- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

La défense soutient que l’identité de ses témoins a été volée

La défense de Thomas Lubanga a cette semaine dit à la cour que deux de ses témoins n’étaient pas en mesure de se rendre à La Haye pour témoigner car leur identité avait été volée par d’autres personnes participant au procès.

Deux témoins de la défense ont donc du effectuer leur déposition par lien video à partir de Bunia en République Démocratique du Congo. Ils ont témoigné cette semaine et la semaine passée.

Ils ont tous les deux déclaré qu’ils étaient d’anciens combattants de l’Union des Patriotes Congolais (UPC), groupe qui selon les procureurs de la Cour Pénale Internationale (CPI) était dirigé par M. Lubanga.

Après la fin de la déposition des témoins, les procureurs ont dit  à la cour qu’ils voulaient prendre les empreintes digitales de ces témoins en vue de s’assurer de leur identité.

Mercredi, le procureur Nicole Samson a dit qu’ils envisageaient de demander au gouvernement congolais de procéder à la prise d’empreintes digitales sous la supervision d’agents envoyés par la cour.

Mais l’avocat de la défense Marc Desalliers a déclaré que la défense était opposée à l’idée de faire prendre les empreintes par les autorités congolaises.

« La raison pour laquelle ces témoins ont fait leur déposition par lien video était qu’il s’agissait d’une question quelque peu sensible. Des passeports [en leur nom] ont été délivrés à d’autres individus, » a-t-il ajouté. Il n’était donc pas possible de leur faire délivrer des passeports pour leur permettre de se rendre à La Haye pour témoigner.

Le président Adrian Fulford a demandé à la défense si le fait de prendre les empreintes des témoins montrerait nécessairement qu’ils étaient mêlés à une histoire d’obtention de faux passeports du gouvernement congolais.

« L’aspect sensible est lié à la détermination de l’identité d’une personne, et en faisant cela avec les autorités congolaises on attirera l’attention sur cet individu particulier », a répondu Desalliers.

Le juge Fulford a décidé qu’il serait plus sûr que la prise d’empreintes digitales soit effectuée par la cour, sans l’intervention des fonctionnaires congolais.

Entretemps, le juge Fulford a aujourd’hui déclaré que les deux victimes qui selon la défense utilisaient une fausse identité étaient le Témoin 225 et le Témoin 229 qui avent témoigné en janvier passé.

Dans sa déposition, le Témoin 225, qui s’est lui-même décrit comme ancien enfant soldat, s’est rappelé qu’il a été enlevé par des miliciens appartenant à l’UPC, torturé dans un camp de formation, et qu’il vu ses amis « tués comme des mouches au combat ».

Pour sa part, le Témoin 229 a décrit la torture dans un camp de l’UPC, et raconté que des commandants lui ont donné l’ordre de leur trouver de belles jeunes filles, et d’emmener de miliciens dans les  maisons des riches du village qu’ils ont ensuite volés.

La semaine passée, l’un des témoins de la défense qui n’étaient pas en mesure de se rendre à La Haye a dit à la cour que son nom était Dieudonné Tonyfwa Urochi. Il a raconté qu’il avait été enlevé pas des soldats de l’UPC et enrôlé dans le groupe où il a ensuite servi comme enfant soldat.

Et ce mercredi, un témoin qui a dit s’appeler Bertin Ukunya Nyona a déclaré être le père de M. Urochi après qu’on lui eu montré une photo du témoin de la défense qui a fait sa déposition la semaine passée. M. Nyona a ensuite expliqué la signification de ces noms et indiqué la raison pour laquelle il a donné ces noms à son fils.

M. Nyona a raconté comment lui et son fils ont rencontré Dieudonné Mbuna, enquêteur de la défense en RDC.

« Il m’a dit qu’il y avait un autre Tonyfwa Urochi ici [à La Haye] mais il y avait un autre Tonyfwa Urochi habitant avec moi à la maison », a dit M. Nyona. Il a dit que c’était la première fois qu’il apprenait que l’identité de son fils avait été usurpée par un certain individu.

M. Nyona et M. Urochi ont indiqué que la personne qui a volé l’identité des deux témoins de la défense était un ancien enseignant à l’école qu’avaient fréquentée les deux anciens enfants soldats.

Selon la défense, l’identité de leurs deux témoins qui avaient témoigné la semaine passée a été volée par leur ancien directeur d’école qui les a aidés à remplir des formulaires en vue de participer comme victimes au procès of Mr. Lubanga. Le directeur d’école, dont le nom n’a pas été révélé, a été désigné par la cour sous l’appellation de ‘M. P’.

La défense soutient que bien que leur demande ait été acceptée par la CPI, des individus différents participent actuellement au procès comme victimes, en utilisant les noms de ces témoins de la défense.

Joseph Keta, l’avocat de la victime en question, a montré une image à M. Nyona et lui a posé la question suivante :

« Si je vous disais que c’est Dieudonné Tonyfwa Urochi, quelle serait votre réaction? » a  demandé M. Keta.

« Je dirais que c’est faux », a répondu le témoin.

Lors M. Keta lui a demandé s’il était en possession de documents prouvant qu’il était bien le père d’une personne désignée par ces noms, le témoin a répondu qu’il avait des documents pouvant l’attester, mais qu’il les avait laissés en République Démocratique du Congo (RDC).

M. Keta a posé la plupart de ses questions au cours de la séance à huis clos parce, d’après lui, ses questions étaient relatives à des individus protégés.

L’actuel directeur de l’école fréquentée par deux témoins de la défense dont l’identité aurait été usurpée a aujourd’hui raconté qu’il a donné des documents scolaires à un agent des avocats de M. Lubanga. Adel Adubango a dit que M. Mbuna l’a contacté en novembre passé et demandé à accéder à certains dossiers scolaires.

M. Adubango a déclaré qu’il est devenu directeur de l’école en 2008. C’est pas n’est lui le directeur qui aurait été mêlé au vol d’identité.

« Vous n’avez donc joué aucun rôle dans la détermination du contenu de tous ces documents [que vous lui avez donnés]? » a demandé le procureur Manoj Sachdeva.

« Non », a répondu M. Adubango.

« Et vous ne pouvez pas garantir la véracité de ce contenu? » a ajouté M. Sachdeva.

« J’ai rangé ces documents comme je les ai trouvés dans le bureau », a répondu le témoin. « Et lors que M. Mbuna est arrivé, nous avons essayé de rassembler ces documents qui pourraient l’intéresser. »

Le témoin a indiqué que M. Mbuna a pris les documents pour faire des photocopies, et les a ramenés à l’école le lendemain.

« Il a ramené les documents et m’a remis les originaux. Il m’a demandé d’approuver les photocopies, et de les authentifier avec ma signature et un tampon, ce que j’ai fait. Et j’ai écrit que les photocopies étaient certifiées conformes aux originaux », a dit M. Adubango.

M. Sachdeva a demandé au témoin s’il pouvait dire si les documents avaient subi une modification au cours de la nuit lors qu’ils étaient entre les mains de M. Mbuna. Le témoin a répondu qu’il ne croyait pas que les documents aient été modifiés étant donné qu’ils étaient restés en possession de M. Mbuna pendant une période très courte.

Le vendredi en début de séance, les juges ont rejeté une requête de M. Keta selon laquelle les témoins de la défense ne pourraient pas interroger M. Adubango sur certaines questions relatives à ‘M. P’.

Le procès reprend mardi.