- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Le témoin de Lubanga déclare que des agents de la CPI l’ont payé pour mentir

Aujourd’hui, les juges du procès de Thomas Lubanga ont appris comment des agents de la Cour pénale internationale (CPI) auraient payé un coiffeur congolais qui n’avait jamais été soldat pour qu’il mente aux enquêteurs de la Cour et leur indique être un ex-enfant soldat.

Ce témoin a déclaré à la Cour que des agents, ou des intermédiaires, avaient organisé une série de réunions entre lui-même et les enquêteurs de la CPI à Bunia, une ville de l’est du Congo ainsi qu’à Kampala, la capitale de l’Ouganda.

Le huitième témoin appelé par la défense de Lubanga, qui a débuté son témoignage aujourd’hui, a déclaré avoir, une fois, résidé pendant deux semaines dans un hôtel de Kampala à la période où il avait eu, avec son intermédiaire, une série de réunions avec les enquêteurs de la CPI. Le témoin a apporté son témoignage avec la voix et le visage déformés numériquement afin de le protéger contre d’éventuelles représailles.

L’essentiel de la déposition de ce témoin a été donné en séance publique mais ni son nom ni celui de son intermédiaire n’ont été mentionnés lors des séances ouvertes au public. L’intermédiaire a été désigné sous le nom de « M. X ».

L’avocat de la défense Jean-Marie Biju-Duval a demandé au témoin de d’expliquer ses premiers contacts avec « M. X ».

« Il m’a dit qu’il travaillait avec la CPI », a déclaré le témoin. « Il m’a précisé qu’il avait besoin de quelqu’un pour dire des choses sur M. Thomas Lubanga, c’est donc ce que nous avons mis au point pendant ces réunions : raconter des mensonges ».

M. Lubanga est jugé devant la CPI pour l’utilisation d’enfants soldats lors de conflits interethniques ayant eu lieu en République démocratique du Congo (RDC) en 2002 et 2003. Les procureurs de la CPI ont déclaré que M. Lubanga était le président de l’Union des patriotes congolais (UPC) et le commandant en chef de sa branche armé, les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC).

Le témoin a indiqué à la Cour que, quelques semaines après avoir rencontré « M. X », il avait rencontré les enquêteurs de l’accusation, tout d’abord dans une boîte de nuit de Bunia puis à Kampala, en Ouganda.

Mais avant de rencontrer les enquêteurs de la CPI, « M. X » l’avait coaché ainsi que d’autres personnes afin de savoir quoi dire aux enquêteurs. Dans ces séances de coaching, dont certaines pouvaient se prolonger la nuit, le témoin et d’autres personnes, qui devaient prétendre être des ex-enfants soldats aux enquêteurs de l’accusation, se sont vu communiquer les noms d’anciens commandants des FPLC que l’on leur a dit de mentionner aux enquêteurs.

« Quel genre de mensonge devait-il être élaboré avec M. X ? », a demandé M. Biju-Duval.

« Le mensonge que nous devions préparer consistait à dire qu’il [M. Lubanga] avait enrôlé des enfants dans l’armée, que j’avais été parmi ces enfants et que je les avais vu. Et qu’il y avait de plus des jeunes filles [dans la milice de l’UPC] », a répondu le témoin.

« Pourquoi avez-vous accepté de rencontrer les enquêteurs pour leur mentir ? », a demandé M. Biju-Duval.

« Eh bien, à ce moment-là, il y avait de l’argent et ils m’ont payé à boire et ils m’ont poussé à agir, ils m’ont donné un peu d’argent et j’ai accepté de mentir. C’est ainsi que les choses se sont passées », a déclaré le témoin.

« Qui vous a donné de l’argent », a demandé M. Biju-Duval.

« M. X », a indiqué le témoin.

« Vous a-t-il dit autre chose ? Vous a-t-il promis quelque chose d’autre ? », a demandé M. Biju-Duval.

« Il ne m’a rien promis. Il ne m’a rien dit, il a indiqué qu’il allait quitter Bunia et se rendre dans le pays des hommes blancs », a répondu le témoin.

Le témoin n’a pas précisé combien il avait touché de la part de l’intermédiaire. Il n’a pas non plus indiqué ce qui s’était passé après qu’il ait rencontré les enquêteurs de la CPI à Kampala et qu’il leur ait dit être un ex-enfant soldat. La défense poursuivra demain l’interrogatoire de son témoin.

Plus tôt dans la journée, le septième témoin de la défense avait conclu son témoignage. Le jeune homme âgé de 25 ans a déclaré avoir servi en tant que garde du corps d’un frère de Bosco Ntaganda, qui aurait été le chef adjoint de l’état-major des FPLC. Il a témoigné en public bien que certaines parties de son témoignage se soient déroulées à huis clos.