- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Les juges autorisent les avocats de Lubanga et Katanga à partager leurs notes

Les juges ont aujourd’hui décidé que les avocats de la défense dans deux procès pour crimes de guerre séparés qui ont actuellement lieu à la Cour Pénale Internationale (CPI) sont libres de discuter du témoignage de quatre témoins communs à ces procès.

Les juges ont aussi décidé que les accusés – Thomas Lubanga et Germain Katanga – ont le droit de recevoir toutes les informations révélées à leurs avocats et relatives aux affaires qui les concernent. Les procureurs avaient soutenu que le conseil de la défense ne pouvait fournir aux accusés aucune information considérée comme confidentielle, sensible, privilégiée, ou touchant à la sécurité nationale.

Mais dans leur décision de cet après-midi, les juges ont déclaré que conformément au Statut de Rome le droit personnel pour l’accusé de recevoir tout matériel se rapportant à son dossier se fonde sur des bases très claires. Ils ont également décidé que les avocats de M. Lubanga et M. Katanga ont le droit de discuter du témoignage des trois témoins communs, à condition de ne pas mentionner ou échanger des informations confidentielles qui n’ont pas été fournies à l’autre équipe.

M. Katanga, ancien chef de milice congolaise, est conjointement accusé avec Mathieu Ngudjolo Chui, également ressortissant congolais, de trois crimes contre l’humanité et sept crimes de guerre. Selon les procureurs de la CPI, les deux hommes ont dirigé des milices qui ont utilisé des enfants soldats et commis des atrocités contre les membres de l’ethnie Hema en République Démocratique du Congo (RDC).

L’Union des Patriotes Congolais (UPC), que M. Lubanga est accusé d’avoir dirigée, était surtout composée de Hema et s’est battue avec des groupes qui selon les procureurs de la CPI étaient dirigés par M. Katanga et M. Ngudjolo.

On ne sait pas si les quatre témoins communs aux deux procès étaient à charge ou à décharge.

Les juges ont décidé que bien que l’article 67(2) du Statut de Rome et la Règle 77 des Règles de Procédure et de Preuve fasse référence à la ‘défense’ d’une manière générique et non pas à l’accusé en tant qu’individu, il n’y a pas d’interprétation statutaire en faveur de la conclusion selon laquelle il était envisageable que l’accusé puisse se voir refuser l’accès au matériel qui avait été fourni au conseil de la défense.

Cette décision était conforme aux thèses des avocats de M. Katanga, qui ont soutenu que le droit à la divulgation était pour l’accusé plutôt que pour son conseil. Les avocats ont ensuite soutenu que la pratique internationale est en faveur de l’affirmation selon laquelle la divulgation complète à l’accusé constitue l’un des principes de la justice fondamentale, et qu’il n’est pas permis d’accorder la divulgation au conseil sans l’accorder à l’accusé.

Les juges ont alors déclaré que si l’interprétation des procureurs était correcte, aucune information confidentielle, sensible, privilégiée ou touchant à la sécurité nationale ne pourrait être fournie à l’accusé sans que la chambre ne prenne une décision spéciale qui en accorde l’autorisation.

« Une telle approche aurait tendance à refuser à l’accusé l’accès à un nombre substantiel de preuves se rapportant à l’affaire car la cour serait alors tenue de négocier un équilibre entre d’une part la demande de l’accusé pour l’accès personnel au matériel divulgué et d’autre part les exigences de confidentialité, de sensibilité, de privilège ou de sécurité nationale », ont décidé les juges dans un arrêt lu par le juge Adrian Fulford.

En outre, ont ajouté les juges, il serait demandé à la chambre de faire un jugement point par point, sur la divulgation et l’étendue de la divulgation, ce qui « aurait pour conséquence une injustice envers l’accusé du fait de l’absence ou du retard dans l’accès au matériel se rapportant au procès et imposerait un fardeau considérable à la chambre étant donné le nombre de décisions individuelles qui seraient alors nécessaires »

Selon les juges l’article 8 (3) du Code de déontologie ne s’applique pas à la restriction des informations pouvant circuler entre l’accusé et son équipe de défense. « Cependant, le conseil de M. Katanga et M. Lubanga a reconnu que des restrictions peuvent être appropriées dans le cas de circonstances exceptionnelles, par exemple si la démonstration a été bien faite qu’un accusé a abusé d’informations confidentielles ou protégées pour intimider des témoins ou des victimes participantes », ont dit les juges.

La défense de M. Lubanga présente un nouveau témoin demain.