Rapports quotidiens

9 Mars 2010

Le témoin : l’agent de la CPI a élaboré de fausses menaces de mort contre ma famille

Par Wairagala Wakabi

Les juges le la CPI ont appris aujourd’hui qu’un agent de la Cour pénale internationale avait rédigé une fausse lettre dans laquelle les dirigeants d’une milice congolaise menaçaient de tuer un témoin afin qu’il accepte de témoigner contre Thomas Lubanga.

Un témoin anonyme, cité par la défense de M. Lubanga, a déclaré qu’un agent, agissant au nom des procureurs de la CPI et désigné devant la Cour sous le nom de « M. X », avait écrit la lettre de menaces après que le témoin soit devenu réticent à respecter la promesse faite précédemment à un intermédiaire de mentir aux enquêteurs de l’accusation et de prétendre être un ex-enfant soldat.

Poursuivant son témoignage de la veille, le témoin a indiqué que sa famille lui a fait des reproches en apprenant qu’il avait pris part à un complot pour fabriquer des témoignages impliquant M. Lubanga. Lorsqu’il a en informé « M. X », l’intermédiaire a rédigé une lettre destinée à une personne que le témoin pensait être un enquêteur de la CPI.

Le témoin a déclaré avoir protesté lorsque « M. X » a tenté d’apposer le nom de M. Dieudonné Mbuna, un enquêteur de la défense de Lubanga provenant de l’Ituri, une province congolaise, en tant qu’auteur de la lettre. Par la suite, la lettre envoyée n’avait comporté qu’une empreinte digitale et aucun nom.

La lettre a été lue devant la Cour aujourd’hui et a été présentée par la défense en tant que pièce à conviction. Elle prétendait provenir des « autorités de l’UPC » et a catalogué le témoin comme ennemi. « Vous devez savoir que où que vous alliez, nous n’aurons de cesse de vous retrouver. Sachez que c’est votre cadavre qui sera présenté devant la Cour jugeant Thomas Lubanga », indique la lettre.

Elle précisait : « Nous savons que où que vous alliez, nous vous trouverons. Pensez-vous que nous avons perdu nos forces ? Nous anéantirons même votre descendance. Faîtes ce que vous voulez mais sachez que vous n’échapperez pas à la mort. Et ne pensez pas qu’elle viendra d’ailleurs. Elle viendra de nous, les autorités de l’UPC ».

Le témoin a indiqué devant la Cour avoir reçu plusieurs fois de l’argent de la part de cet intermédiaire, étant entendu qu’il mentirait aux enquêteurs du BdP en prétendant être un ex-enfant soldat. « M. X » lui a également demandé de convaincre d’autres personnes à mentir aux enquêteurs et à prétendre qu’ils étaient aussi des ex-enfants soldats de l’Union des patriotes congolais (UPC) et qu’ils connaissaient le nom des commandants de cette milice.

Ce témoin est le huitième à comparaître pour la défense de M. Lubanga qui est jugé pour l’utilisation par l’UPC d’enfants soldats dans des conflits interethniques ayant eu lieu en République démocratique du Congo (RDC) en 2002 et 2003. Les avocats de M. Lubanga ont déclaré que leurs seize premiers témoins démontreront que les intermédiaires du BdP ont fabriqué des témoignages et coaché des témoins.

La défense a soutenu que tous les témoins de l’accusation qui avaient été présentés comme enfants soldats, ainsi que leurs parents dans certains cas, avaient délibérément menti devant la Cour.

L’avocat de la défense Jean-Marie Biju-Duval a montré aujourd’hui au témoin trois reçus et lui a demandé s’il reconnaissait les signatures qu’ils comportaient. Le témoin a déclaré se souvenir avoir signé ces reçus lorsque « M. X » lui avait donné de l’argent lors de leur séjour à Kampala, en Ouganda, au mois de septembre 2005, pour des réunions avec les enquêteurs du BdP.

« Vous rappelez-vous avoir reçu cette somme d’argent, 400 dollars américains ? », a demandé M. Biju-Duval.

« On ne m’a pas donné cette somme en une seule fois. On ne me les a pas donné dans une même journée », a rétorqué le témoin.

Selon le reçu, les 400 dollars correspondaient à un « remboursement de services rendus et de dépenses effectuées ».

L’avocat de la défense a ensuite interrogé le témoin sur un autre document comportant sa signature et accusant réception de 700 dollars. « Vous rappelez-vous avoir reçu cette somme ? », a demandé M. Biju-Duval.

« Á dire vrai, je n’ai pas de souvenir précis de cette somme », a répondu le témoin.

Deux autres documents intitulés « perte de revenus » (d’un montant de 30 dollars) et « transport » (10 dollars) ont été présentés au témoin. Il a dit reconnaître sa signature sur les documents mais ne pas se souvenir avoir reçu l’argent.

Le témoin a indiqué ne pas avoir reçu d’argent de la part des enquêteurs du BdP et que c’était « M. X » qui lui avait donné la totalité de l’argent.

Un autre reçu indiquait que le témoin avait été remboursé d’achats réalisés dans un magasin de Kampala mais il a refusé de discuter de ces dépenses en séance publique.

Les témoins de la défense précédents avaient affirmé que des intermédiaires avaient acheté, contraint ou trompé certaines personnes pour prétendre aux enquêteurs du BdP qu’ils étaient des ex-enfants soldats et pour raconter des mensonges destinés à incriminer M. Lubanga.

Demain, l’accusation procédera au contre-interrogatoire du témoin.

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