- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Le témoin de Lubanga a déclaré avoir été payé 200 dollars pour mentir

Aujourd’hui, un témoin a déclaré au procès de Thomas Lubanga, accusé de crimes de guerre, que des intermédiaires de la Cour pénale internationale (CPI) l’avaient payé 200 dollars américains pour qu’il convainque son neveu d’apporter un faux témoignage contre l’accusé.

Selon les témoignages entendus aujourd’hui et durant la semaine dernière, le garçon aurait par la suite témoigné en tant que témoin de l’accusation et aurait prétendu être un ex-enfant soldat de la milice de Lubanga. Le père du garçon était le premier témoin cité par la défense et il a déclaré à la barre que son fils, qui n’avait servi dans aucun groupe armé, avait menti à la Cour à propos du fait d’avoir été un combattant de l’Union des patriotes congolais (UPC), le groupe que Lubanga aurait dirigé.

Le témoin d’aujourd’hui, qui a commencé sa déposition la semaine dernière, a indiqué que contre les 200 dollars qu’il avait reçu, il avait également donné aux fonctionnaires de la CPI la permission de prendre des radiographies du garçon afin de permettre de déterminer son âge. Il avait dû, de plus, cacher aux responsables de la Cour qu’il connaissait Lubanga et qu’il savait que l’UPC utilisait des enfants soldats.

Se présentant comme un agriculteur de Bunia, une ville de l’est du Congo, le témoin a déclaré devant le tribunal présidé par le juge Adrian Fulford que les fonctionnaires de la CPI qu’il avait rencontré en 2007 ne s’étaient pas rendu compte que leurs intermédiaires l’avaient payé.

Il a indiqué avoir rencontré les fonctionnaires de la CPI et leurs intermédiaires par deux fois, à Beni, en Ituri, une province de l’est du Congo, et à Kinshasa, la capitale du pays. « Il y avait trois personnes blanches et une noire. Le seconde fois, il y avait deux personnes blanches et deux noires », a-t-il précisé à propos des rencontres.

L’avocate de la défense Catherine Mabille a demandé au témoin pourquoi il leur avait dit connaître Lubanga alors qu’il a déclaré à la barre ne pas le connaître.

« Je jouais un rôle, répétant ce qui avait été préparé [par les intermédiaires]. C’était pour l’argent. Les blancs ne connaissent pas cela mais nous, les noirs, si. On m’avait indiqué ce que je devais leur dire », a-t-il déclaré.

Le témoin a expliqué que le garçon qui devait ensuite témoigner en tant que témoin de l’accusation avait également rencontré ces fonctionnaires. Il a ajouté que, à la période où il avait rencontré les fonctionnaires de la CPI, il avait déjà donné son accord aux intermédiaires pour que le garçon accepte toutes demandes des fonctionnaires de la CPI.

Le témoin a effectué sa déposition sans aucune mesure de protection telles que la déformation numérique de la voix et du visage et a donné son nom à la Cour. Mais une partie de son témoignage s’est toutefois déroulée à huis clos. Le premier témoin de la défense a demandé à bénéficier de mesures de protection bien qu’il ait d’abord indiqué vouloir témoigner en séance publique.

La déposition de ces deux premiers témoins de la défense a confirmé la déclaration de Mabille affirmant qu’elle apporterait des témoignages pour démontrer que tous les témoins qui s’étaient présenté en tant qu’ex-enfants soldats étaient des faux témoins et que les intermédiaires du Bureau du Procureur (BdP) avaient fabriqué les témoignages et avaient coaché les témoins de l’accusation.

Le témoin d’aujourd’hui a déclaré que bien que les intermédiaires de la CPI lui avaient promis au départ qu’ils le feraient déménager vers la Tanzanie voisine ou vers une autre ville congolaise, ils l’avaient ensuite menacé de l’emprisonner s’il les « trahissait ».

Il a précisé que sa vie est devenue encore plus difficile lorsque sa famille et ses voisins avaient appris ses relations avec les fonctionnaires de la CPI et avaient menacé de lui faire du mal. Il a indiqué que sa femme avait abandonné le domicile et qu’il avait également fui sa maison pour se réfugier dans la brousse par peur d’être attaqué.

« Les gens voulaient me frapper, des gens qui appartenaient à ma propre famille », a-t-il déclaré. « Ce que nous avons fait n’était pas bien parce que nous avons presque vendu l’enfant de quelqu’un… ils nous ont donné 200 dollars mais c’était pour la nourriture. Ce n’était même pas pour lui acheter des vêtements ».

Le procureur Nicole Samson lui a demandé quelles étaient les personnes de sa famille qui voulaient lui faire du mal.

« Même mes grands frères tentaient de faire pression sur moi… On m’a dit que je vendais des personnes et que je prenais l’argent pour trahir les gens », a-t-il expliqué.

Le témoin a déclaré que, par la suite, il s’était rendu auprès des chefs du village pour leur demander pardon. Les chefs l’avaient alors mis en rapport avec le secrétaire général de l’UPC qui lui avait ensuite conseillé de parler aux avocats de Lubanga.

Samson a demandé au témoin si les dirigeants de l’UPC lui avaient donné de l’argent pour témoigner en tant que témoin de la défense.

« Ils ont formellement refusé », a répondu le témoin. « J’ai demandé de l’argent et ils ont répondu non… Ils ont dit qu’ils n’étaient pas des voleurs et qu’ils ne voulaient pas acheter mon témoignage ».