Commentaire Rapports du proces

3 Juin 2010

Voix du people : Kasugho, RDC (Deuxième émission)

Par Wanda Hall

NOTE DES REDACTEURS : Chers lecteurs, voici le quatrième de six numéros d’une série d’interviews de vox-pop avec de citoyens de la République Démocratique du Congo – originaires des communautés les plus affectées par les crimes dont les auteurs font l’objet de poursuites à la CPI. Vous avez ici une transcription anglaise d‘autres interviews effectuées à Kasugho. Vous pouvez trouver des photos sur la vox-pops ainsi que le lien à la version radio (en français) sur le site de la Radio Interactive pour la Justice à :   http://www.irfj.org/2010/04/2-CPI-prosecutor-luis-moreno-ocampo-and-CPI-president-sang-hyun-song. J’espère que vous prendrez du plaisir à lire ou à écouter ces points de vue du peuple sur le travail de la CPI.

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Présentateur : Chers auditeurs, bonjour et bienvenue à cette Vox Pop sur la justice internationale. Cette émission est produite par la radio communautaire Tayna, en collaboration avec la Radio Interactive pour la Justice, et se propose de se concentrer sur vos préoccupations en matière de justice. Plus spécifiquement, nos questions/réponses vont se focaliser sur le fonctionnement de la Cour Pénale Internationale (CPI). Dans ce magazine, on a posé deux questions à divers auditeurs de la Radio Tayna. Leurs réponses nous permettront de savoir quelle est votre compréhension de la justice internationale.  

Pour enrichir vos connaissances sur ce sujet particulier, nous avons sollicité la participation d’experts afin qu’ils vous aident à mieux comprendre la gestion des affaires judiciaires internationales. Vous savez peut-être que la République  Démocratique du Congo, et en particulier sa partie orientale, est depuis longtemps déchirée par des conflits et a servi de terrain de combat principal à des groupes armés. La Cour Pénale Internationale (CPI), a déjà lancé un mandat d’arrêt international contre certains de ces hommes dont quelques-uns ont déjà été attraits devant la justice internationale pour répondre de leurs crimes.

C’est pourquoi nous avons beaucoup de foi en nos questions/réponses sur la justice internationale et nous pensons qu’elles seront d’un grand intérêt pour vous.

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Journaliste : Evaluer le niveau de connaissances de nos auditeurs sur la Cour Pénale Internationale (CPI), c’est ce qui intéressait en premier lieu nos analystes. Pour mener nos enquêtes, nous nous sommes promenés avec notre micro baladeur au sein de la population, en ciblant des milieux divers, non seulement à Kasugho mais aussi à l’université locale, Vosegha, à 8 kilomètres au nord ouest de Kasugho. Ecoutons d’abord les auditeurs interviewés à Kasugho. Avez-vous jamais entendu parler de la Cour Pénale Internationale (CPI) ?

–        1er interviewé : Bien sûr, M. le Journaliste.

–        2ème interviewé : Ce que j’ai à dire c’est que je n’en ai jamais entendu parler.

–        3ème interviewé : Jamais entendu parler. Nous ne faisons pas de politique.

–        4ème interviewé : J’en ai entendu parler. C’est comme la Cour à La Haye, qui punit et sanctionne les criminels.

–        5ème interviewé : J’en ai entendu parler à la radio.

Journaliste : Après Kasugho, nous nous sommes rendus à Vosegha, à 8 kilomètres au nord ouest du village. Là, nous n’avons pas pu nous empêcher de demander à la population si elle avait jamais entendu parler de la Cour Pénale Internationale (CPI). Voici ce qui a été dit :

–        6ème interviewé : Pour ce qui est de la Cour Pénale Internationale (CPI), j’en ai une idée mais je n’en sais pas beaucoup.

Journaliste: Avez-vous jamais entendu parler de la Cour Pénale Internationale (CPI) ?

–        7ème interviewé : Oui, j’en ai souvent entendu parler. Je crois qu’il s’agit de la Cour qui siège à La Haye aux Pays-Bas, et où sont punis les grands criminels internationaux.

–        8ème interviewé : On n’en a jamais entendu parler. Nous, les mamans, on fait pas de politique.

–        9ème interviewé : Mais oui, la Cour Pénale Internationale c’est le Tribunal général qui est responsable des affaires judiciaires au niveau international.

–        10ème interviewé : J’en ai une idée. C’est là où on condamne Jean-Pierre Bemba.

Journaliste : Bonjour, mademoiselle. Avez-vous jamais entendu parler de la Cour Pénale Internationale (CPI) ?

