- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

La Cour concentre ses efforts sur la protection des témoins

Tandis que la Cour pénale internationale (CPI) se prépare à reprendre début mai le cours du procès du chef de milice congolais accusé, Thomas Lubanga, la protection des témoins s’impose comme une préoccupation majeure.

Cette problématique a été perceptible dès l’ouverture du procès puisque le premier témoin de l’accusation est revenu sur sa déclaration et a indiqué à la Cour qu’il avait été conseillé par des membres d’une organisation caritative à propos de ce qu’il devait déclarer.

Le témoin a donc été dispensé de comparaître mais il est ensuite revenu pour poursuivre sa déposition après avoir été protégé du regard de Lubanga au sein de la salle d’audience.

Bien que cet incident ait été perçu comme un premier revers, l’accusation s’est reprise et, selon les observateurs, semble être maintenant remise sur pied.

Les témoins suivants jugés vulnérables à l’intimidation ont été protégés d’une manière identique ou ont apporté leur témoignage dans des pièces closes.

Après 11 semaines de procès, les procureurs de la CPI ont confirmé qu’ils devaient relever deux défis majeurs, d’une part garantir la protection des témoins vulnérables et d’autre part assurer des conditions adéquates afin que ces témoins puissent témoigner à la barre.

« Nous collaborons en permanence avec l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins de la Cour afin d’adopter les mesures de protection appropriées chaque fois qu’elles sont nécessaires », a indiqué Béatrice Le Fraper, conseillère du procureur général de la CPI.

« Si un doute subsiste concernant la sécurité d’un témoin, nous ne l’appelons pas à comparaître », a déclaré Le Fraper.

Depuis le 26 janvier 2009, date du début du procès, 17 témoins se sont présentés à la barre et l’accusation compte appeler 13 autres témoins lorsque le procès reprendra, le 5 mai.

Parmi les témoins figuraient des ex-enfants soldats et leurs familles, des anciens commandants et gardes du corps ayant étroitement travaillé avec Lubanga ainsi que d’autres personnes impliquées dans le conflit de l’Ituri (région de la République démocratique du Congo).

Deux experts, un historien et une psychologue clinicienne, ont également témoigné.

Lorraine Smith de l’International Bar Association (IBA) a déclaré que les procureurs de la Cour ont œuvré avec acharnement à la protection des témoins pouvant être vulnérables et qui ont dû parcourir de longues distances pour venir témoigner.

Selon Smith, que ce soit du côté de la défense ou de l’accusation, des « efforts considérables » ont été fournis afin de ne pas traumatiser une nouvelle fois les témoins. « Tout le monde a été très prudent afin de ne pas tenter de mettre trop de pression sur les témoins ».

Malgré tout, la défense a été en mesure de remettre en cause la crédibilité de quelques témoins en raison de la présence de contradictions entre les déclarations antérieures de ces derniers et leurs dépositions à la barre.

Smith a félicité la Cour pour sa récente décision d’accorder à l’équipe de défense de Lubanga davantage de temps pour préparer la présentation de ses éléments qui fera suite à celle de l’accusation.

« Bien que nous pensions que certains témoins principaux ont déjà été appelés par l‘accusation », a indiqué Smith, « il est important que l’accusé dispose de suffisamment de temps pour s’entretenir avec ses avocats afin de garantir un procès équitable ».

Malgré le temps supplémentaire accordé à la défense, Le Fraper demeurait confiante en l’accusation.

« Nous pensons que nous avons présenté les preuves qui démontrent la responsabilité de Lubanga dans l’enrôlement et la conscription d’enfants de moins de 15 ans ainsi que dans leur utilisation à prendre une part active aux hostilités », a déclaré Le Fraper.

« Nous avons vu et entendu des preuves irréfutables, dont le témoignage de sept ex-enfants soldats décrivant le modus operandi de M. Lubanga concernant l’enlèvement d’enfants de moins de 15 ans, leur entraînement dans des conditions indescriptibles et leur utilisation pour attaquer des civils », a indiqué Le Fraper.

Elle a précisé que la Cour avait également entendu des témoignages sur des enfants battus, torturés, violés et tués pendant ces activités et sur « des enfants qui à leur tour ont battu, torturé, violé et tué sur ordre de Lubanga ».

D’autres personnes ont également exprimé leur satisfaction concernant la progression du procès.

« Nous n’avons eu, jusqu’à présent, aucune inquiétude au sujet de l’efficacité ou de l’impartialité du procès », a déclaré Param-Preet Singh, conseillère auprès de Human Rights Watch à New York.

D’après Singh, l’efficacité résulte du contrôle judiciaire exercé par la Cour.

« Le juge président semble très bien maîtriser le déroulement de l’audience », a précisé Singh.

Les juges du procès « suivent avec attention la manière dont les témoins sont interrogés ainsi que l’orientation de l’interrogatoire afin de s’assurer que tout soit en ordre », a-t-elle indiqué.

Selon Singh, à l’exception du premier témoin de l’accusation qui est revenu sur sa déposition mais qui a ensuite témoigné de nouveau, le procès s’est déroulé sans incident.

« Et avec tous les problèmes que l’affaire Lubanga a connu avant que le procès ne débute », a-t-elle remarqué, faisant allusion aux mois de retard de procédure, « il est positif que rien de notable ne soit survenu lorsque l’accusation a procédé à l’interrogatoire des témoins ».

« C’est excellent pour la perception générale du procès de Lubanga », a déclaré Singh.

Des retards de procédure étaient à prévoir et ils ont peut-être effectivement favorisé le bon déroulement du procès.

« Un grand nombre de questions de procédures ont été soulevées avant le début du procès », a indiqué Pena, « et c’est pourquoi il est logique que (le procès) avance rapidement maintenant. Nous avons vu davantage de témoignages que de questions de procédure ».

« Il est important pour l’accusé que le procès soit rapide et équitable », a déclaré Pena. « Mon sentiment est qu’il progresse de manière satisfaisante ».