- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Le douzième témoin de Lubanga comparaît mais ne fait aucune déclaration en audience publique

Dans une semaine  où il y a eu peu d’activité en audience publique dans le cadre du procès pour crimes de guerre de l’ancien dirigeant rebelle congolais Thomas Lubanga, la défense a appelé à la barre ses onzième et douzième témoins, mais l’essentiel de leur témoignage est resté inconnu car ils ont fait la pus grande partie de leur déposition à huis clos. Tous les deux ont fait leur déposition avec déformation numérique de la voix et du visage en vue de protéger leur identité.

Le témoin qui a comparu mercredi a fait sa déposition à huis clos. Le témoin précédent, désigné par la cour sous le nom de ‘Témoin 23’, a fait une partie de sa déposition en audience publique et a avoué avoir menti aux autorités chargées de la démobilisation dans le pays lors qu’il a déclaré qu’il avait combattu dans les rangs de l’UPC. Cependant, du fait que ce témoin a fait la plus grande partie de sa déposition à huis clos, il n’a pas été possible de juger de l’impact de ce témoignage sur le procès.

Cette semaine a aussi vu l’annulation d’une audience prévue pour le jeudi, sans que la cour ait fourni d’explication quant à cette annulation.

Le onzième témoin de la défense a fait sa déposition mardi. Selon lui, en 2005, il a emprunté l’identité de son ami qui n’avait pas pu poursuivre un programme de formation offert par la Commission Nationale de Désarmement, Démobilisation et Réintégration des ex combattants du Congo (CONADER).

 « Le troisième jour [de la formation des ex-combattants], je me suis présenté pour poursuivre le programme de formation à sa place car il était absent. Il devait s’occuper d’une autre affaire très importante et c’est la raison pour laquelle il m’a demandé de prendre sa place, » a expliqué le ‘Témoin 23’.

« Le troisième jour vous avez suivi les cours, et le quatrième jour vous avez reçu votre carte d’identité avec photo? » a demandé le procureur Manoj Sachdeva.

Réponse du témoin : « Oui, le troisième jour, nous avons suivi les derniers cours et le quatrième jour, nous sommes venus retirer la carte, ainsi qu’une somme d’argent qui nous a été versée. Ensuite nous avons reçu toutes les affaires dont j’ai déjà parlé. »

Le ‘Témoin 23’ a indiqué qu’il a reçu la carte de démobilisation le 1er avril 2005.

« Vous avez donc menti à la CONADER, n’est-ce pas? » demande M. Sachdeva au témoin.

Le témoin a répondu qu’après la guerre, dans la province de l’Ituri au Congo, les gens ont beaucoup souffert et beaucoup n’avaient pas de quoi manger. « Donc si l’occasion se présentait, bon, on m’a dit que je pouvais y aller, présenter la carte et recevoir quelque chose. Je suis donc allé… Si j’avais des ressources en ce moment-là, si j’avais de quoi vivre, je n’aurais pas agi ainsi. »

Des questions ont été posées au témoin concernant son frère et son ami dont il dit avoir emprunté l’identité lors qu’il s’est présenté au bureau de démobilisation. Il n’a pas été possible d’établir que ces deux personnes ont servi dans les rangs de l’Union des Patriotes Congolais (UPC), groupe qui selon les procureurs de la Cour Pénale Internationale (CPI) était dirigé par M. Lubanga.

M. Lubanga est jugé pour utilisation d’enfants soldats en République Démocratique du Congo (RDC) au cours des années 2002 et 2003.  

Questionné sur le financement que lui et d’autres combattants démobilisés avaient obtenu d’un bailleur en vue de leur projet de vélo taxi, le témoin a affirmé que l’argent du projet avait été détourné, mais il n’a pas dit en audience publique qui était l’auteur de ce détournement.

Bien qu’il ait auparavant indiqué qu’il allait témoigner sans mesures de protection, le “Témoin 23” a au dernier moment sollicité une protection, selon le président du tribunal, le juge Adrian Fulford.

Selon le juge, le témoin a expliqué qu’il avait besoin de mesures de protection contre d’éventuelles représailles qui pourraient s’abattre sur lui si des membres de sa communauté apprenaient qu’il avait témoigné au procès

A cause de la situation volatile qui régnait encore dans la province de l’Ituri en République Démocratique du Congo, où étaient basées les opérations de l’UPC, la plupart des témoins ont bénéficié de mesures de protection.

Mercredi lors qu’un nouveau témoin de la défense  été présenté, l’avocat de la défense Caroline Buteau a déclaré qu’il ferait toute sa déposition à huis clos.

« En raison des mesures de protection sollicitées par le témoin, et aussi à cause du contenu de son témoignage, la totalité de l’interrogatoire principal se fera à huis clos,” a indiqué Mme Buteau. »

Bien qu’il ait été une pratique courante que les témoins à charge et les témoins à décharge fassent leur déposition à huis clos, il est rare que l’on annonce qu’un témoin va effectuer l’essentiel de sa déposition à huis clos.

Dans les parties de leur déposition faites en audience publique, un grand nombre de témoins de la défense ont déclaré que des intermédiaires des enquêteurs de l’accusation de la CPÏ ont corrompu et coaché quelques-unes des personnes qui ont été plus tard appelées à la barre comme témoins à charge.

Catherine Mabille, le principal avocat de la défense, a déclaré à l’entame de l’affaire que la défense allait présenter seize témoins et demander aux juges  d’envisager de débouter la partie civile pour vice de procédure. L’accusation conteste l’argument du vice de procédure avancé par la défense.

Le procès doit reprendre mardi prochain, jour où la défense de M. Lubanga va appeler son treizième témoin. La défense a commencé à présenter ses arguments le 27 janvier 2010, un an après le procureur.