Rapports quotidiens

12 Janvier 2010

Une victime a indiqué à la Cour que son village demandait réparation

Par Wairagala Wakabi

Mardi, la première victime à se présenter à la barre lors du procès de l’ancien chef de milice congolais Thomas Lubanga a déclaré à la Cour que les raisons pour lesquelles elle témoignait étaient d’une part sa volonté d’informer le monde entier des crimes commis contre son peuple par la milice que Lubanga aurait dirigé et d’autre part de demander des réparations pour son village.

Joseph Keta, l’avocat de la victime, lui a demandé pourquoi il avait choisi de témoigner malgré les risques qu’une telle décision impliquait. Le témoin a répondu qu’il s’agissait d’une opportunité pour raconter au sein d’un tribunal international les graves délits commis dans son village de l’est de la République démocratique du Congo pendant l’année 2003, lorsque la milice de l’Union des patriotes congolais (UPC) combattait le Front des nationalistes et intégrationnistes (FNI). Le témoin, qui a dit être enseignant à l’époque des faits, avait le visage et la voix numériquement déformés lors de la transmission des séances de la Cour pour protéger son identité.

Il a indiqué que bien que les milices de l’UPC (que Lubanga aurait dirigé) et du FNI aient commis plusieurs crimes dans son village, cette zone était devenue une « zone oubliée » qui n’avait jamais fait l’objet d’enquêtes sérieuses de la part de la Cour internationale. Par conséquent, le fait de comparaître au procès Lubanga « était une opportunité pour nous afin d’être en mesure de [raconter] au monde ce qui s’était passé… et de demander réparation si possible ».

Le témoin a ajouté qu’à son avis, les charges auxquelles Lubanga doit répondre, à savoir l’enrôlement, la conscription et l’utilisation d’enfants soldats, étaient « insignifiantes » par rapport à ce que les habitants de son village avaient enduré. « Il y a eu des meurtres, des assassinats, de l’esclavage sexuel et de la violence sexuelle », a raconté le témoin anonyme.

Le témoignage de ce témoin peut être considéré comme important sur plusieurs plans : tout d’abord, il est unique par le fait qu’il s’agit de la première fois qu’une victime se présente à la barre de la CPI pour raconter son histoire. Ensuite, ce témoin est important parce qu’il a indiqué être venu à la Haye en partie pour demander des réparations pour les violences subies par sa communauté et lui-même.

Conformément au Statut de Rome, le document fondateur de la CPI, il est possible d’obtenir des réparations individuelles ou des réparations collectives, bien que certains experts juridiques considèrent que la Cour devrait élaborer des textes sur cette question des réparations de manière plus détaillée que ce qui est stipulé dans le Statut de Rome.

Le témoin a relaté à la Cour la conscription de quatre de ses élèves lorsque les combattants de l’UPC ont attaqué son école ainsi que la manière dont il avait été battu par la milice de l’UPC pour s’être opposé à la conscription des enfants. Les rebelles auraient indiqué enlever les enfants sur ordre de leur chef. Le témoin a précisé que leur chef était Thomas Lubanga.

Le témoin a déclaré que les coups qu’il avait reçus de la part des combattants de la milice de l’UPC avaient déformé son visage et qu’il avait souffert de troubles psychiques à la suite de ces violences. Il a ajouté avoir également perdu son école.

Les avocats des victimes ont avancé que lorsque les juges auront compris les circonstances entourant la manière dont les enfants avaient rejoint le conflit armé ainsi que les souffrances subies par eux-mêmes et les autres victimes, si l’accusé est déclaré coupable et que des réparations sont déterminées pour les victimes, ces éléments seront alors pris en compte.

Jean-Marie Biju-Duval, l’avocat de Lubanga et le procureur Manoj Sachdeva ont interrogé le témoin qui doit poursuivre son témoignage.

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2 commentaires

  1. En lisant ce document, trois faits méritent d’être relevés: 1. quand il y a la guerre, les écoles ne peuvent fonctionner. Alors comment peut-on recruter les élèves dans ces conditions? 2. Ils parlent de la guerre entre UPC et FNI. En localisant ce témoin, il s’agit d’une zone où l’UPC n’est pas arrivé. Il n’y a pas eu de combat entre les deux groupes dans cette zone. 3. Le témoin ne dit rien de ce qu’a pu faire FNI? 4. Pourquoi l’article ne reprend-il pas l’interrogatoire de la défense de Lubanga?

    Commentaire par Dhetchuvi Jean-Baptiste — 14 Janvier 2010 @ 15:36

  2. Cher Jean-Baptiste Dhetchuvi,

    Nous vous remercions pour vos commentaires. Nos reportages tentent de mettre en lumière les principaux évènements de la journée et nous nous efforçons de le faire de la manière la plus objective possible. Malheureusement, nous ne pouvons couvrir les témoignages qui sont présentés en séances à huis clos et cela limite parfois notre travail. Dans ce cas, une grande partie de l’interrogatoire de la défense s’est déroulé à huis clos afin de protéger l’identité du témoin. Vous trouverez l’explication dans le rapport du procès datant du 13 janvier, disponible à http://french.lubangatrial.org/2010/01/13/la-defense-interroge-une-victime-sur-son-recit-d%e2%80%99un-enlevement/. Nous sommes sensibles à votre intérêt pour le procès et espérons que vous continuerez à suivre les parties de la défense du procès Lubanga.

    Cordialement,

    Tracey

    Commentaire par Tracey Gurd — 27 Janvier 2010 @ 16:00