Rapports quotidiens

10 Mars 2010

Les procureurs de la CPI ont indiqué que le témoin de Lubanga n’était qu’un menteur

Par Wairagala Wakabi

Les procureurs du procès de Thomas Lubanga pour crimes de guerre devant la Cour pénale internationale (CPI) ont aujourd’hui rejeté un témoin de la défense considéré comme un menteur et un opportuniste dont le témoignage ne pouvait être crédible.

« Vous avez menti au Bureau du Procureur (BdP) pendant les quatre dernières années. On ne peut plus maintenant vous croire », a indiqué le procureur Manoj Sachdeva au témoin.

Le témoin a démenti avoir dit des mensonges devant la Cour lorsqu’il a témoigné ces trois derniers jours.

Mais M. Sachdeva a souligné que depuis le premier entretien que le témoin a eu avec les enquêteurs du BdP en 2005 à Kampala, en Ouganda, jusqu’aux autres entretiens ayant eu lieu en République démocratique du Congo (RDC) en 2007, « pas une fois vous n’avez dit au enquêteurs du BdP que vous leur aviez menti ».

Le témoin a confirmé l’affirmation de M. Sachdeva selon laquelle les enquêteurs de la CPI avaient eu des entretiens avec lui pendant six jours lorsqu’il avait, avec un intermédiaire désigné sous le nom de « M. X », visité Kampala en septembre 2005.

Le procureur a lu un extrait des entretiens dans lequel le témoin déclarait : « Je suis venu ici de mon plein gré parce que je souhaite coopérer afin de permettre de trouver une solution aux problèmes que rencontre le Congo ». Le témoin s’est souvenu avoir dit ces mots et a affirmé n’avoir pas été contraint de venir jusqu’à Kampala.

Le témoin a attesté avoir reçu de l’argent de « M. X » pour mentir aux enquêteurs du BdP et prétendre être un ex-enfant soldat. Il a indiqué que « M. X »lui avait demandé de convaincre d’autres personnes de mentir aux enquêteurs et de prétendre être des ex-enfants soldats de l’Union des patriotes congolais (UPC), le groupe que les procureurs de la CPI allèguent avoir été dirigé par M. Lubanga, jugé pour avoir utilisé des enfants soldats lors d’un conflit armé.

Le témoin a déclaré avoir abandonné ce plan lorsque des soldats de l’UPC l’avaient menacé et après que des membres de sa famille lui aient fait des reproches en apprenant qu’il avait pris part à une supposée conspiration contre M. Lubanga.

Dans un entretien avec les enquêteurs du BdP, le témoin avait relaté comment les soldats de l’UPC l’avaient enlevé, ligoté dans un quatre-quatre et emmené auprès d’un commandant de l’UPC. Il avait également indiqué aux enquêteurs comment certains soldats du camp de l’UPC avaient été attachés à un arbre et abattus.

M. Sachdeva lui a demandé si tout ce qu’il avait dit n’était que mensonge.

« Oui », lui a répondu le témoin qui témoignait avec la voix et le visage déformés numériquement afin de protéger son identité. « Comme je l’ai dit plus tôt, je n’ai jamais servi dans l’armée. Ce sont des plans qui ont été échafaudés, des mensonges qui ont été fabriqués et j’ai dû les répéter ».

Le procureur a demandé au témoin si « M. X » était présent lors des entretiens avec les enquêteurs du BdP. Il a répondu que l’intermédiaire n’assistait jamais aux réunions mais que, chaque soir, il lui donnait des instructions sur ce qu’il devait dire aux enquêteurs le lendemain.

Selon M. Sachdeva, les enquêteurs de l’accusation avaient donné au témoin un numéro de téléphone qu’ils lui avaient conseillé d’appeler en cas d’urgence. Il a indiqué que le témoin appelait régulièrement ce numéro, de nombreuses fois lorsqu’il était saoul, que ce soit pour solliciter de l’argent ou pour demander d’être transféré hors de la RDC.

« Est-ce que j’appelais, parfois lorsque j’étais désorienté, je ne sais pas. Je ne me souviens pas », a répondu le témoin.

Lundi, le témoin a indiqué que « M. X » lui avait promis qu’il serait transféré s’il participait au complot contre M. Lubanga. Le témoin a précisé qu’il n’avait jamais été soldat. Avant que la guerre ne se déclare, il était coiffeur dans la ville de Bunia. Lorsque la guerre avait pris fin, il était revenu d’Ouganda et avait continué son métier de coiffeur dans cette ville.

Entre-temps, l’avocat principal de la défense, Catherine Mabille, a fait part aujourd’hui à la Cour des difficultés rencontrées pour parvenir à ce que certains de leurs témoins voyagent hors de la RDC. Elle a indiqué que leurs témoins qui avaient été sélectionnés pour comparaître la semaine prochaine étaient toujours bloqués au Congo parce que l’autorisation de voyager n’avait pas été donnée par leurs employeurs.

Mme Mabille a déclaré qu’un fonctionnaire de l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins (VWU) qui est actuellement au Congo n’a pas retrouvé le responsable de ces témoins.

La défense a indiqué que l’un de leurs témoins avait perdu son travail au mois de janvier de cette année car il s’était rendu à la capitale congolaise de Kinshasa pendant quelques jours pour rencontrer les avocats de M. Lubanga. Les fonctionnaires du VWU ont déclaré que le greffe de la CPI proposerait une indemnisation à ce témoin. Le juge Adrian Fulford a ordonné que cette indemnisation soit traitée avec célérité.

La défense appellera son neuvième témoin demain.

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