception et de l’objet du paiement.

Mme Samson a ensuite demandé à l’enquêteur si à un quelconque moment au cours de cette opération M. X lui a dit qu’il pensait ou savait que l’un des enfants que l’intermédiaire avait rencontrés mentait lors qu’il a dit avoir été un enfant soldat.

Le témoin a déclaré que M. X ne lui a jamais rien dit de la sorte. «S’il m’avait dit une chose pareille, j’aurais réagi immédiatement. J’aurais informé mes supérieurs que cet enfant qui m’a été envoyé, qui a été interrogé, n’avait jamais enfant soldat ou avait menti », a déclaré le témoin.

Le témoin a également nié que M. X connaissait les questions que l’enquêteur posait aux enfants avec qui il s’entretenait.

« M. X n’a jamais vu le questionnaire. Il ne lui était pas destiné et je n’en ai pas discuté avec lui. Les questions étaient pour moi, j’ai rencontré les enfants et je leur ai posé les questions », a déclaré le témoin. Il a ajouté qu’après avoir interrogé les enfants, il ne parlait jamais avec M. X de ce que les enfants avaient dit. Au contraire, à la fin de chaque journée, il envoyait ses notes à ses supérieurs hiérarchiques à La Haye.

Le témoin a déclaré que certains des intermédiaires qui ont travaillé sur l’affaire Lubanga étaient sous la responsabilité directe d’agents administratifs basés au siège de la CPI. Dans le cas de ces intermédiaires, il a consulté les agents avant de leur verser de l’argent.

Entretemps, la défense de M. Lubanga s’est opposée à une demande de l’accusation qui voulait que des mesures de protection soient accordées au témoin d’aujourd’hui lors de sa déposition. Mais le BdP a indiqué que le témoin avait demandé des mesures de protection. En outre, le BdP était très préoccupé par la divulgation de l’identité de l’un de ses membres qui était chargé de la logistique et de l’organisation des entretiens, assurait la liaison avec les témoins et les enquêteurs, et était le facilitateur de la participation de tiers

«Pour que nous puissions être pleinement actifs sur le terrain et pour ne pas inutilement mettre en danger des témoins que cette personne a rencontrés ou les opérations que nous menons sur le terrain, son identité doit être protégée de la divulgation au grand public, », a déclaré Mme Samson.

Les juges ont accédé à la requête, en se basant surtout sur le fait que situation en RDC est encore instable. Mais ils ont averti que la chambre ne voulait pas créer une situation où presque toutes les audiences allaient se tenir à huis clos.

L’enquêteur continue son témoignage demain.