Rapports quotidiens

28 Janvier 2010

Le témoin: mon fils n’a jamais été enfant soldat

Par Wairagala Wakabi

Le premier témoin à comparaître pour la défense de Thomas Lubanga a déclaré aujourd’hui à la Cour que bien que son fils n’ait jamais servi dans aucun groupe militaire, une organisation qui avait promis un travail au garçon a tenté ensuite de le faire passer pour un enfant soldat.

D’après le témoignage, l’organisation anonyme a également trompé la mère et l’oncle de l’enfant en leur faisant croire qu’elle offrirait une bourse d’étude au garçon. Il semblerait que l’organisation possédait des bureaux dans une ville du nord-est du Congo, Beni, et dans la capitale, Kinshasa.

Ce témoignage va dans le sens des allégations de l’avocate principale de la défense, Catherine Mabille, tenues mercredi lors de l’exposé introductif de la défense, soutenant qu’un grand nombre de témoins de l’accusation qui prétendaient avoir été des enfants soldats ne l’avaient jamais été.

Mabille a déclaré que la défense démontrerait que six d’entre eux n’ont jamais été enfant soldat, que le septième a menti sur son âge et sur les conditions dans lesquelles il a été enrôlé et que le huitième n’a jamais appartenu à l’Union des patriotes congolais (UPC). Le témoignage, qui s’est déroulé pour l’essentiel à huis clos, n’a pas clairement indiqué si le fils du présent témoin a comparu en tant que témoin de l’accusation.

Lubanga, que la Cour pénale internationale (CPI) allègue avoir été le fondateur de l’UPC, est accusé de la conscription, de l’enrôlement et de l’utilisation d’enfants soldats lors de conflits armés s’étant déroulés en 2002 et 2003.

Lors de l’audience d’aujourd’hui, le témoin a expliqué comment son fils désobéissant, qui avait disparu du domicile en 2007, avait fini dans les mains de personnes qui ont ensuite prétendu qu’il avait été enfant soldat.

Plus tôt dans la journée de mercredi, lorsque le témoin avait été le premier à se présenter à la barre après l’exposé introductif de la défense, il avait déclaré qu’en 2002 et 2003, il était demeuré chez lui avec son fils et, qu’à aucun moment, ce dernier n’avait servi dans un groupe militaire. Le témoin, afin de protéger son identité, a témoigné sans être visible du public, sa voix et son visage étant numériquement déformés lors de la transmission des séances de la Cour.

Il a expliqué aujourd’hui comment son fils, accompagné de son oncle, a voyagé jusqu’à Beni, pour se rendre dans les bureaux d’une organisation qui avait promis de donner un travail au garçon. Il n’a pas précisé en séance publique l’année de ce déplacement à Beni.

Le procureur Manoj Sachdeva a demandé au témoin si l’oncle de l’enfant lui avait indiqué si les employés de cette organisation avaient interrogé son fils sur son expérience d’enfant soldat.

Le témoin a ensuite exposé ce que l’oncle lui avait raconté de cette visite dans les locaux de l’organisation.

« Lorsqu’ils se sont rendus à Beni, l’enfant a été emmené dans un autre bureau et ce dernier n’a jamais parlé de ce dont ils avaient discuté dans ce bureau. Sur le chemin du retour du second voyage, en atteignant Kisangani (une ville congolaise), ils ont été abandonnés dans un hôtel pendant une semaine. Ils ont appelé la personne qui avait effectué le voyage avec eux et cette dernière leur a indiqué qu’ils ne pouvaient plus retourner en Ituri car ils n’y seraient plus en sécurité.

« Il a donc été très étonné, ils ont été très surpris puis ils ont été emmenés à Kinshasa. Une fois sur place, après une attente de trois jours, l’oncle a été invité dans un bureau où il a rencontré deux personnes, un homme blanc et un africain. Ces personnes lui ont demandé s’il savait si l’enfant avait effectué son service militaire. Il a été très surpris et a tenté ensuite de rentrer.

« Il leur a demandé de revenir chez lui avec l’enfant. On lui a répondu qu’il devrait renter seul car l’enfant ne partirait pas avec lui. Il a alors appelé le garçon et lui a demandé de revenir avec lui mais ce dernier lui a déclaré : « Je ne peux rentrer, j’ai encore des choses à faire ici ». C’est l’explication qu’il nous a donné ».

Sachdeva a ensuite demandé au témoin si l’oncle lui avait indiqué la raison pour laquelle les personnes avaient rencontré son fils lors de son premier déplacement à Beni.

« Je dirais que lorsqu’ils étaient à Beni, la raison a été tenue secrète. Lorsqu’ils sont arrivés à Kinshasa, ils ne se sont pas rendus ensemble dans les bureaux », a indiqué le témoin. « Ils se sont déplacés séparément et lorsqu’il a posé la question au garçon, ce dernier a déclaré qu’il ne lui dirait pas le vérité sur ce qui s’était passé dans le bureau ».

Le témoin s’est également souvenu de la manière dont un étranger avait visité sa maison et convaincu sa femme de signer des papiers prétendument associés à l’éducation de son fils qui était parti de la maison.

« Il a commencé à parler et à rassurer la femme en lui demandant de ne pas s’inquiéter car l’enfant était vivant et étudiait très bien, etc. Et il a ajouté qu’il y avait des personnes qui l’aidaient à étudier et qui souhaitaient rencontrer… ma femme afin qu’ils puissent la voir », a précisé le témoin. « Par la suite, nous avons préparé du café, elle a prié et puis… avant de partir, il a dit à ma femme qu’elle devait se rendre en ville afin de rencontrer ces personnes dans les bureaux où ils travaillaient ».

Bien qu’il ait découragé sa femme de s’impliquer « dans une affaire sur laquelle elle n’avait aucun contrôle », elle avait insisté pour visiter les bureaux de cette organisation.

« Une fois sur place, on a dit à ma femme que pour que l’enfant puisse étudier gratuitement, les blancs qui l’aidaient aimeraient qu’elle signe une lettre et qu’ils aideront ainsi l’enfant à étudier puis qu’ils le ramèneront.

« Lorsque la mère a entendu cette dernière information, elle signa le papier ». Puis elle revint à la maison et me raconta son voyage. Je lui ai dit qu’il y avait des risques par rapport à ce qu’elle avait signé. Et peu de temps après, nous en avons constaté les conséquences. C’est alors que les problèmes ont commencé et cela continue ».

Le témoin poursuivra son témoignage lundi prochain.

Mots clés: , , , , ,