Résumé hebdomadaire

19 Février 2010

Les témoins de Lubanga évitent de témoigner en public

Par Wairagala Wakabi

Cette semaine, les deux témoins cités par la défense de Thomas Lubanga ont apporté leur témoignage à huis clos et n’ont, par conséquent, pas fourni d’indications sur leurs identités ou sur les questions abordées lors de leurs dépositions.

Avant de procéder à une suspension du procès pour deux semaines afin de permettre à la défense de mener des recherches en République démocratique du Congo (RDC), la Cour a reçu de la part des avocats de Lubanga une demande d’autorisation à échanger des informations avec l’équipe de défense de German Katanga, un autre ancien chef congolais jugé à la Cour pénale internationale (CPI).

Lundi, au moment où le premier témoin de la semaine cité par la défense devait se présenter à la barre, l’ouverture de l’audience a été repoussée d’une heure et demie en raison de ce que le juge Fulford a qualifié de « difficultés » rencontrées par la défense en début de journée.

Le juge a fait allusion à ces difficultés lorsque l’audience a finalement débuté. « “Nous comprenons totalement les difficultés que vous avez rencontrées aujourd’hui. Nous vous remercions d’avoir contacté rapidement la Cour et de nous avoir, en dépit de ces problèmes, permis de sauver une partie de l’après-midi », a-t-il déclaré. Il n’a pas précisé la nature de ces difficultés.

Après avoir prêté serment en public, le témoin a apporté le reste de son témoignage à huis clos. Le deuxième témoin a également prêté serment en public puis la totalité de sa déposition s’est déroulée à huis clos.

L’ensemble des témoins présentés cette semaine par la défense ont témoigné avec des mesures de protection telles que la déformation numérique de la voix et du visage.

Le tout premier témoin, qui a affirmé être le père d’un témoin de l’accusation en précisant que son fils avait menti à la Cour sur le fait d’avoir été enfant soldat, a également bénéficié de mesures de protection bien que les avocats de la défense aient indiqué qu’il avait précédemment promis de témoigner sans protection.

Les deuxième et troisième témoins de la défense ont témoigné à visage découvert et ont également décliné leurs identités. L’essentiel de leurs témoignages s’est toutefois déroulé à huis clos.

Lubanga est accusé des crimes de guerre d’enrôlement, de conscription et d’utilisation d’enfants soldats lors des conflits interethniques qui ont déchirés la République démocratique du Congo (RDC) en 2002 et 2003. L’argumentation de la défense a débuté le 27 janvier 2010. L’accusation avait commencé la présentation de ses éléments le 26 janvier 2009 et l’avait conclu le 14 juillet dernier.

Entre-temps, mardi, le procès avait été rapidement ajourné après que la défense ait remarqué la présence d’erreurs dans la transcription anglaise du témoignage apporté par le quatrième témoin de la défense.

Catherine Mabille, l’avocate principale de la défense, avait demandé un ajournement qui lui avait été accordée par le juge Adrian Fulford deux heures avant l’horaire prévu pour la levée de la séance du jour.

Mabille avait souligné la présence de deux noms cités par le témoin dans la transcription française alors que la transcription anglaise n’en comportait qu’un. Elle avait indiqué que puisqu’elle avait l’intention d’interroger le témoin sur ce nom lors de son réinterrogatoire, la divergence entre les transcriptions pourrait poser problème.

Le 17 février, l’équipe de défense de Lubanga avait demandé aux juges de l’autoriser à échanger des informations avec les avocats de Germain Katanga, un autre ancien chef congolais jugé à la Cour pénale internationale.

L’avocat de la défense Jean-Marie Biju-Duval a déclaré aux juges que les deux procès avaient en commun quatre témoins et que c’est à propos de ces témoins que les équipes de défense souhaitaient se rencontrer et échanger des information.

Le procureur Nicole Samson a indiqué que les procureurs, que ce soit dans l’affaire Katanga ou dans l’affaire Lubanga, étaient opposés aux réunions proposées et au partage d’informations entre les équipes de la défense.

Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, également un ressortissant congolais, sont accusés conjointement de trois crimes contre l’humanité et de sept crimes de guerre. La CPI allègue que les deux hommes ont dirigé des milices qui ont utilisé des enfants soldats et qui ont commis des atrocités contre les membres du groupe ethnique Hema en République démocratique du Congo (RDC).

L’Union des patriotes congolais (UPC), que Lubanga aurait dirigé, était majoritairement composée d’Hemas et avait combattu les groupes que la CPI affirme avoir été dirigés par Katanga et Ngudjolo.

« La défense doit partager des informations concernant ces témoins… C’est notre droit et nous en avons besoin », a déclaré Biju-Duval. « Nous pensons qu’il est utile et nécessaire pour les équipes de défense de partager les résultats de leurs recherches. Rien ne s’y oppose. Cela ne peut que contribuer à l’établissement de la vérité ».

Samson a déclaré aux procureurs ne pas voir comment il était possible d’échanger des informations sans violer les ordonnances de restrictions d’accès aux informations concernant les cas particuliers.

« Les informations sont connues des équipes de la défense et il est possible qu’au cours des échanges les informations qui sont protégées dans une affaire soient révélées, non intentionnellement, dans l’affaire », a-t-elle déclaré.

Le juge Adrian Fulford a indiqué qu’empêcher les équipes de défense de communiquer serait une dénégation de leurs droits à la liberté d’expression et d’association et représenterait également un obstacle à la préparation de leurs argumentations.

Mais Samson a toutefois rétorqué que bien que chaque équipe de la défense était consciente des ordonnances qui lui étaient imposées par les tribunaux concernant la divulgation des informations, il n’y avait aucun moyen de surveiller la communication qui s’établirait entre les équipes. Elle a ajouté que chaque élément de preuve d’un document établi par le BdP n’était pas toujours d’un intérêt égal dans les deux affaires.

Les juges ont indiqué qu’ils statueraient sur cette question après avoir reçu les propositions relatives aux limitations spécifiques qui ont été imposées à la divulgation des informations pour les deux procès.

Entre-temps, jeudi, le procès a été suspendu afin de permettre aux avocats de la défense de se rendre en République démocratique du Congo (RDC) pour mener ce que le juge Fulford a qualifié de « recherche décisive ». Il n’y a aura pas, par conséquent, d’audience jusqu’au 3 mars 2010.

Le juge Fulford a poussé aujourd’hui l’équipe de défense et les représentants de l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins (VWU) à se rencontrer et à résoudre le problème en suspend qu’il a indiqué être lié à la recherche que la défense souhaitait mener lors de sa visite en RDC la semaine prochaine.

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