- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Deux personnes témoignent alors que la défense enchaîne les plaintes

Cette semaine, la défense de Thomas Lubanga a cité deux témoins mais c’est la série de plaintes faites par les avocats de la défense contre l’accusation ainsi qu’à l’encontre des sténographes et traducteurs de la Cour qui a constitué l’élément le plus marquant du procès.

La défense a protesté, en particulier, contre le fait que, malgré diverses interventions des juges, les procureurs n’avaient toujours pas honoré leurs obligations de divulgation. De plus, les avocats de M. Lubanga ont signalé qu’il y avait de graves erreurs dans les transcriptions et les traductions, ce qui pourrait compromettre la qualité des témoignages apportés devant la Cour.

Mais ce ne sont pas ces questions qui ont précipité l’ajournement des audiences de vendredi. C’est plutôt la prise de conscience des procureurs sur le fait que la défense n’avait pas divulgué certaines informations décisives concernant le témoin actuel.

Le témoin, qui a indiqué avoir 25 ans, a déclaré à la barre être un ex-soldat de l’Union des patriotes congolais (UPC), le groupe que les procureurs de la Cour pénale internationale (CPI) allèguent avoir été dirigé par M. Lubanga. Les procureurs ont déclaré aux juges que la défense leur avait dissimulé ce fait et que, par conséquent, ils n’étaient pas prêts à mener le contre-interrogatoire de ce témoin sur certains aspects de son témoignage.

Le juge Adrian Fulford a accédé à la demande de l’accusation concernant l’obtention d’un délai supplémentaire afin de préparer le contre-interrogatoire du témoin mais a souligné que les juges devaient prendre conscience que de telles demandes pourraient entraîner des retards inacceptables pour le procès.

Au vu de l’avancement de la déposition de ce témoin, il semble que la défense ait omis d’informer l’accusation du fait qu’il avait été soldat dans l’UPC.

Peu avant que le témoin, le septième cité par la défense, ne se présente à la barre, la défense s’est plainte du fait que l’accusation n’honorait pas ses obligations de divulgation concernant certaines informations relatives à des témoins de la défense et de l’accusation.

L’avocat de la défense, Jean-Marie Biju-Duval, a signalé que, le 26 février 2010, la défense avait reçu deux documents relatifs à trois témoins de l’accusation qui auraient été pertinents pour le témoin de la défense qui venait de témoigner. M. Biju-Duval a indiqué que ces documents étaient en possession de l’accusation depuis 2005. Il a précisé que cette information aurait due, par conséquent, être divulguée à la défense avant que les témoins de l’accusation ne comparaissent afin de permettre à la défense de les interroger avec plus de précision.

M. Biju-Duval a indiqué un second cas dans lequel l’accusation aurait, d’après certaines informations, omis d’honorer son obligation de divulgation. Il a déclaré que cette semaine, lors du contre-interrogatoire du témoin 26, la défense avait eu l’impression que les procureurs étaient en possession de documents qui n’étaient pas connus de la défense.

M. Biju-Duval a soutenu que la question était donc de savoir si l’accusation avait ou non l’obligation de divulguer toutes les informations et les documents que les procureurs prévoyaient d’utiliser lors de leur contre-interrogatoire.

Les juges ont accordé aux procureurs un délai jusqu’au 11 mars 2010 afin qu’ils fournissent une réponse écrite aux plaintes de la défense.

Les avocats de Lubanga ont indiqué aux juges qu’il semblait que l’équipe de défense de Germain Katanga, un autre congolais jugé devant la CPI, avait obtenu plus d’informations concernant les quatre témoins communs aux deux procès, par rapport à ce que l’équipe de Lubanga avait reçu.

Les procureurs ont contesté cette plainte. Le juge Fulford était de l’avis des procureurs, soulignant que la défense de Lubanga avait, en réalité, bénéficié d’une divulgation plus large que la défense de Katanga.

Entre-temps, le premier témoin ayant comparu cette semaine a déclaré avoir été membre de l’UPC et a identifié les anciens chefs de l’UPC sur des photographies présentées par les procureurs. Il a indiqué que les photographies montraient des chefs de l’UPC portant des uniformes de l’armée ougandaise. La personne qu’il a identifiée comme étant Thomas Lubanga ne portait pas de vêtements militaires.

Les combattants de l’UPC ont été, à un moment donné, entraînés et armés par les soldats ougandais présents au Congo entre 19997 et 2003.

Le témoin, qui témoignait avec la voix et le visage déformés numériquement, a également identifié Bosco Ntaganda et Floribert Kisembo. Selon l’accusation, Ntaganda aurait été le chef adjoint de l’état-major des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), un groupe armé qui a utilisé des enfants soldats en 2002 et 2003. Bien que la CPI ait émis un mandat d’arrêt à l’encontre de Ntaganda en avril 2008, il demeure en fuite en RDC. M. Kisembo aurait été le chef d’état-major des FPLC.

Les procureurs de la CPI ont soutenu que Lubanga a été le commandant en chef des FPLC et a été accusé des crimes de guerre d’enrôlement, de conscription et d’utilisation d’enfants soldats lors d’un conflit armé.

Le procureur Olivia Struyven a demandé au témoin s’il connaissait la date à laquelle les photographies avaient été prises mais le témoin a fait part de son ignorance. Il a également indiqué qu’il ne savait pas où les photographies avaient été prises mais a ajouté, « on dirait le bureau du [village] de Mandro qui a été incendié ». Il n’a précisé ni l’affectation du bureau ni les personnes qui l’avaient incendié.

« Si j’indiquais que la photographie a été prise avant la mutinerie, avant que les personnes [combattants de l’UPC] ne soient emmenées à Kyankwanzi et à Jinja [camps d’entraînement militaires situés en Ouganda], cela changerait-il votre témoignage ? », a demandé le procureur.

« Je n’ai pas d’autres informations à donner », a déclaré le témoin qui a apporté l’essentiel de son témoignage à huis clos.

Le procès reprendra lundi.