Résumé hebdomadaire

15 Janvier 2010

Procès Lubanga : des victimes racontent la brutalité de l’UPC et demandent réparation

Par Wairagala Wakabi

Cette semaine, le procès de Thomas Lubanga, accusé de crimes de guerre, s’est focalisé sur les atrocités que les combattants de l’Union des patriotes congolais (UPC) ont commis sur les civils et les enfants soldats. Une des victimes participantes qui s’est présenté à la barre a demandé réparation.

Selon le témoignage de deux victimes participantes, les miliciens de l’UPC ont enlevé plusieurs enfants âgés de moins de 15 ans, dont certains ont été arraché d’une école que les combattants ont ensuite transformé en base militaire. La violence sexuelle contre les filles soldats, les punitions cruelles des enfants lors de l’entraînement militaire et la torture de civils ont figuré parmi les terribles brutalités que les deux victimes ont relatées. Les témoins ont tous deux déclaré que Lubanga était le chef de l’UPC.

Jeudi, un ex-enfant soldat, qui avait indiqué avoir été enlevé par des combattants de l’UPC et enrôlé dans la milice, a signalé à la Cour présidée par le juge Adrian Fulford qu’un grand nombre d’enfants, garçons et filles, était présents dans les centres d’entraînement de l’UPC et que certains d’entre eux étaient morts dans les combats. Il également déclaré que les commandants de l’UPC avaient eu des relations sexuelles avec des filles soldats qui pouvaient avoir 13 ou 14 ans.

Il a précisé que des hommes et des femmes étaient présents dans le camp de l’UPC dans lequel il avait suivi un entraînement. « Les filles étaient des soldats tout en étant les femmes des commandants », a-t-il déclaré. Interrogé par le procureur Nicole Samson pour savoir si les recrues féminines et masculines étaient traitées de la même manière, il a répliqué : « Les filles belles n’étaient pas traitées de la même manière que les garçons. Mais les autres filles étaient traitées comme les garçons ». Les jolies filles devaient également apprendre le maniement des armes et devenir des soldats.

L’ex-enfant soldat a déclaré que les commandants de l’UPC lui avaient ordonné de les emmener dans les maisons des riches habitants de son village et de leur trouver de belles jeunes filles. Il avait trouvé trois filles que les commandants de l’UPC avaient emmenées mais il ne savait pas ce qu’ils avaient fait à ces filles.

Évoquant un combat auquel il avait pris part en 2003 en tant que combattant de l’UPC, il a déclaré : « Ce jour-là, des personnes ont été tuées. J’ai vu des gens mourir à côté de moi. Ils tombaient comme des mouches. Même les amis avec lesquels nous étions étaient morts. Les commandants mourraient également. C’était terrible ». Il a indiqué que le combat avait eu lieu à Bogoro, dans la province de l’Ituri de la République démocratique du Congo (RDC). Il a également évoqué les épreuves subies lors de l’entraînement, racontant qu’ils étaient souvent fouettés sans aucune raison et qu’ils mangeaient parfois des haricots mélangés à du sable au lieu de sel. Lorsqu’une fois, il avait eu de la diarrhée, il avait mâché du charbon jusqu’à ce qu’il se sente mieux.

Il a déclaré à la Cour que les combattants de l’UPC qui s’enfuyaient du front étaient exécutés lorsqu’ils étaient capturés. Ils auraient été attachés à un arbre, leurs yeux bandés, puis des soldats placés à 15 ou 20 mètres des auteurs du délit auraient tiré sur ces derniers jusqu’à ce qu’ils soient assurés de leur mort.

« Ils ont continué à tirer jusqu’à ce que leurs corps soient réduit en petits morceaux », a-t-il indiqué, ajoutant qu’il avait assisté à de telles exécutions. Sur le champ de bataille, un combattant pouvait être abattu par un camarade s’il était soupçonné de s’enfuir du front.

Il a également raconté comment les commandants donnaient aux combattants, avant qu’ils n’aillent se battre, du cannabis et un liquide servi dans une calebasse ayant la forme d’un crâne humain. « Nous le buvions et nous ne ressentions aucune peur… nous nous dirigions sur l’ennemi même si nous voyions nos frères mourir ».

La semaine avait commencé avec le témoignage d’un ancien enseignant qui a déclaré que des miliciens de l’UPC l’avaient frappé avec la crosse de leurs armes lorsqu’il avait tenté de les empêcher d’enlever ses élèves d’une école de Mahagi, dans l’est de la RDC. Il était la première victime participante à témoigner à la Cour pénale internationale (CPI). Il a indiqué que les coups qu’il avait reçus de la part de miliciens de l’UPC avaient déformé son visage et qu’il souffrait de troubles psychologiques résultant de ces coups. Il a précisé avoir également perdu son école.

Il a déclaré que les raisons pour lesquelles il témoignait étaient d’une part d’informer le monde entier des crimes commis contre son peuple par la milice que Lubanga aurait dirigée et d’autre part de demander réparation pour son village. Le témoin a ajouté qu’à son avis les charges auxquelles Lubanga doit répondre, à savoir l’enrôlement, la conscription et l’utilisation d’enfants soldats, étaient « insignifiantes » par rapport à ce que les habitants de son village avaient enduré. « Il y a eu des meurtres, des morts violentes, l’esclavage sexuel et de la violence sexuelle », s’est remémoré le témoin anonyme.

Joseph Keta, l’avocat de la victime, lui a demandé pourquoi il avait choisi de témoigner malgré les risques qu’une telle décision impliquait. Le témoin a répondu qu’il s’agissait d’une opportunité pour raconter au sein d’un tribunal international les graves délits commis dans son village de l’est de la République démocratique du Congo pendant l’année 2003, lorsque la milice de l’UPC combattait le Front des nationalistes et intégrationnistes (FNI).

Les deux témoins avaient leurs visages et leurs voix déformés numériquement lors des transmissions des audiences afin de protéger leur identité. Les avocats des victimes ont déclaré que lorsque les juges auront compris les circonstances entourant la manière dont les enfants avaient rejoint le conflit armé ainsi que les souffrances subies par eux-mêmes et les autres victimes, si l’accusé est déclaré coupable et que des réparations sont déterminées pour les victimes, ces éléments seront alors pris en compte.

Luc Walleyn, un des représentants légaux des victimes, a indiqué lors d’une interview au site Web du procès Lubanga : « Il est important pour les communautés qui suivent le procès d’entendre les voix des victimes et de comprendre que ces jeunes gens qui appartenaient à cette milice ne doivent pas être considérés comme des criminels mais comme des victimes ».

Le total des victimes participant au procès est de 103. Avant cette semaine, leurs représentants légaux avaient été toujours présents lors des audiences de la Cour et avaient interrogé certains des témoins cités par l‘accusation. En outre, au milieu de l’année dernière, ils ont fait la demande, en vain, auprès de la Cour d’ajouter les charges de crimes sexuels et de traitement inhumain à l’encontre de Lubanga. Jusqu’à présent, aucune victime n’avait joué ce rôle auprès de tribunaux internationaux.

Conformément au Statut de Rome, le document fondateur de la CPI, il est possible d’obtenir des réparations individuelles ou des réparations collectives, bien que certains experts juridiques considèrent que la Cour devrait élaborer des textes sur cette question des réparations de manière plus détaillée que ce qui est stipulé dans le Statut de Rome.

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