–        11ème interviewé : Bonjour. Non, je ne m’intéresse pas à ces choses, surtout pas à la politique.

Journaliste : Sur la même question, il y a aussi eu la participation des intellectuels. Nous avons établi des contacts avec l’USNDK, une université de Kasugho. Voici comment nous avons approché certains d’entre eux :

–        12ème interviewé : Je sais que c’est une cour internationale qui arrête des gens, mais je ne suis pas assez renseigné sur la question.

–        13ème interviewé : Oui, j’en ai déjà entendu parler, mais je remarque que c’est une cour qui cible les pays les plus pauvres, tels que les états africains qui souffrent beaucoup, alors que les pays européens ont également des dirigeants, des pays occidentaux, qui commettent beaucoup d’erreurs et on ne leur fait rien. C’est regrettable. 

Journaliste : Bonjour, Monsieur. Avez-vous jamais entendu parler de la Cour Pénale Internationale (CPI) ?

–        14ème interviewé: Oui, nous avons entendu parler de la Cour Pénale Internationale, nous avons même entendu parler de « commission » et aussi de la façon dont nous pouvons aider les détenus à la CPI.

–        15ème interviewé : Oui, bien sûr, j’en ai entendu parler. Je sais que la CPI existe. Ce que je sais c’est que la CPI est là pour juger les délinquants et les criminels, comme par exemple Matthieu Ngudjolo, Jean-Pierre Bemba, et d’autres qui sont là-bas.

Journaliste : Comme nous l’avons indiqué plus tôt, nous demandons toujours à des experts d’intervenir dans nos enquêtes, en vue de fournir des détails sur ce qui est dit. C’est dans ce cadre que nous vous invitons à écouter M. Sang-hyun Song, Président et juge de la Cour Pénale Internationale (CPI).

–        La Cour Pénale Internationale est une cour permanente et indépendante, créée par un traité international pour ouvrir des enquêtes et poursuivre des personnes accusées des crimes les plus graves affectant la communauté internationale dans son ensemble, des crimes tels que le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. La CPI ne se substitue pas à la justice nationale, elle ne fait que la compléter. Elle peut procéder à des enquêtes et, le cas échéant, poursuivre et juger des personnes que l’état dont ils sont les ressortissants n’a pas mises en examen parce qu’il n’en a pas la capacité ou le désir. La cour est compétente pour trois crimes: les crimes de guerre, tels que les actes commis sur une grande échelle, en violation des conventions et accords internationaux relatifs aux conflits armés, tels que l’enrôlement d’enfants comme soldats, la torture, les violences sexuelles, etc. ; les crimes contre l’humanité, qui sont des crimes commis à grande échelle contre des populations civiles, y compris par exemple le meurtre, le déplacement forcé des populations, l’esclavage sexuel ou la prostitution forcée ; et le génocide, qui consiste à commettre des actes criminels avec l’intention de détruire un groupe sur la base de la nationalité, la race ou la religion.

Journaliste : Pour ce qui est de la deuxième question, nous avons suivi la même méthode qu’avec la première, c’est à dire jauger le niveau de connaissances des auditeurs en ce qui concerne les autres personnalités contre qui la Cour Pénale Internationale (CPI), a lancé un mandate d’arrêt international, des personnalités autres que Jean-Pierre Bemba, Thomas Lubanga, Germain Katanga, Matthieu Ngudjolo, pour les crimes qu’ils ont commis. Je vous invite donc à suivre l’enquête effectuée au sein de la population de Kasugho. Connaissez-vous d’autres personnes contre lesquels la Cour Pénale Internationale a lancé un mandat d’arrêt?

 –        1er interviewé : Oui, il y a Nkunda, Roger Lumbala et beaucoup d’autres.

–        2ème interviewé : Je dirais que je suis ignorant sur ce sujet.

–        3ème interviewé : Je ne connais pas ces gens, peut-être pourriez-vous m’expliquer. 

Journaliste: Connaissez-vous d’autres personnes contre lesquels la Cour Pénale Internationale (CPI) a lancé un mandat d’arrêt? 

–        4ème interviewé : Oui, à part ces gens, je sais qu’il y a aussi Laurent Nkunda, Joseph Kony, Bosco Ntaganda, et d’autres.

–        5ème interviewé : Je ne les connais pas.

Journaliste: Le village de Vosigha a également été le centre de notre attention dans cette affaire. Ecoutons les interventions de nos auditeurs dont nous avons rencontré certains pendant qu’ils étaient au travail :

–        6ème interviewé : Oui j’en connais quelques-uns, par exemple Laurent Nkunda, Joseph Kony

–        7ème interviewé : Nous ne les connaissons pas.

