Rapports quotidiens

17 Mars 2010

L’ex-témoin de l’accusation déclare qu’un intermédiaire l’a coaché

Par Wairagala Wakabi

Aujourd’hui, un ex-témoin de l’accusation a déclaré au procès de Thomas Lubanga qu’un intermédiaire travaillant pour les enquêteurs de l’accusation de la Cour pénale internationale lui avait indiqué des mensonges pour qu’il les répète ensuite aux enquêteurs de la Cour.

Le témoin a ajouté que, toutefois, les enquêteurs du Bureau du Procureur (BdP) ne savaient pas qu’il mentait.

Désigné sous le nom de « témoin 15 », il avait apporté un bref témoignage en juin dernier et avait déclaré avoir menti aux enquêteurs du BdP, ce qui avait brutalement mis un terme à sa déposition. Les juges avaient ensuite ordonné qu’une nouvelle déclaration soit faite par le témoin.

Selon les procureurs, dans sa déclaration de 2005, le « témoin 15 » avait affirmé aux enquêteurs du BdP qu’il y avait des enfants, dont certains étaient âgés de 12 ans, dans le camp d’entraînement militaire dirigé par l’Union des patriotes congolais (UPC) à Mandro et dans le quartier général situé dans la ville de Bunia.  Les procureurs ont déclaré qu’il avait également prétendu que, lorsqu’il était dans l’UPC, il avait souvent aperçu les dirigeants de la milice armée de l’UPC lorsqu’ils se rendaient au quartier général de l’UPC afin de rencontrer M. Lubanga.

Ce dernier est jugé devant la CPI pour avoir procédé au recrutement, à l’enrôlement et à l’utilisation d’enfants soldats dans un conflit armé. La Cour allègue qu’il était le chef de l’UPC et de sa branche armée, qui a utilisé des enfants soldats lors d’un conflit interethnique en République démocratique du Congo, en 2002 et 2003.

Aujourd’hui, le « témoin 15 », qui bénéficiait de mesures de protection, a déclaré que contrairement à ce qu’il avait indiqué aux enquêteurs en 2005, il n’avait jamais servi dans l’UPC. Il a précisé que ses affirmations précédentes, dans lesquelles il indiquait avoir vu les commandants Bosco Ntaganda et Floribert Kisembo au quartier général de l’UPC, étaient également fausses.

Il a indiqué qu’un intermédiaire des enquêteurs du BdP avait fabriqué certains des mensonges figurant dans la déclaration qu’il avait faite aux enquêteurs en 2005.

« Á chaque fois que je rencontrais les enquêteurs, un intermédiaire venait me voir à l’hôtel. Il m’indiquait tout ce que je devais dire », a précisé le témoin. « Bien qu’il m’indiquait tout ce que je devais relater, il ne se présentait pas devant les enquêteurs. Il me donnait les lignes directrices et j’étais autorisé à ajouter quelques détails ».

Dans sa déclaration de 2005, le « témoin 15 » avait déclaré que de nombreux enfants étaient présents au quartier général de l’UPC et que certains d’entre eux étaient les gardes du corps de M. Ntaganda et de M. Kisembo. Il a précisé « qu’ils étaient petits et que les armes qu’ils portaient étaient plus grosses qu’eux », selon les extraits de la déclaration lus aujourd’hui par les procureurs devant la Cour.

Le témoin a reconnu qu’un enquêteur qu’il avait rencontré en 2005 lui avait expliqué appartenir à la CPI. L’avocat de l’accusation Nicole Samson a demandé au témoin s’il avait lu la déclaration qu’il avait faite à l’enquêteur et s’il avait confirmé qu’elle était exacte avant de la signer.

« Non, je n’ai pas lu la déclaration. La personne qui m’avait emmené auprès de l’enquêteur m’avait en quelque sorte préparé. Il m’a dit que je ne devais pas la lire. Que je devais prétendre ne pas pouvoir lire et avoir des problèmes de vue ».

Mme Samson a demandé au témoin s’il s’était déjà rendu dans le camp d’entraînement de l’UPC situé à Mandro.

« Je n’ai jamais participé à un entraînement militaire de l’UPC », a affirmé le témoin.

Les procureurs ont déclaré que, dans sa déclaration de 2005, le témoin avait décrit la manière dont il avait été enlevé par des combattants de l’UPC et emmené auprès d’un commandant de ce groupe. Il avait également décrit l’entraînement qu’il aurait suivi à Mandro ainsi que les punitions que les recrues pouvaient endurer à Mandro en cas de désobéissance. Il avait relaté aux enquêteurs un incident pendant lequel quelques soldats avaient été attachés à un arbre et exécutés.

Le témoin a indiqué aujourd’hui que les procureurs du BdP ne lui avaient pas demandé de mentir. « Les enquêteurs ne m’ont influencé d’aucune façon », a-t-il déclaré.

Lors de l’interrogatoire de Mme Samson, il a confirmé que la totalité de l’argent donné par les enquêteurs était destiné à ses frais de transport, de téléphone et de repas et qu’il avait signé un reçu à chaque versement d’argent. « Il ne s’agissait ni d’une rémunération ni d’un salaire », a précisé le témoin à propos de l’argent reçu des enquêteurs du BdP.

La défense de M. Lubanga devrait interroger le témoin demain.

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