Rapports quotidiens

18 Mars 2010

Un témoin déclare que les fonctionnaires de la Cour l’ont ignoré

Par Wairagala Wakabi

Aujourd’hui, au procès de Thomas Lubanga, un témoin a déclaré que certains fonctionnaires de la Cour pénale internationale (CPI) l’avaient ignoré à plusieurs reprises lorsqu’il avait cherché à confesser le fait d’avoir menti aux enquêteurs de l’accusation.

Le « témoin 15 », tel qu’il a été désigné devant la Cour, était à l’origine un témoin de l’accusation. Mais, lors de son bref témoignage de juin 2009, il a affirmé avoir menti aux enquêteurs du Bureau du Procureur (BdP).

Le témoin a été de nouveau cité à comparaître par la Cour et, ces deux derniers jours, a expliqué aux juges comment un intermédiaire des enquêteurs du BdP avait préparé des mensonges qu’il avait ensuite répétés dans sa déclaration de 2005.

Le témoin a indiqué que, après avoir fait sa déclaration aux enquêteurs, des fonctionnaires de la Cour lui avaient expliqué qu’ils le transfèreraient dans un pays dont le nom n’a pas été divulgué. Le témoin a précisé ne pas être satisfait d’être transféré dans ce pays et que, par conséquent, il avait demandé aux fonctionnaires de lui fournir un avocat.

« Lorsque j’ai indiqué ne pas vouloir me rendre à l’endroit où ils souhaitaient me transférer, ils ont tenté de me harceler. Ils ont utilisé des mots inadmissibles », a-t-il déclaré lors de l’interrogatoire mené par l’avocat de la défense Marc Desalliers.

Le « témoin 15 » a indiqué que lors de son arrivée à La Haye, sans préciser la date, des fonctionnaires de la Cour lui avaient conseillé de s’entretenir avec l’enquêteur qui avait recueilli sa déclaration à Kampala, en Ouganda. Il a expliqué qu’ils souhaitaient que la discussion se déroule au téléphone mais qu’il avait préféré opter pour une rencontre en chair et en os.

« J’ai indiqué à l’enquêteur que j’avais besoin d’un avocat », a raconté le témoin, bien qu’il n’ait pas précisé si c’était au cours d’un face-à-face. L’enquêteur lui aurait déclaré qu’il n’était pas un suspect et que, par conséquent, il n’avait pas besoin d’avocat. Le « témoin 15 » a expliqué qu’il se trouvait dans une situation très délicate. « Je me sentais en situation d’insécurité et je ne pouvais rien dire ».

Le témoin a indiqué qu’il avait de nouveau, en 2008, déclaré aux fonctionnaires de la Cour avoir besoin d’un avocat. Il a expliqué que le chef de l’Unité des Victimes et des Témoins (VWU) de la CPI lui avait indiqué de ne pas prendre un avocat qui ne soit pas fourni par la Cour. Décrivant la réponse du fonctionnaire du VWU comme « impertinente », le témoin a affirmé que le fonctionnaire lui avait conseillé d’utiliser ses propres revenus s’il souhaitait bénéficier d’un avocat personnel.

Selon son témoignage, lorsque le « témoin 15 » était arrivé à La Haye l’année dernière, il avait demandé une nouvelle fois à bénéficier d’un avocat. Le « témoin 15 » a déclaré avoir dit aux fonctionnaires de la Cour ne pas vouloir témoigner mais que ces derniers avaient insisté pour qu’il se présente à la barre.

Le témoignage du « témoin 15 » a fait écho à ceux apportés par plusieurs témoins de la défense incriminant des intermédiaires dans la fabrication de preuves contre M. Lubanga qui répond aux charges d’utilisation d’enfants soldats lors d’un conflit armé en République démocratique du Congo.

Selon les procureurs, dans sa déclaration de 2005, le « témoin 15 » avait affirmé aux enquêteurs du BdP qu’il y avait des enfants, dont certains étaient âgés de 12 ans, dans le camp d’entraînement militaire dirigé par l’Union des patriotes congolais (UPC) à Mandro et dans le quartier général situé dans la ville de Bunia.

Il a également prétendu que, pendant la période où il avait servi dans l’UPC, il avait souvent aperçu des dirigeants de la milice armée de l’UPC faire régulièrement leurs rapports à M. Lubanga au quartier général de l’UPC. La CPI allègue que M. Lubanga était le chef de l’UPC et de sa branche armée.

Dans son témoignage apporté cette semaine, il a déclaré que toutes ces affirmations étaient fausses et avaient été fabriquées par un intermédiaire des procureurs du BdP.

Mercredi, le procureur Nicole Samson a demandé au témoin la raison pour laquelle, d’octobre 2005 à juin 2009, il n’avait pas dit au personnel du BdP ou du service de protection des témoins de la Cour qu’il avait menti dans la déclaration donné aux enquêteurs.

Le témoin a répondu : « J’ai demandé les services d’un avocat [en 2006] car j’avais donné certaines explications et elles n’avaient pas été prises en compte. Je voulais donc une protection personnelle. Je ne souhaitais pas me retrouver dans une situation difficile.

Il a indiqué redouter finir en prison et c’est pourquoi il avait tenté d’engager un avocat afin d’être en mesure de confesser les mensonges qu’il avait confié.

Le « témoin 15 » poursuivra sa déposition lundi.

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