- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Procès Lubanga: des questions sur l’identité des enfants soldats

Cette semaine, le point focal du procès de Thomas Lubanga a été la présentation par la défense de plusieurs documents qui, selon elle, montrent qu’au moins sept des témoins de l’accusation qui ont prétendu avoir été des enfants soldats ont menti sur leur identité. Les documents comprenaient notamment des dossiers scolaires et des listes d’élèves en provenance des établissements que des témoins de l’accusation ont dit avoir fréquentés avant leur enrôlement dans l’Union des Patriotes Congolais (UPC).

Selon les avocats de la défense, des documents probants montrent que les témoins n’ont jamais fréquenté ces établissements, ce qui met en doute la crédibilité de leur témoignage. M. Lubanga est accusé de conscription, enrôlement et utilisation d’enfants de moins de quinze ans dans un conflit armé en République Démocratique du Congo au cours des années 2002 et 2003.

Neuf témoins de l’accusation ont affirmé qu’ils étaient d’anciens enfants soldats de l’UPC. La plupart d’entre eux ont raconté la façon dont ils ont été enrôlés, les traitements inhumains qu’ils ont subis dans les camps de l’UPC, et les combats auxquels les commandants de la milice les ont forcés à prendre part.

Cependant, la défense a récusé ces témoins, en affirmant que le témoignage de ses propres témoins allait montrer que six des témoins de l’accusation n’ont jamais été enfants soldats, le septième a menti sur son âge et les conditions de son enrôlement, et le huitième n’a jamais appartenu à l’UPC.

Cette semaine, les procureurs ont aussi révélé qu’un témoin, qui a fini sa déposition ce lundi, a demandé au Bureau du Procureur (BdP) de l’aider à payer sa dot. L’avocat de l’accusation Nicole Samson a indiqué que le témoin qui a demandé de l’aide pour payer sa dot est un ancien témoin de l’accusation qui n’a pas pu témoigner en avril l’an dernier Il a été appelé à la barre la semaine passée sur injonction de la défense.

Ce témoin, connu sous le nom de ‘Témoin 297’, a raconté à la cour qu’il a été enlevé de l’école par des soldats de l’UPC sous le commandement de Floribert Kisembo, l’homme qui selon les procureurs de la Cour Pénale Internationale (CPI) aurait été chef d’état major de l’UPC. Le témoin, qui a déclaré être un ancien enfant soldat, a raconté qu’il a plus tard servi de garde du corps à M. Kisembo, et a pris part à divers combats.

Mardi, le juge Adrian Fulford a indiqué qu’il a été révélé que le témoin a, en avril 2009, dit à un enquêteur du BdP qu’il espérait recevoir une aide de la cour concernant le paiement de sa dot. « Il nous semble que ceci pourrait être interprété comme signifiant qu’un témoignage devant cette cour pourrait avoir un intérêt financier quelque peu bizarre », a dit le juge. Il a ajouté que les juges pensaient que l’accusation aurait du révéler cette information à la défense, qui aurait alors pu interroger le témoin sur cette requête.

Le juge Fulford a demandé à l’accusation de faire savoir à la cour dans les prochains jours si les témoins de l’accusation ont d’une façon similaire manifesté un quelconque intérêt pour un don pécuniaire venant de la cour outre les frais de subsistance qui accompagnent les mesures de protection ou qui leur sont versés lorsqu’ils se rendent à La Haye pour témoigner.

Au cours du contre-interrogatoire du ‘Témoin 297’, ce dernier a admis qu’il y avait une contradiction entre son témoignage devant la cour et les déclarations qu’il a faites aux procureurs en 2008.

L’avocat de la défense Jean-Marie Biju-Duval a lu plusieurs paragraphes de la déclaration faite par le témoin aux enquêteurs du BdP, puis lui a demandé d’expliquer pourquoi dans cette déclaration il a dit que son commandant dans un camp appelé Dele était M. Kisembo, alors que devant la cour il a dit que c’était Bosco Ntaganda.

Le témoin a répondu qu’en fait c’est M. Ntaganda qui était son chef, mais qu’il avait eu peur de dire la vérité aux enquêteurs. « J’ai entendu à la radio qu’on essayait d’arrêter Bosco [Ntaganda]. C’est pourquoi, au lieu de Bosco, j’ai donné le nom de Kisembo. Je n’avais pas entendu qu’on essayait d’arrêter Kisembo à cette époque », a ajouté le témoin. M. Ntaganda est accusé par les procureurs de la CPI d’avoir été le chef d’état major adjoint de l’UPC et un mandat d’arrêt a été lancé contre lui

Le ‘Témoin 297 ‘  a admis que, dans sa déclaration aux procureurs et aux avocats de la défense qui s’étaient entretenus avec lui en décembre dernier, il a omis de mentionner qu’après avoir quitté l’UPC, il s’était engagé dans le Front National Intégrationniste (FNI), groupe rebelle dirigé par Mathieu Ngudjolo. M. Ngudjolo est jugé devant la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité

Le témoin a indiqué que vers fin 2005 ou début 2006, il s’est porté volontaire pour rejoindre le FNI. M. Lubanga avait alors été arrêté et le groupe de M. Ngudjolo recrutait d’anciens combattants, avec la promesse que le gouvernement allait commencer à leur payer un salaire, a-t-il dit.

Le ‘Témoin 297’  a aujourd’hui également reconnu que, contrairement à une déclaration faite plus tôt, M. Kisembo n’était pas le commandant du camp à Barrière. En outre, le témoin a admis que, dans sa déclaration au procureur, il n’a pas fait mention d’une bataille à laquelle il a pris part à Nizi.

 «Je n’ai pas donné des détails aux enquêteurs concernant Nizi car beaucoup de gens sont morts à Nizi … un certain nombre de soldats sont morts dans la rivière et c’est pourquoi j’ai eu peur de donner des explications aux enquêteurs sur les circonstances dans lesquelles cela s’est déroulé», a déclaré le ‘Témoin 297 ‘.