- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Les victimes se rappellent des mauvais traitements subis dans les camps de l’UPC

D’anciens enfants-soldats incorporés à la milice de l‘Union des patriotes congolais (UPC), le groupe que l’accusé de crimes de guerre Thomas Lubanga est censé avoir dirigé, ont raconté cette semaine des récits de torture, de punitions corporelles au fouet et de sanctions brutales de garçons et de filles, intégrés au groupe armé.

Deux anciens enfants-soldats ont témoigné pendant le procès Lubanga devant la Cour pénale internationale (CPI) sur la manière dont les combattants de l’UPC les auraient arrêtés et soumis à des traitements cruels pendant l’entrainement dans les camps militaires du groupe à l’est de la République démocratique du Congo. Les deux, qui déclarèrent avoir été des élèves au moment de leur enlèvement, ont affirmé au Président de la Cour, le Juge Adrian Fulford, que Lubanga était le chef de l’UPC et que l’UPC disposait d’enfants-soldats.

Les deux anciens enfants-soldats ont donné des preuves en qualité de victimes participant au procès. Ils ont témoigné séparément, et de même que  pour la première victime à avoir jamais témoigné au procès qui a soumis des preuves la semaine dernière, leurs visages et leurs voix ont été dissimulés afin de protéger leur identité. 

Les témoins ont déclaré que la torture des recrues était couramment pratiquée dans les camps de l’UPC. Les punitions étaient infligées aux recrues sans tenir compte de leur âge ou de leur sexe.

« Ils nous punissaient en nous mettant dans des trous où il fallait se tenir debout », a déclaré vendredi un témoin. Parfois les recrues étaient forcées de se rouler dans de l’eau sale, si elles commettaient des infractions, a-t-il déclaré.   Et ils étaient fouettés s’ils n’arrivaient pas à exécuter les exercices en temps de pluie.

Les témoins ont affirmé que l’UPC a envoyé des enfants-soldats au front où certains furent tués. Les deux témoins à la barre cette semaine ont déclaré à la Cour avoir été blessés par balle au combat.

Lubanga, que la CPI a déclaré être le chef de l’UPC, est accusé des crimes de guerre d’enrôlement, de conscription et d’emploi d’enfants-soldats dans la République démocratique du Congo en 2002 et 2003.

Une des victimes a témoigné que les combattants de l’UPC l’ont enlevé,  fait prisonnier, puis emmené dans un camp où il fut entraîné au combat dans des conditions très brutales.  Par la suite, il prit part à la bataille de Bogoro – au cours de laquelle nombreux sont ses amis qui furent tués – après quoi, il échappa à la milice.

Le second déclara que des hommes de l’UPC l’enlevèrent pendant qu’il rentrait de l’école et l’emmenèrent dans leur camp d’entrainement, proche de l’agglomération de Bule. Il ajouta que ni ses geôliers ni ses instructeurs ne lui ont jamais son âge.

Le Procureur, Olivia Struyyen, a demandé au témoin quel âge avaient les recrues qui se trouvaient dans le camp.  Il répondit ne pas connaître leur âge, mais certains avaient son âge, d’autres étaient plus âgés.  Le témoin n’a pas révélé son âge pendant l’audience publique, mais il s’est décrit comme ayant été un enfant-soldat.  La plus grande partie des témoignages des deux victimes eu lieu à huis clos.

L’avocat de Lubanga, Marc Desalliers, a demandé à l’une des victimes de confirmer avoir été enlevée au cours de la seconde moitié de 2003, comme il l’avait dit auparavant à la Cour.

« Nous sommes actuellement en 2010. Il serait impossible pour moi de dire si c’était à la fin ou au début [du mois].» « Il est difficile pour moi de répondre à cette question et je ne peux y donner qu’une réponse erronée. »

Tout en interrogeant le témoin sur la configuration de Bogoro, les vêtements que portaient les ennemis de l’UPC ainsi que la manière dont les combattants de l’UPC se sont rendus sur le front, Desalliers a déclaré, « si je suggérais que l’UPC n’a jamais été attaquée par le FNI [la milice armée du Front des nationalistes et des intégrationnistes] au second camp, souhaiteriez-vous modifier ce que vous avez dit ? »

Le témoin déclara ne pas comprendre où voulait en venir l’avocat de la défense.

Desalliers dit alors qu’il essayait de faire voir au témoin que l’UPC n’avait jamais été attaquée au camp où le témoin avait déclaré avoir été entrainé.

Le témoin répondit qu’il ne comprenait toujours pas où voulait en venir Desalliers.

Le Juge Fulford est intervenu, conseillant à l’avocat de la défense que des questions plus directes auraient des meilleurs résultats qu’« un style plus baroque de défendre ses intérêts. »

« La procédure plutôt formelle qui est efficace pour questionner des banquiers et des professionnels de la finance, peut porter ses fruits auprès de témoins de cette [nature, mais] pour ceux qui ignorent tout des procédures pénales de cette nature, elle est difficile à comprendre », a déclaré le juge.

Ce témoin ne pouvait se souvenir du mois ni de la date à laquelle il aurait quitté l’armée, ni de la durée de son intégration à l’UPC.

« Nous comprenons parfaitement bien que vous ne soyez pas en mesure de répondre facilement aux questions portant en particulier sur les dates de faits passés depuis plusieurs années ainsi que sur l’âge des personnes », a déclaré le Juge Fulford.
  « Ne soyez pas confus lorsque cela se produit…faites de votre mieux et essayez de répondre aux questions, mais prenez tout votre temps avant de répondre aux questions de M. Desalliers. »

Les avocats de la défense de Lubanga ont interrogé les victimes à loisir au sujet des circonstances selon lesquelles elles auraient rejoint l’UPC, la manière dont elles furent blessées, s’il y avait des enfants-soldats combattant aux côtés de l’UPC et si les victimes ont réellement combattu pendant les batailles auxquelles elles prétendent avoir pris part.