- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Les avocats de Lubanga souhaitent qu’un témoin « vulnérable » témoigne par lien vidéo

Les avocats de Thomas Lubanga ont demandé l’autorisation pour que l’un des témoins de la défense témoigne par lien vidéo depuis l’Ituri, en République démocratique du Congo (RDC). Ils ont indiqué que le voyage jusqu’à La Haye pourrait être problématique pour un témoin « extrêmement vulnérable ».

Les juges Adrian Fulford, Elizabeth Odio Benito et René Blattmann ont décrété le 10 février 2010 que la loi permettait aux témoins de déposer de manière électronique pour différents motifs.

Ils n’ont toutefois pas accédé à la demande de la défense et ont préféré demander à l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins (VWU) de la Cour une évaluation des questions soulevées par la défense afin de conseiller les juges pour savoir si un témoignage aux Pays-Bas serait particulièrement préjudiciable au témoin et si l’utilisation d’un lien vidéo serait une alternative raisonnable pour ce dernier.

Les juges ont néanmoins souligné que les circonstances personnelles indiquées pour le témoin tendaient, à première vue, à conclure que le fait de lui demander de voyager jusqu’à La Haye pour apporter son témoignage serait préjudiciable à son bien-être psychologique et à sa dignité.

« En se basant sur les observations de la défense, la modification d’environnement pourrait être extrêmement déstabilisante et déroutante pour le témoin, étant donné ses circonstances familiales et sa méconnaissance des standards de vie européens », ont indiqué les juges.

La défense a décrit le témoin comme étant une personne « extrêmement vulnérable » et a précisé qu’elle subirait un grand préjudice ainsi que des souffrances si elle devait voyager pour comparaître devant la Cour. La défense a précisé qu’elle avait environ quarante-cinq ans et qu’elle résidait dans une zone relativement inaccessible, ajoutant que le témoin vivait dans des conditions de grande pauvreté et n’avait jamais voyagé auparavant.

La défense a déclaré que le témoin n’avait jamais utilisé de toilettes, d’évier ou de téléphone. Étant donné la longueur du séjour dans la capitale congolaise Kinshasa qui lui serait nécessaire dans un premier temps pour obtenir un passeport et le temps passé ensuite aux Pays-Bas, la défense a suggéré que cela constituerait une expérience traumatisante pour elle et qu’elle serait totalement désemparée et perdue dans cet environnement inconnu.

Selon la défense, son témoignage concernerait deux témoins de l’accusation. Elle devrait apporter une preuve en contradiction à l’affirmation de l’un des témoins qui a indiqué être sûr que sa mère était morte.

Les représentants légaux se sont opposés à la demande de la défense, faisant observer qu’elle n‘était pas fondée sur le fait que le témoin était incapable de voyager jusqu’à La Haye ou qu’il avait refusé de déposer en personne mais qu’elle était plutôt fondée sur sa prétendue vulnérabilité.

Les représentants légaux ont également fait remarquer que la demande n’émanait pas du VWU ou du témoin mais de la défense. Ils ont allégué que puisque les partisans de Lubanga étaient influents à Bunia, ils pourraient avoir des contacts avec le témoin et influencer son témoignage.

Les juges ont indiqué que le Statut de Rome exigeait que la Cour prenne les mesures appropriées pour protéger la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et la vie privée des victimes et des témoins.

Le Statut permet également aux témoins d’effectuer une déposition par des moyens électroniques. L’article 69(2) du Statut prévoit que la Cour peut « autoriser un témoin à présenter une déposition orale ou un enregistrement vidéo ou audio et à présenter des documents ou des transcriptions écrites… ».

« Contrairement à l’assertion des représentants légaux, les demandes de témoignage via un lien vidéo ne sont pas limitées aux deux situations suggérées, à savoir lorsque le témoin a refusé de se présenter devant la Cour ou lorsqu’il est dans l’incapacité de le faire », ont affirmé les juges.

Les juges trancheront définitivement sur cette demande de la défense après avoir entendu les conclusions du VWU. La Cour pénale internationale accuse Lubanga d’avoir été le commandant en chef des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), une milice qui a utilisé des enfants soldats dans des combats interethniques ayant eu lieu en République démocratique du Congo.

L’équipe de défense de Lubanga est actuellement au Congo pour mener des recherches complémentaires pour leurs preuves à décharge. Le procès reprendra le mercredi 3 mars 2010.