–        8ème interviewé : Oui il y en a beaucoup, comme le général du CNDP, Laurent Nkunda, qui était dans l’est de la RDC.

Journaliste : Quelles sont les autres personnes contre qui la Cour Pénale Internationale (CPI) a lancé un mandat d’arrêt, à part Jean-Pierre Bemba, Thomas Lubanga, Matthieu Ngudjolo and Omar El Bashir?

–        9ème interviewé : Oui, merci. Pour ce que j’en sais, je pense que tout le monde sait qu’il y a M., M. le General Nkunda, Bosco Ntaganda, autant que je sache.

–        10ème interviewé : Non, je n’en connais pas d’autres.

Journaliste : Il y a des personnalités comme Jean-Pierre Bemba, Thomas Lubanga, Matthieu Ngudjolo, mais aussi Omar Hassan El Bashir, du Soudan, qui ont été arrêtées par la CPI. Connaissez-vous d’autres personnes contre lesquels la CPI a lancé un mandat d’arrêt?

–        11ème interviewé : Je répondrais Laurent Nkunda.

Journaliste : Au cours de nos enquêtes, nous avons posé cette question aux étudiants de l’Université de Kasugho, USNDK, et aussi aux professeurs.

Connaissez-vous d’autres personnes contre lesquels la CPI a lancé un mandat d’arrêt international à part Jean-Pierre Bemba, Matthieu Ngudjolo, Germain Katanga, Thomas Lubanga, et Omar Hassan El Bashir?

–        12ème interviewé : Oui, nous en avons entendu parler, il y en a d’autres contre qui un mandat d’arrêt a été lancé mais ils n’ont pas encore été arrêtés. Il y en a d’autres mais je ne peux pas les nommer maintenant. Cette question est assez sensible pour nous.

–        13ème interviewé : C’est exactement ce qui me préoccupe, il semble que la CPI n’existe que pour les noirs, parce qu’en fait tous ces gens sont des noirs, des africains, en particulier des congolais, et je n’en connais pas d’autres. Je ne pense pas qu’il y ait des occidentaux. C’est ce qui me fait penser que la CPI n’a été créée que pour poursuivre des africains.

–        14ème interviewé : En ce qui concerne le Congo, il y a Bosco Ntaganda, et nous avons entendu dire qu’il y avait un mandat d’arrêt lancé contre lui mais pas encore exécuté par les autorités congolaises. Il y a aussi Laurent Nkunda, qui est actuellement en état d’arrestation au Rwanda mais qui n’est pas poursuivi par l’armée congolaise. Nous avons aussi des dirigeants régionaux, par exemple au Kenya, où la CPI va inculper des gens à la suite des troubles post électoraux.

Luis Moreno Ocampo

Journaliste : Suivons maintenant les explications données par Luis Moreno Ocampo, Procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) : 

–    Outre ces cinq mandats d’arrêt dont je viens de parler, il y a huit autres mandats d’arrêt qui ont été lancés par la Cour. Il s’agit de : Bosco Ntaganda, pour crimes commis en Ituri ; Joseph Kony et quatre autres dirigeants de la LRA, pour crimes commis en Ouganda. Au Darfur, en plus du mandat d’arrêt contre Omar El Beshir, nous poursuivons l’ancien ministre Ahmed Harun ainsi que le dirigeant de la milice Janjaweed, Ali Kushayb, qui sont accusés de crime contre l’humanité et de crimes de guerre.     

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Présentateur : C’était Vox Pop sur la justice internationale, qui vous a donné l’occasion d’écouter et de connaître la compréhension qu’ont vos concitoyens de cette question. Vous avez aussi pu écouter les explications fournies par les autorités compétentes en ce qui concerne toutes les préoccupations que vous avez pu avoir. Nous remercions tous les auditeurs qui ont bien voulu répondre à nos questions, ainsi que les autorités qui ont accepté de contribuer à la production de ce magazine. Permettez-moi de vous rappeler que ce magazine est né du partenariat entre la Radio-TV communautaire Tayna et la Radio Interactive pour la Justice. Vous pouvez suivre ce magazine sur nos fréquences à Kasugho ou à Goma, ainsi que sur internet à  www.irfj.org. Comme vous l’avez deviné, ce magazine vous a été présenté par Jean-Pierre Kasere Kamatumo et la mise en onde est de Trésor Issé. Vous pouvez aussi nous écouter en Swahili, le 22 avril 2010, de 17:10 à 17:30

[Traduction et transcription de Sandrine Gaillot]