- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Le Bureau du Procureur termine sa présentation

La présentation des éléments de preuve de l’Accusation dans l’affaire contre le chef de milice congolais accusé Thomas Lubanga est arrivée à son terme cette semaine sans l’écho de la fanfare qui avait marqué son ouverture longuement attendue il y a cinq mois, le 26 janvier.

La dernière journée de procès, le 14 juillet, a été menée en majeure partie à huis clos alors qu’un témoin protégé achevait sa déposition.

Lubanga est la première personne à être jugée à la Cour pénale internationale, CPI. Il est accusé du recrutement, de la conscription et de l’utilisation d’enfants soldats, définis comme combattants de moins de quinze ans, dans les conflits ethniques qui ont fait rage dans toute la région de l’Ituri, en République démocratique du Congo, entre 2002 et 2003.

Le jour de l’ouverture du procès, le Procureur Luis Moreno-Ocampo avait déclaré devant une galerie du public pleine à craquer que Lubanga “ a commis certains des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale ; des crimes contre des enfants ”.

Ocampo avait également consacré une partie de son discours au calvaire des jeunes filles soldats, qui furent selon soumises à des viols à répétition au sein de la milice de Lubanga, l’Union des Patriotes congolais, UPC.

“Vous entendrez que dès que la poitrine des filles commençait à se développer, les commandants de Lubanga les sélectionnaient comme étant leurs épouses forcées,” avait déclaré Ocampo.

Lubanga n’est cependant pas inculpé pour des viols ou des crimes liés à la violence sexuelle. Cet aspect est devenu de plus en plus marqué au cours du procès, à mesure que les témoins racontèrent à tour de rôle comment les jeunes filles soldats furent violées de manière régulière par les commandants. Les témoins ont expliqué que ces filles étaient souvent tombées enceintes et que certaines avaient subi des avortements rudimentaires en résultat.

Les témoignages faisant état de viols furent si fréquents que, le 22 mai, les avocats de 99 victimes participant au procès demandèrent aux juges s’ajouter les charges d’esclavage sexuel et de traitement cruel à l’acte d’accusation de Lubanga.

Comme les reporters de l’IWPR l’avaient relaté le 25 juin dernier, les nouvelles charges pouvaient uniquement se baser sur des témoignages et éléments de preuves existants, étant donné que les avocats des victimes soutiennent que les faits existants indiquent des crimes supplémentaires.

La décision de rajouter ou non de nouvelles charges à l’acte d’accusation revient aux juges, et une audience sur cette question devrait avoir lieu cet été.

La plupart des témoins étant venus à la barre étaient eux-mêmes d’anciens enfants soldats, et la majorité d’entre eux bénéficièrent de mesures de protection – telles qu’un brouillage de leur voix et de leur visage – pour cacher leur identité.

Les aspects compliqués entourant la protection des témoins devinrent évidents dès que le premier témoin se présenta à la barre le 28 janvier. Alors que le témoin – qui se fit connaître sous le nom de Dieumerci – avait au départ dit qu’il avait été kidnappé sur son chemin du retour de l’école par les soldats de Lubanga, il avait hésité lorsque le Procureur adjoint Fatou Bensouda lui avait demandé s’il était allé dans un camp d’entraînement de l’UPC.

“Je trouve difficile de répondre parce que j’ai fait un serment [devant la Cour],” avait-il dit, suggérant plus tard qu’un groupe humanitaire l’avait briefé sur ce qu’il devait dire.

Dieumerci était finalement revenu témoigner le 10 février, et les modifications apportées à son récit furent mises sur le compte de la crainte pour sa sécurité et le fait de se retrouver face à face avec Lubanga en salle d’audience.

En résultat, lorsque Dieumerci était revenu témoigner, Lubanga avait été emmené en salle d’audience qu’une fois que le témoin se fut assis et ait été protégé de son regard. L’accusé pouvait voir Dieumerci uniquement sur son écran d’ordinateur.

Cette mesure fut ensuite utilisée avec d’autres témoins qui ne souhaitait pas se retrouver en contact visuel direct avec Lubanga.

Dieumerci n’est pas le seul témoin à avoir modifié son récit une fois passé à la barre. Le 16 juin, un témoin simplement désigné par le numéro ‘15’ avait dit à la Cour qu’il avait fourni un faux nom et une fausse déposition aux Procureurs.

Le juge président Adrian Fulford avait déclaré qu’une nouvelle déposition devait être obtenue du témoin “précisant que ce qu’il dit est la vérité”. La déposition avait été enregistrée en présence des avocats de la défense, mais le témoin 15 n’est pas revenu témoigner avant la fin de la présentation des arguments de l’Accusation. Rien ne permet pour l’instant de dire s’il va revenir à l’audience quand la Défense commencera l’exposé de ses arguments en octobre.

Au total, 30 témoins ont comparu au cours de la présentation des arguments de l’Accusation, y compris deux témoins appelés par les juges. 25 de ces témoins ont bénéficié de mesures de protection.

La Défense commencera l’exposé de ses arguments en octobre, aucune date précise n’ayant été fixée pour l’instant.